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SUR

LES DÉPUTÉS DE LA BRETAGNE

AUX ÉTATS-GÉNÉRAUX

Et à l'Assemblée Nationale Constituante de 1789'.

48. Le Père JEAN-PAUL-MARIE-ANNE Latyl.

Oratorien,

Député du clergé de Nantes aux élections complémentaires.

(Marseille, 15 août 1747, Paris

(5 thermidor an II).
25 juillet 1794).

Marseillais et oratorien, le père Latyl était depuis quelque temps supérieur du collège très florissant des Pères de l'Oratoire de Nantes, le musée archéologique départemental est aujourd'hui établi dans leur ancienne chapelle, près du cours Saint-Pierre, lorsqu'eurent lieu les élections supplémentaires de l'assemblée diocésaine de Nantes en septembre 1789, à la suite du refus de siéger de l'abbé Le Breton de Gaubert et du P. Etienne, suppléants élus au mois d'avril précédent. Le père Latyl avait déjà fait partie de la première assemblée qui l'avait élu commissaire à la rédaction des cahiers. Cette fois on l'élut député avec Binot et Méchin, pour remplacer les abbés Maisonneuve, Moyon et Chevallier, démissionnaires : mais la situation était autrement délicate qu'en avril. On connaissait déjà les projets schismatiques de

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l'Assemblée nationale et les trois démissionnaires ne s'éloignaient que pour ne pas y participer: il eût donc fallu élire des députés bien décidés à ne pas reconnaître l'omnipotence et l'infaillibilité exclusive du Parlement en matière de réglementation religieuse. Ce fut le contraire qui arriva. Les électeurs orthodoxes, découragés par les récits des députés démissionnaires, ne se présentèrent qu'en petit nombre à l'élection et les nouveaux députés, à Nantes, comme à Rennes et à Saint-Pol-de-Léon, furent pris parmi les ecclésiastiques déjà engagés dans le mouvement. Tous les élus de cette époque prêtèrent le serment à la constitution civile du clergé, et plusieurs d'entre eux eurent une fin déplorable. J'ai déjà dit ce que fut celle de Binot on verra plus loin celle de Quéru de la Coste. On remarquera aussi que les Bretons proprement dits manifestèrent leur répugnance au schisme en nommant cette fois des étrangers, ce qu'ils n'avaient pas fait aux élections d'avril. C'est ainsi que Latyl passa à Nantes et dom Verguet à Saint-Pol.

Le père Latyl ne se fit remarquer à l'Assemblée nationale qu'en votant silencieusement avec la gauche. Je ne connais pas de motion spéciale émanée de lui et je constate seulement qu'il fut nommé, le 26 avril 1790, membre du comité des rapports. Le seul document qui le concerne dans les publications relatives à cette époque, est une lettre qu'il écrivit, en juin 1790, aux élèves du collège de l'Oratoire de Nantes, pour les remercier d'une offrande patriotique de 411 livres qu'il avait déposée en leur nom sur le bureau de l'Assemblée :

« Messieurs, l'Assemblée nationale, par son décret du 8 courant, m'a chargé de vous écrire, pour vous témoigner sa vive satisfaction sur le don patriotique que je lui ai présenté de votre part et sur les sentiments que vous avez exprimés dans l'adresse que vous lui avez envoyée et dont je lui ai fait lecture moi-même. Elle espère que ces sentiments patriotiques germeront de plus en plus dans vos cœurs et vous disposeront un jour à servir la patrie avec succès. Elle fonde toute l'espérance de son bonheur sur la jeunesse française

qui, élevée dans les principes de la nouvelle Constitution, apprendra de bonne heure à la soutenir. Je me félicite, Messieurs, d'avoir pu être votre organe auprès de l'Assemblée nationale, et vous prie de me croire, etc...' »

Ainsi pénétré de l'excellence de toutes les mesures prises. par l'Assemblée nationale, Latyl, l'un des premiers, le 27 décembre 1790, prêta serment à la constitution civile du clergé, ce qui lui valut d'être élu le 20 février 1791, par 60 voix sur 61, curé constitutionnel de la paroisse nantaise de Saint-Clément, sur le territoire de laquelle se trouvait le couvent de l'Oratoire. Mais il ne jugea pas à propos de revenir à Nantes, refusa la cure de Saint-Clément, et se fit élire, à Paris, curé de la nouvelle paroisse érigée au faubourg Saint-Germain, sous le titre de Saint-Thomas d'Aquin, par les avocats philosophes, gallicans et jansénistes qui prétendaient régénérer le culte catholique pour mieux l'absorber et le détruire. Le vocable même de cette nouvelle paroisse était une inconséquence, puisqu'on établissait son siège dans l'église du noviciat des Dominicains qu'on venait de supprimer. Partout ailleurs, on effaçait jusqu'au moindre souvenir du passé en martelant les armoiries, en brisant les vitraux, en brûlant les titres et les archives. Ici on se mettait sous la protection même d'un moine expulsé.

Saint Thomas, du reste, ne protégea point l'intrus, qui ne jouit que fort peu de temps de la faveur des révolutionnaires. Arrêté comme suspect de fanatisme lorsque le culte si pompeusement appelé culte de la raison, voulut s'établir sur les ruines de tous les autres à la fois, et jeté dans la prison des Carmes, le 4 pluviôse an II, Latyl fut traduit devant le tribunal révolutionnaire le 9 thermidor suivant, sousprétexte d'avoir pris part à la fameuse conspiration des prisons. Son serment à la Constitution et ses votes de l'Assemblée ne purent lui faire trouver grâce devant Fouquier

1 Verger, Arch. cur. de Nantes, IV, 294, 295.

Tinville: il fit partie de la lugubre fournée des 49, et la guillotine lui témoigna la reconnaissance de ses anciens amis, quatre jours avant la chute de Robespierre. Comme Saturne, la Révolution dévorait ses propres enfants.

Courbe a gravé son portrait d'après Turlure, pour la collection Dejabin; la physionomie est banale et n'indique pas une grande force de caractère.

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(Rostrenen, 8 mars 1752 Paris, 21 avril 1829.)

Fils de Pierre-François Le Breton, bailli de Quimperlé, le jeune Pierre-Jean fit ses premières études au collège de Quimper, immédiatement après la transformation qui suivit la dispersion des jésuites, et les continua chez les bénédictins de Tours, où il entra en 1769, à l'âge de dix-sept ans mais il avoua plus tard que sa vocation ecclésiastique n'avait jamais été sérieuse et qu'il n'avait pris le froc que pour se soustraire aux obligations de la vie civile. Ce fut d'abord un laborieux. Après avoir soutenu ses thèses au Mans, en mai 1778, à l'âge de vingt-six ans, il fut nommé professeur de rhétorique des candidats à Marmoutiers, en 1779, puis professeur de philosophie au Mans, en 1780, de théologie et de morale à la même. résidence en 1782, enfin de théologie à Compiègne en 1785'.

L'année suivante, la diète de la congrégation de Saint-Maur, assemblée à Paris, le choisit pour secrétaire-greffier d'une commission spéciale instituée dans le but de réformer les

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Je puise ces renseignements précis et la plupart de ceux qui suivent dans une curieuse autobiographie manuscrite qui fait partie du cabinet d'autographes de M. Gustave Bord.

abus qui s'étaient introduits dans l'Ecole militaire de Beaumont-en-Auge. En récompense des services qu'il rendit dans cette commission, on lui confia la chaire de droit canon à la résidence de Paris. Puis, le premier janvier 1788, il était nommé prieur du couvent d'Evron, dans le Maine, et au mois de septembre de la même année, prieur de l'abbaye de Saint-Sauveur de Redon.

La Revue des provinces de l'Ouest a publié, en 1753, une longue et bien curieuse lettre que lui adressait, quelques mois après son envoi à Redon et à l'époque des polémiques aigües soulevées entre les parlementaires et les patriotes Quimpérois, Théophile Laënnec, de joyeuse mémoire, le poëte de la moutarde celtique et l'un des plus assidus collaborateurs de la Muse bretonne. J'en citerai quelques fragments qui intéressent plus particulièrement la biographie et les goûts de dom Le Breton :

« Quimper, 23 janvier 1789. Je vous souhaite une heureuse année, mon cher cénobite, ou plutôt une longue suite d'heureuses années, s'il est dans ce bas monde des années qu'on puisse appeler heureuses. Je vous envoie pour étrennes une des facèties qui ont égayé votre dernier séjour à Quimper. C'est, avec un vaudeville que vous recevrez incessamment, à peu près le seul article qu'on puisse regretter de ne trouver point dans la collection que je vous ai fournie. Malgré les nombreux efforts que j'ai faits pour rendre cette bagatelle un peu digne de son petit succès, vous y remarquerez trop facilement les traces d'un pinceau qui s'est appesanti dans l'inaction. Tous les arts veulent de l'habitude. Nulla dies sine linea. Au reste, mon amour-propre rimailleur ne doit pas manquer de vous faire observer que l'Apologie de Quimper est presque le premier essai de cette artillerie redoutable qui vient de battre en ruines les enfants perdus de la cohorte parlementaire. Vous reconnaitrez, je crois, un peu moins l'invalide du Parnasse dans les pièces qui ont succédé à celle-ci et dans celles qui vont lui succéder encore.

« Notre milice poëtico-politique va se distinguer par des coups plus honorables, et vous trouverez ici de ma prose qui doit valoir mieux que mes vers. Mon âge, sans avoir tout à fait cessé d'être celui de l'imagination, appartient davantage à la raison.

<«< Mais il ne faut pas encore chanter victoire, les parlementaires

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