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dit-on, dans la carrière ecclésiastique par être enfant de choeur à la cathédrale d'Angers. Il était chanoine de la collégiale de Saint-Pierre en la même ville, lorsqu'à la mort d'Adon', le clergé de Nantes l'obtint pour pontife. Gohard assista à une assemblée d'évêques au Mans, le 1er avril, jour de Pâques 837, et y souscrivit le testament d'Aldric, évêque du lieu, et les privilèges que ce prélat accorda aux chanoines de son église Gunhardus, indignus episcopus, huic testamento subscripsi2.

Ce que l'on ne peut révoquer en doute, c'est la vertu éminente du saint pontife; il menait sur la terre une vie angélique, lisons-nous dans ses actes, afin de « partager la << gloire des anges dans le ciel: Gloriosus Christi martyr Gohardus, vitam angelicam ducebat in terris, ut cum « angelis lætaretur in cœlis. » (2o antienne des vêpres).

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Ce qui a rendu surtout célèbre la mémoire de saint Gohard, c'est son martyre dans la cathédrale de Nantes où il fut mis à mort avec une partie de ses prêtres et des fidèles dont il était le pasteur. Les Normands, attirés à Nantes par la perfidie du comte Lambert, ayant pris cette ville d'assaut, pénétrèrent dans la cathédrale le 24 juin de l'an 843, fête de saint Jean-Baptiste, au moment où l'évêque célébrait la sainte messe à l'autel de saint Ferréol. Gohard prononçait le Sursum corda qui précède la Préface, lorsque les barbares, « comme des bêtes féroces altérées de sang humain, » disent les Actes du saint martyr, « frappent les fidèles « occupés à la prière, n'épargnent ni l'âge, ni le sexe, et se portent à un tel excès de cruauté envers le troupeau de « Jésus-Christ, qu'ils n'hésitent pas à massacrer le pontife «< lui-même. »

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1 Et non de Trudgarus, comme le dit l'abbé Tresvaux, dans sa Vie de saint Gohard (t. II. p. 253) après avoir intercalé lui-même, et le premier, Adon dans le Catalogue des évêques de Nantes (T. VI p. 62.)

2 Baluze, miscell T....

Ici se place une légende dont nous laissons tout le mérite à Albert de Morlaix, et dont l'originalité l'emporte peut-être sur la véracité. La voici, telle que la raconte le pieux Bénédictin de Bonne-Nouvelle: A peine décapité, et au moment où les Normands remplissaient encore la cathédrale, Gohard se relève, prend sa tête gisant non loin de son corps' et l'ayant placée sur ses épaules, sortit de l'église, suivi d'une foule curieuse de voir ce qui allait se passer. Il se dirigea vers la Loire, en passant par le quartier de Richebourg, s'embarqua dans un bateau qui semblait l'attendre, et où se trouvaient deux cierges allumés, et ful, de la sorte, transporté jusqu'à Angers, où leclergé de Saint-Pierre le reçut avec les honneurs dus à son martyre. Le corps du saint évêque fut enveloppé de soie et mis dans une châsse précieuse où l'on inscrivit sur une première plaque de plomb: « In hac sepultura quiescit « humilis Gohardus, Nannetensium Pastor et Martyr. v

Le martyre de saint Gohard et de ses compagnons eut lieu sous le pontificat du pape Grégoire IV.

La purification de l'église de Nantes profanée par ce massacre, se fit le dimanche, seizième après la Pentecôte, 30 septembre 843, c'est-à-dire trois mois après sa pollution. L'évêque Suzannus, de Vannes, présida la cérémonie.

On conserva longtemps à la cathédrale de Nantes la chasuble dont saint Gohard était revêtu au moment de son martyre, et le calice avec lequel il célébrait son dernier sacrifice, qu'il alla consommer dans le ciel. Le pape Urbain II inscrivit en 1095, au concile de Clermont, le nom de Gobard dans le martyrologe et fixa sa fête au 25 juin. Voici comment s'exprime Travers à propos des reliques de saint Gohard. « On ne possède son corps ni à Saint-Serge-lezAngers, comme le P. Le Cointe et l'abbé Fleury l'assurent, «ni à Saint-Pierre d'Angers, comme on le pense à Angers.

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1 Ceci rappelle la légende de sainte Eaude, sœur de saint Tanguy du Chastel, au donjon de Trémazan, au pays de Léon, et la décollation de saint

« Il est plus vraisemblable de croire que le lieu de sa mort << fut aussi celui de sa sépulture. On honore à Créteil, à << deux lieues de Paris, au même jour où saint Gohard est « honoré à Nantes, un saint Agoard et ses compagnons, « martyrs, dont M. Baillet assure qu'on ne connaît ni le << temps ni le pays, ni le genre de martyre. Cette concurrence « de jours, jointe à une grande ressemblance de nom, et « à la multitude innombrable de martyrs dont on l'entoure, «me ferait croire que c'est saint Gohard, de Nantes, dont << on aura porté le corps à Créteil, avec ceux de plusieurs de ses compagnons, pour les sauver de la fureur des « Normands, et qu'ils ne sont que par addition dans le martyrologe d'Usuard. »>

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Nous avouons que nous serions presque tenté d'adopter cette manière de voir et de croire que l'Agoard de Créteil est bien le saint Gohard de Nantes. Jusqu'à la Révolution, le culte de saint Gohard fut en honneur dans la cathédrale de Nantes. Une chapellenie de son nom y avait été fondée, les offices (d'après ce que nous apprennent, entre autres, un acte de 1725, des Archives du chapitre) s'y célébraient à un autel situé au-dessus du transept nord, dans la partie proche du palais épiscopal. Nous croyons pouvoir avancer que dans la partie neuve de la cathédrale, qui va bientôt, au bonheur de tous, être livrée au culte, un autel sera spécialement dédié sous le vocable de saint Gohard.

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Actard vel Attardus, Aitardus, Ectardus. Issu d'une famille noble de Touraine, prêtre de l'église de Tours, Actard fut sacré, paraît-il, très peu de temps, de jours même peut-être,

après la purification de l'église de Nantes. Les habitants ayant demandé un pasteur à Amauri, évêque de Tours, celuici leur envoya Actard. On place son sacre en octobre 843, sous le pontificat du pape Grégoire IV, pendant la tenue du concile de Lauriac ou Liré, présidé par le métropolitain. Nous avons six canon; de ce concile, dont quatre ont été publiés ; les deux derniers, reproduits dans le concile de Tours en 1583, ont été omis dans l'édition des conciles.'

Actard ne tarda pas à se brouiller avec le comte Lambert et n'eut pas de peine à obtenir son éloignement. Quelques années après, lorsque Nominoé secoua le joug de la France et se rendit indépendant, ce prince, après avoir modifié les limites de certains évêches bretons, ou plutôt après en avoir assigné de fixes à plusieurs évêchés de la Bretagne Domnonée ou septentrionale, tels que ceux de Tréguier, Saint-Brieuc, Saint-Malo et Dol, qui n'avaient eu jusque-là, sauf le dernier, que des pasteurs dits régionaires, se fit couronner à Dol comme roi de toute la Bretagne, par Festinien, évêque de cette ville. Il lui donna le titre de métropolitain de toute la province, au détriment du titulaire de Tours, qui était précédemment, et de temps immémorial, reconnu pour tel. Mais Actard, dont le cœur était plus français que breton, n'ayant pas acquiescé à cet ordre de choses, fut chassé de Nantes (859). Il se retira près du roi Charles le Chauve, dont il obtint l'administration des revenus de l'église de Chartres, alors sans évêque. La charte du comte Lambert, pour la fixation du nombre des chanoines de Saint-Aubin-d'Angers, qui est de la nne année, met parmi les souscripteurs Actard, qui preal toujours le titre

↑ L' concile de Liré cɔaluma) c>ax qui teatat le comitè quella səri la durée du règne du prince et quel sra $51 $173233ear. Il établit l'obissance et le respect que l'on bit aux lois le l'Eglise at de l'Enɔirs, mis il veut que ces lois sɔient justes at rúsɔnnibles, sabɔ1 021 at 991formes aux canons. Ils ont été invoqués en 13)3 pir les év3⁄4¡193 réfugiés en Anglətərzə pour faire valoir les droits le Louis XVIII contre l'usurpation de Bonaparte.

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d'évêque de Nantes : « Actardus' episcorum Dei servus, sedis Nanneticæ indignus episcopus, huic decreto subscripsi. Gislard vel Gilardus, vel Gisloardus, vel Sislardus, prêtre de Vannes, fut mis à sa place, mais il n'y resta pas longtemps. Nominoé étant mort, Erispoé, qui lui succéda, acorda à Charles le Chauve, le retour d'Actard à Nantes, à condition que le diocèse serait partagé entre lui et Gislard. Hincmard de Reims nous apprend que le roi, de l'avis des évêques, avait condamné ce dernier à une prison perpétuelle dans les cloîtres de Saint-Martin de Tours; cette sentence ne fut pas, on le voit, exécutée. Gislard abandonna à Actard Nantes avec le territoire qui forma depuis les doyennés de la chrétienté de Clisson et de Rais et se retira à Guérande, à l'autre extrémité du diocèse, dont il retint dans son obédience la partie qui composa plus tard l'archidiaconé de Mée, (de Media, entre l'Erdre, la Loire, la Sevonne et la Vilaine, jusqu'à la mer, sous les doyennés de la Roche-Bernard et de Château-Briant)'.

Le rétablissement d'Actard à Nantes ne le rendit pas plus heureux : il n'avait recouvré que la moitié du diocèse et presqu'aussitôt son retour à Nantes, les Normands s'y montrèrent. Ils se ruèrent sur la ville à la fin du carême de 853 et firent un grand carnage du peuple et beaucoup de butin. Le moine de Saint-Bertin, connu sous le nom de Iperius, Réginon, Sigebert, les chroniques de Limoges, de Tours, etc, ajoutent que l'évêque fut tué pendant qu'il faisait la bénédiction des fonts baptismaux la veille de Pâques. Actard ne fut pas tué, mais fut chargé de chaînes.

Son premier soin, dès qu'il eut réussi à se soustraire au pouvoir des Normands, et qu'il eut été rendu à son église, fut d'en réparer les ruines et de pourvoir à la subsistance de

Martène, anecd. T. 1er, p. 36. (Ex. Carterio S. Albini Andeg.)

2 Chronique de Nantes.

3 Le 2 avril 853.

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