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Ce systême est abominable et contraire à tout bon sens. L'expérience apprend que le papier timbré est un impôt singuliérement onéreux aux pauvres, gênant pour le commerce, qui multiplie extrêmement les chicanes et fait beaucoup crier le peuple par-tout où il est établi; je ne conseillerois pas d'y penser. Celui sur les bestiaux me paroît beaucoup meilleur, pourvu qu'on évite la fraude, car toute fraude possible est toujours une source de maux. Mais il peut être onéreux aux contribuables en ce qu'il faut le payer en argent, et le produit des contributions de cette espece est trop sujet à être dévoyé de sa destination.

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L'impôt le meilleur à mon avis plus naturel et qui n'est point sujet à la fraude, est une taxe proportionnelle sur les terres et sur toutes les terres sans exception, comme l'ont proposée le Maréchal de Vauban et l'Abbé de SaintPierre; car enfin c'est ce qui produit qui doit payer. Tous les biens royaux, terrestres et ecclésiastiques et en roture doivent payer également, c'est-à-dire proportionnellement à leur étendue et à

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leur produit, quel qu'en soit le proprié taire. Cette imposition paroîtroit demander une opération préliminaire qui seroit longue et coûteuse, savoir un cadastre général. Mais cette dépense peut très-bien s'éviter, et même avec avantage, en asseyant l'impôt non sur la terre directement, mais sur son produit, ce qui seroit encore plus juste; c'est-à-dire, en établissant dans la proportion qui seroit jugée convenable une dîme, qui se leveroit en nature sur la récolte comme la dîme ecclésiastique, et pour éviter l'embarras des détails et des magasins, on affermeroit ces dîmes à l'enchere comme font les Curés. En sorte que les particuliers ne seroient tenus de payer la dîme que sur leur récolte, et ne la payeroient de leur bourse que lorsqu'ils l'aimeroient mieux ainsi, sur un tarif réglé par le Gouvernement. Ces fermes réunies pourroient être un objet de commerce par le débit des denrées qu'elles produiroient et qui pourroient passer à l'étranger par la voie de Dantzick ou de Riga. On éviteroit encore par-là tous les frais de perception et de régie, toutes ces nuées de commis

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et d'employés si odieux au peuple, si incommodes au public, et ce qui est le plus grand point, la République auroit de l'argent sans que les citoyens fussent obligés d'en donner car je ne répéterai jamais assez que ce qui rend la taille et tous les impôts onéreux au cultivateur est qu'ils sont pécuniaires, et qu'il est premiérement obligé de vendre pour parvenir à payer.

CHAPITRE X I I.
Systême militaire.

DE toutes les dépenses de la Républi

que, l'entretien de l'armée de la Couronne est la plus considérable, et certai nement les services que rend cette armée ne sont pas proportionnés à ce qu'elle coûte. Il faut pourtant, va-t-on dire aussi-tôt, des troupes pour garder l'Etat. J'en conviendrois, si ces troupes le gardoient en effet ; mais je ne vois pas que cette armée l'ait jamais garanti d'aucune invasion, et j'ai grand'peur qu'elle ne l'en garantisse pas plus dans la suite.

La Pologne est environnée de puissances belliqueuses qui ont continuellement sur pied de nombreuses troupes parfaitement disciplinées, auxquelles, avec les plus grands efforts, elle n'en pourra jamais opposer de pareilles sans s'épuiser en très-peu de temps, sur-tout dans l'état déplorable où celles qui la désolent vont la laisser. D'ailleurs on ne la laisseroit pas faire, et si avec les ressources de la plus vigoureuse administration, elle vouloit mettre son armée sur un pied respectable, ses voisins attentifs à la prévenir l'écraseroient bien vîte avant qu'elle pût exécuter son projet. Non, si elle ne veut que les imiter, elle ne leur résistera jamais.

La nation Polonoise est différente de naturel, de Gouvernement, de mœurs, de langage, non-seulement de celles qui l'avoisinent, mais de tout le reste de l'Europe. Je voudrois qu'elle en différât encore dans sa constitution militaire, dans sa tactique, dans sa discipline, qu'elle fût toujours elle et non pas une autre. C'est alors seulement qu'elle sera tout ce qu'elle peut être et qu'elle tirera de son sein toutes les ressources qu'elle peut avoir,

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La plus inviolable loi de la nature est la loi du plus fort. Il n'y a point de législation, point de constitution qui puisse exempter de cette loi. Chercher les moyens de vous garantir des invasions d'un voisin plus fort que vous, c'est chercher une chimere. C'en seroit une encore plus grande de vouloir faire des conquêtes et Vous donner une force offensive; elle est incompatible avec la forme de votre Gouvernement. Quiconque veut être libre ne doit pas vouloir être conquérant. Les Romains le furent par nécessité, et, pour ainsi dire, malgré eux-mêmes. La guerre étoit un remede nécessaire au vice de leur constitution. Toujours attaqués et toujours vainqueurs, ils étoient le seul peuple discipliné parmi des barbares, et devinrent les maîtres du monde en se défendant toujours. Votre position est si différente que vous ne sauriez même vous défendre contre qui vous attaquera. Vous n'aurez jamais la force offensive; de long - temps vous n'aurez la défensive; mais vous aurez bientôt ou pour mieux dire vous avez déjà la force conservatrice qui, même

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