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depuis son origine, en 1109, jusqu'à l'année 1297, pendant cent quatre-vingt-huit ans.

Le cartulaire contient 147 chartes qui mentionnent, avec la fondation de l'Abbaye (Charte 1r que nous avons reproduite en son entier), plus de deux cents dons ou legs, quatre achats ou échanges et quatorze contestations terminées, les unes par des arbitrages, les autres par le désistement des parties, lesquelles reconnaissant les. droits de l'Abbaye, renoncèrent à leurs prétentions.

La charte 107 présente un double intérêt, en ce qu'elle donne quelques renseignements sur la chapelle du monastère et nous apprend l'origine du nom de la Cleirie, maison noble', qui, avant la Révolution, était habitée par la famille de Caumont la Force.

Raoul d'Apremont, noble chevalier, en échange de vingt >> sous que les moines recevaient sur deux moulins de Tal>>mont et de vingt-cinq sous qu'ils touchaient sur les feux de » Poiroux pour l'entretien de deux cierges allumés, l'un » devant l'autel où est célébrée la messe de la Ste-Vierge, » l'autre devant l'autel où, chaque jour, on dit la messe pour » les fidèles trépassés. Raoul d'Apremont leur donna trente >> sous de rente annuelle pour un cheval de service sur le » fief de Guillaume Cleire, chevalier, et d'Améline, son >> épouse, et cinq sous de taille qu'il percevait sur ledit fief, exploité par Guillaume Lezircas, Guillaume Trolart, Jean >> Toschart et leurs enfants. » (1238)

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La dédicace de l'église était célébrée le 16 décembre. Aimery II de Beuil, fondateur du monastère, sa femme et ses fils furent inhumés dans la chapelle (Charte 3o).

Rouaud, serviteur d'Aimery, reçut le même honneur. Après la mort de ses maîtres, ce fidèle serviteur donna à l'abbaye tout ce qu'il possédait et, n'ayant plus rien à donner, il ajouta le don de sa propre personne. Pour récompenser un dévoue

Située dans le bourg de Poiroux.

ment aussi complet, les moines lui accordèrent un tombeau dans leur chapelle.

La charte 56° nous fait savoir qu'Aimar, chevalier, frère de Guillaume Josselin, donna plusieurs vignes à l'abbaye, à la condition qu'après son décès, l'abbé de Bois-Grolland recevrait sa dépouille mortelle..... dans la chapelle du couvent, sans doute.

Le cartulaire nous apprend également le départ pour la Terre-Sainte de quatre preux et dévots chevaliers.

Pierre de Chantemerle, fils de Guillaume, baron de Poiroux, voulant aller à Jérusalem, dit la charte 43° -, demanda à entrer en communion de prières avec les religieux. Le jeune croisé trouva en Palestine une mort glorieuse, puisque sa sœur Berthe, héritière de la Baronnie, la transmit à son mari Guillaume d'Apremont.

Barthélemy Chastegnier, accompagna Pierre de Chantemerle. Avant de partir, il donne à l'abbaye de Bois-Grolland tout ce qu'il possède sur la terre de la Cigogne, avec le consentement d'Odon Meschin, à qui le fisc appartenait. L'abbé Benoît compta quatre livres angevines à Barthélemy Chastegner pour l'aider à faire sa route. (Charte 45o).

Le brave et galant chevalier Savary de Mauléon, seigneur de Talmont, surnommé le maître des braves, le chef de toutes courtoisies, prêt à partir pour la Terre-Sainte, donne en pure et perpétuelle aumône, à Dieu, à la bienheureuse Marie et aux moines de Bois-Grolland douze deniers de cens que lesdits moines lui payaient, à sa maison de la Frédonnière, le jour la nativité de saint Jean-Baptiste, à cause de la Tour de Curzon. Il ajoute à ce don celui du complant et de tous ses droits sur la moitié d'un quartier de vigne près de Talmont. (Charte 73°, an 1218).'

1 Savary de Mauléon contribua pour une large part à la prise de Damiette, en amenant un puissant renfort aux assiégeants dont la position se trouvait fort compromise. Ce secours arriva à point la présence du seigneur de Talmont, dont la valeur était bien connue, ranima la confiance des croisés qui ne tardèrent pas à s'emparer de la ville. - « C'était un héros incomparable et de ses beaux faits d'armes ferait-on un livre. » (Jacob de Vitré,)

Avant de se rendre à Jérusalem, Pierre de Volvire donne à l'abbaye le quart du pacage qui lui appartenait sur le bien que les religieux possédaient au Payré de Curzon. (Ch. 103°.)

Il fallait une foi vive et ardente pour affronter les nombreux dangers d'un voyage lointain à travers des nations hostiles; et, une fois rendu en Terre-Sainte, pour combattre chaque jour, sous un climat meurtrier, des adversaires obstinés qui se renouvelaient sans cesse.

Ceux qui ne partaient pas pour la croisade voulaient cependant donner des gages de leur amour pour la Religion : de là, les nombreuses donations, les legs pieux faits aux églises et aux communautés. Plusieurs, en faisant leurs libéralités, spécifiaient une intention particulière et n'accordaient leurs dons que pour favoriser les vocations religieuses pour faire un moine dit la charte. Le cartulaire de BoisGrolland contient six dispositions ainsi conçues. D'autres se donnaient eux-mêmes à l'abbaye avec tout ce qu'ils possédaient. (Rouaud, Ch. 3°; Airaud Driveas, Ch. 21°; Basile, Ch. 24).

En général, les dons ou legs sont de peu d'importance: ils consistent en une ou plusieurs sexterées de terre, la dime d'un moulin, le complant d'un quartier de vigne, une mine de froment, quelques muids de vin ou une aire de saline.

Toutefois, il en est de beaucoup plus importants et, au nombre des principaux bienfaiteurs de Bois-Grolland, il faut d'abord citer les seigneurs de Poiroux.

Vers l'an 1200, l'abbé et les moines de Bois-Grolland qui, jusque-là, avaient vécu sous la règle de S. Benoît, adoptèrent celle de Citeaux, sur la demande de Guillaume de Chantemerle, seigneur de Poiroux et de son épouse Maxence, fille de Pierre de Beuil, lesquels, en témoignage de reconnaissance, donnèrent à perpétuité à l'abbaye la terre de la Mainbourgère, avec sa maison et ses clôtures, quitte des droits de voirie, de foi et d'hommage; plus les champs Blancs, la terre Cunne, le Beliver, les terres du Fougeré, de la Glaudère et du

Petit-Clos, ainsi que les prés Ailler et du Faine-Lop. (Ch. 114). Un autre seigneur de Poiroux, qui prit part à la guerre des Albigeois et qui fut un des plus vaillants chevaliers du règne de Philippe-Auguste et de Louis VIII, Guillaume d'Apremont, avec le consentement de son fils Raoul, alors en âge de se marier, donna à l'abbaye de Bois-Grolland tout ce qu'il possédait de droits de service et de coutume sur l'herbergement du Costau, près de la rivière qui vient de Poiroux, lequel situé entre le moulin de Haute-Planche et celui de Garnaud, comprend terres, prairies, vignes, bois et rivières. (Ch. 82)

Raoul d'Apremont, noble chevalier, seigneur de Poiroux et de Riéz, concéda à l'abbaye fous les hommes habitant la Mochagnère, en St-Sornin, avec leurs héritiers et toutes leurs possessions. De plus, il fait don de tous ses droits sur les terres qui s'étendent de l'étang du Bois-Guichet, jusqu'à celui de la Chénardière et au pont de Jean des Noues; il leur accorde, en outre, les rèses de vigne depuis la Querie jusqu'à la Barre de Plasseit et tout ce que possédaient ses hommes entre ces limites, sans aucune réserve pour lui ni pour ses successeurs. (Ch. 113°)

Guillaume de Mauléon, seigneur de Talmont, donna aux moines le cinquième du marais de Curzon (Ch. 190°)

L'abbaye reçut cent quatre-vingt-dix aires de salines de Gautier Chabot et de sa femme Valences (Ch. 16°) et cent cinquante aires de salines de Boquer, archiprêtre de la Rochelle. (Ch. 143°)

Aimery Moricq lui avait légué l'herbergement d'Etienne Babin, ainsi que le Plessys d'Avrillé maison, bois, vignes, terres, le tout libre de tout service. (Ch. 129° et 57°)

Raoul de Tonnay, chevalier, seigneur de Luçon, donna par legs à l'abbaye de Bois-Grolland le terrain et tous les droits qu'il avait sur le clos et sur le marais dont elle avait la jouissance dans son fief de Champagné.

Aimery, vicomte de Thouars avait fait abandon de toutes

les tailles sur le marais situé entre Luçon et Champagné, ainsi que sur toutes les terres de la Grange du Payré de Curzon. (Ch. 162°).

Une autre donation mérite une mention particulière.

La charte 7 fait connaître que Regnaud, fils de Jean de Vertou, quittant la société des moines de Bois-Grolland pour prendre une épouse, donne à l'abbaye la maison avec pressoir et cuves qu'il possède à Talmont de moitié avec les moines et ce, libre de tout droit après son décès. Par une autre clause, il stipule que la moitié de son mobilier appartiendra à la communauté, s'il n'a pas d'héritier, mais que ce don sera réduit au tiers, s'il a des enfants.

La formule de tous ces actes est à peu près la même c'est à Dieu, à la bienheureuse Marie et aux moines de Bois-Grolland que l'on donne une terre ou un quartier de vigne pour son salut et celui de ses parents. Vient ensuite l'adhésion de la femme et des enfants du donataire que suit toujours le consentement du seigneur du fief.

On est surpris de la déférence à l'égard de tous les membres de leur famille de ces fiers chevaliers que l'on se figure habituellement comme exerçant toujours et en tout lieu le pouvoir le plus absolu. Tandis que, de nos jours, si modeste que soit sa position sociale, chacun croit pouvoir donner quand il lui plaît, sans consultation préalable, les grands seigneurs d'autrefois, comme les simples gentilshommes et les humbles roturiers, ne disposaient pas de la moindre parcelle de leurs biens, sans avoir d'abord obtenu le consentement de leur femme, de leurs enfants, souvent de leurs frères et sœurs et parfois de leurs neveux et nièces. Le gouvernement de la famille était-il donc plus libéral au XIIIe siècle qu'il ne l'est au XIX? Qui s'en serait douté ?

(La suite prochainement).

CONSTANT VERGER.

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