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Ses portraits lui donnent une figure maladive, émaciée, œil en saillie dans une arcade caverneuse, physionomie étrange assez en harmonie avec la carrière sans suite que nous venons de parcourir. Je dois remarquer que plusieurs biographes' l'ont confondu à tort avec un homonyme qui fut membre de la Convention et du conseil des Anciens pour I'Ille-et-Vilaine.

50. — L'abbé RENÉ Le Breton de Gaubert.

Recteur de Saint-Similien de Nantes,

député suppléant du clergé du diocèse de Nantes,
(n'a pas siégé).

(Diocèse de Nantes, 1725. Nantes, 1er septembre 1794)

Ordonné prêtre en 1751, à vingt-six ans, Le Breton de Gaubert fut d'abord vicaire de la petite paroisse de SaintDenis de Nantes, aujourd'hui supprimée, et profita de ses loisirs pour prendre ses grades dans l'Université de Nantes. et s'y faire recevoir docteur en théologie. Nommé en 1758 curé de Nort, sur la présentation du chapitre de la cathédrale, il devint bientôt, sur la même présentation en mars 1759, recteur de la grande paroisse de Saint-Similien de Nantes, et ne la quitta plus jusqu'à sa mort: c'est-à-dire qu'il la gouverna pendant trente-cinq ans.

C'était un prêtre extraordinairement laborieux. Procureur général de l'Université de Nantes en 1762, il y prononça, pour la rentrée publique de l'année scolaire 1763, un discours latin tellement remarquable sur l'éducation de la jeunesse, qu'il fut tout d'une voix élu recteur de l'université pour l'année

▲ En particulier la Biog. nour. des contemporains d'Arnault. On a des notices sur lui dans les mém. de la Soc. des Antiquaires de France, par Tallandier: dans la Biog. univ.; dans la Biog. bret. etc.

courante'. Nommé, à la même époque, examinateur du concours du diocèse pour les cures vacantes en cour de Rome, il trouvait encore le moyen de se livrer à des recherches d'érudition et d'archéologie chrétienne. On a de lui en 1773, un Manuel de piété, dédié à ses paroissiens, et qui contient des notices historiques sur saint Similien, sur l'église paroissiale, sur les chapelles de la campagne, et de nombreux documents qui intéressent plus particulièrement l'histoire locale. Plusieurs critiques, l'abbé Gaignard, Ed. Richer, Bizeul et Mellinet2, lui ont reproché d'avoir donné trop de créance à des traditions fabuleuses sur la fondation de la chapelle de N.-D. de Miséricorde ces reproches sont justifiés, mais il n'en reste pas moins d'excellentes choses à conserver dans le manuel de l'abbé Le Breton, qui est devenu fort rare à rencontrer de nos jours3.

On conserve aussi de cette époque, vers 1780, plusieurs mémoires juridiques rédigés pour et par le recteur de SaintSimilien, contre le chapitre de Nantes et contre le général de sa paroisse, à l'occasion de procès au sujet des dîmes locales. Ils prouvent que l'abbé Le Breton eût fait un excellent avocat, et qu'il savait se défendre mieux que personne.

Le 2 avril 1789, nommé, comme recteur de la plus ancienne paroisse de Nantes, président de l'assemblée diocésaine, réunie dans la grande salle des Jacobins de Nantes pour la rédaction du cahier des charges et les élections des députés aux Etats-Généraux, l'abbé Le Breton prononça un discours

'Affiches de Nantes, du 2 nov. 1763. Voy. l'analyse de ce discours dans la notice de Dugast-Matifeux, à la Biog. bret.

2

Gaignard, dans son Voyage en ballon autour du diocèse de Nantes ; Richer, au t. IV, de ses durres littéraires, p. 300; Bizeul, dans son opuscule sur les Namnètes, etc.

3 Voici le titre exact de ce livre :

Manuel ou livre contenant différentes prières, instructions, la vie et les litanies de saint Similien, avec des notes historiques sur l'église de ce saint et la station solennelle de la chapelle de N.-D. de Miséricorde, dédié aux paroissiens de Saint-Similien de Nantes, par V. et D. Messire René Le Breton de Gaubert, docteur en théologie, examinateur du concours du diocèse, recteur-curé de cette paroisse. Nantes, Vatar, 1773, in-12.

d'ouverture qui fut très applaudi, et fit partie de la rédaction du cahier des doléances dont j'ai parlé à propos de Binot : mais il ne fut élu que député suppléant aux Etats-Généraux. Il se rendit à Versailles avec les titulaires et assista pendant plusieurs mois aux séances dans la tribune spéciale réservée aux suppléants. Ce spectacle lui suffit pour calmer son ambition d'y prendre une part directe: et lorsque les abbés Maisonneuve et Chevallier donnèrent leur démission au mois de septembre 1789, il refusa d'aller remplacer l'un d'eux, en prétextant son âge, en sorte qu'il fallut procéder à des élections supplémentaires.

Ce n'est pas que l'abbé Le Breton eût, comme les titulaires qui donnaient leur démission, peur de se compromettre dans les projets déjà connus de réorganisation ecclésiastique sans le concours de l'autorité romaine. Il était bien décidé à accepter les décrets de l'Assemblée nationale quels qu'ils fussent mais il avait soixante-quatre ans et il aspirait au repos. Un an après, il prêtait le serment à la constitution civile du clergé, avec l'Université nantaise dont il était toujours membre, et pour mieux accentuer encore son attitude il publiait une apologie du serment'.

Cela ne le sauva point, lorsque vinrent les jours terribles. Dénoncé au comité révolutionnaire de Nantes en 1793, pour n'avoir point cessé tout exercice de son ministère et n'avoir pas complétement sécularisé son costume, il fut frappé d'un mandat d'amener le 15 brumaire an II (5 novembre 1793), et se présenta, dit le registre des séances de ce farouche tribunal dont il avait marié jadis le président Bachelier, « revêtu de quelques lambeaux de la livrée sacerdotale. » Il n'en fallait pas plus pour être jeté dans les gabarres des

Elle est intitulée: Discours par M. Le Breton D. G., docteur en théologie, recteur-curé de Saint-Similien de Nantes. Nantes, Guimar, décembre 1791, in-8°, 40 p.

-

Un prêtre orthodoxe, qui garda l'anonyme repliqua par : Réponse à M. de Saint Similien, s. 1. n. d. in-8", 16 p.

noyades. Bachelier le sauva une première fois. Simplement renvoyé en police correctionnelle, puis relâché, Le Breton fut de nouveau arrêté le 19 pluviôse (7 février 1794) et incarcéré aux Saintes-Claires, puis à l'ancien Sanitat où il mourut peu après, en faisant d'amères réflexions sur l'ingratitude des révolutionnaires'. Le serment à la constitution. civile ne portait décidément pas bonheur aux députés du clergé Nantais.

(La suite prochainement. }

RENÉ KERVILER.

M. Dugast-Matifeux a donné la biographie de Le Breton de Gaubert dans les Mém. de la Soc. acad. de Nantes, 1852, p. 410 à 424 et dans la Biog Bretonne.

SUR LES DÉPUTÉS BRETONS

J'ai récemment découvert dans le journal de la Coriespondance de Nantes, t. VI, p. 359, une lettre du député de Nantes, Baco, datée de décembre 1790 et qui m'avait précédemment échappée. On la lira sans doute avec intérêt.

Lettre de M. Baco, député de Nantes à l'Assemblée nationale, à M. Felloneau, juge au tribunal du district.

Une nouvelle absurdité s'est répandue à Nantes sur mon compte. L'active malveillance la colore de vraisemblance. Encore une fois, je suis donc forcé d'entrer dans les détails de mon opinion et de ma conduite. C'est à vous que je les adresse, mon cher et ancien confrère, afin que vous puissiez juger des effets de la calomnie. On a écrit ici à plusieurs personnes que j'étois enfui pour Londres. On pense que, sans doute, j'ai ainsi voulu échapper au ressentiment des patriotes qui pressoient l'expulsion des ministres, expulsion sur laquelle j'avois refusé de délibérer à l'Assemblée nationale, par des motifs, présume-t-on, de protection et de faveur que j'en attendois. Je ne sais si ceux qui ont ainsi parlé de moi, me connoissent bien, et si du fond de leur âme, ils ont pensé que j'étois un bas flatteur et un courtisan avili. Ce que je sais, c'est qu'ils ne le diroient pas à moi-même. Mais ce n'est pas une simple dénégation qui me convient. Je dois preuve à celui de mes concitoyens qui ne me connoit pas.

Une grande question s'est élevée dans l'Assemblée sur le vœu de quatre Comités réunis par Commissaires. Les ministres du Roi ontils, ou non, la confiance de la Nation? ou, en d'autres termes, doivent-ils, ou non, être renvoyés? Les quatre Comités, à une pluralité de 15 voix, avoient décidé l'affirmative. Leur demande formelle de déclarer à Sa Majesté que les Ministres avoient perdu la confiance de la Nation, fut soumise à l'Assemblée, la discussion fut longue, animée; on agita les questions secondaires, s'il appartenait à la Nation de déterminer le choix du Roi? si l'Assemblée nationale a entendu se réserver la faculté de franchir les limites qu'elle a sagement fixées en exigeant la responsabilité? Le Corps législatif pouvant placer et déplacer ainsi les ministres, sur la simple émission de son vou, si la responsabilité ne devient pas un vain mot? Si, en effet, un jour on ne pourroit pas abuser de cet exemple, pour soustraire à la loi des Ministres prévaricateurs, avant que le moment de la conviction ne fût arrivé? Si on n'avoit pas, au préalable, à calculer, pour la législature, les suites d'une résistance du Roi à une demande non motivée, non justifiée? S'il étoit de la majestée de l'Assemblée de

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