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attribuées au seul évêque dans sa ville épiscopale. Il était d'une si grande douceur, qu'aucune injure ne put jamais exciter en lui le moindre mouvement de colère ou de ressentiment, et sa piété lui fit entreprendre de bâtir une nouvelle cathédrale que son successeur fit consacrer. Fortunatus (Lib. IV, Poemat. 1), le rapporte ainsi dans l'épitaphe de cet évêque.

Ruricius, évêque de Limoges, parle d'Evhémère dans une de ses lettres (Liv. II, Lett. 8). D'impitoyables créanciers voulaient réduire un prêtre du diocèse de Nantes, en servitude. Celui-ci prit le parti de quitter sa patrie. Evhémère écrivit à Ruricius que ce prêtre fugitif avait des dettes, mais contractées dans le seul but de retirer son frère des mains des Saxons qui, dans leurs courses sur le pays de Nantes, l'avaient fait esclave. Ruricius donna à ce prêtre des lettres lui permettant de quêter afin de pouvoir retourner à Nantes et payer ses créanciers. Il paraît, d'après cela, que les prêtres débiteurs n'avaient pas encore plus de privilèges que les autres individus dans la même position et que l'on observait à Nantes et dans l'Armorique, la loi des anciens Juifs et des Romains, qui réduisait en servitude le débiteur insolvable, qu'il fût prêtre ou non.

Nous avons une lettre de Trojanus, évêque de Saintes, en réponse à une difficulté dont notre évêque lui envoya demander l'éclaircissement par ses diacres. Il s'agissait d'un jeune homme n'ayant aucune preuve de son baptême, mais se souvenant seulement que, dans son enfance, on lui avait bandé la tête, sans pouvoir dire à quelle occasion. Il fallait que ce fut déjà l'usage à Nantes de faire des onctions à la tête dans la cérémonie du baptême, ou plutôt de donner en même temps le sacrement de confirmation par une onction au front, et, qu'à cette occasion, on mit un bandeau aux enfants'.

On observait encore cette coutume à Nantes, sous l'épiscopat de M. de la Beaune Le Blanc (1668-1677), son instruction pour la confirmation ordonne ce bandeau.

Trojanus répondit absolument, qu'on devait baptiser celui qui n'avait aucun souvenir, ni aucun témoin de son baptême. On ne baptisait pas encore sous la condition. Si tu non es baptizatus, etc.

Evhemerus assista au concile d'Orléans (on se rappelle que le premier avait eu lieu en 511), l'an 533, Eumerius episcopus Nanetensis subscripsi. Il envoya le prêtre Marcellien au troisième concile tenu dans la même ville en 538. (Marcellianus presbyter directus a domno meo Eumerio episcopo Ecclesix Nannetensis subscripsi). Evhemerus assista, par luimême, au quatrième concile assemblé au même lieu, l'an 541. (Eumerius, episcopus civitatis Nannetensis subscripsi1). Il n'assista pas et n'envoya personne au cinquième concile d'Orléans, en 559, année de sa mort. Nous avons dit, au début de cette article, qu'Eumélius ou Evhemerus II entreprit la construction d'une cathédrale. Il la bâtit dans l'enceinte de la ville, à la place qu'elle occupe aujourd'hui, et peut-être, sans qu'on puisse l'affirmer, sur les ruines d'un temple bâti par Eumélius ou Evhemerus I, du temps de l'empereur Constantin, en même temps que la basilique élevée en l'honneur de Saint-Similien par le même évêque.

Comme nous l'avons dit alors (v. p. 37), après avoir construit la nouvelle basilique, Evhemerus quitta l'antique temple de Saint-Similien pour celui qu'il venait de faire édifier, et établit dans le premier un recteur pour gouverner cette église à laquelle lui, et son successeur laissèrent plusieurs prérogatives dont il ne restait à la Révolution que quelques monuments.

C'est à Evhemerus que revient seul l'honneur de la construction de sa cathédrale, à laquelle, saint Félix, son successeur, n'eut d'autre part que de l'avoir fait consacrer. L'épitaphe que lui dédie Fortunat, évêque de Poitiers en fait foi :

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Extulit Ecclesiæ culmen quod reddit unum

Venit ad hæredem qui cumularet opus. Fortunat lib... Car... Dans ce texte on doit lire celebraret au lieu de cumularet, qu'on y a substitué, la consécration de l'église étant due à saint Félix.

Eumélius ou Evhemerus II mourut le 28 mars (dimanche des Rameaux) de l'an 549, laissant de grands revenus à son église, laquelle, nous dit Albert-le-Grand, « était desservie de son temps par six vingt prêtres.»

Les Annales de Bretagne et quelques catalogues relativement modernes, font succéder en 549 à Evhémerus, Condius puis Modianus, soit trois évêques dans la même année. Evhémerus, Condius et Madianus sont évidemment la même personne sous trois noms on sait que les Romains en avaient plusieurs. Fortunat, qui, ainsi que nous l'avons dit, a fait l'éloge funèbre d'Evhemerus, lui donne Félix pour successeur immédiat, et un ancien bréviaire manuscrit de l'église de Baz (Batz), à la légende de saint Félix, appelle Condius celui que Fortunat appelle Evhemerus, et lui attribue la fondation de la cathédrale que Félix fit consacrer.

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Saint Félix, né en 511, était de Bourges, en Aquitaine, et d'une naissance illustre. Il comptait parmi ses ancêtres trois consuls et un préfet du prétoire des Gaules. A son origine distinguée, il joignait tout le talent que le monde admire et respecte, de grandes richesses, quelque goût pour la poésie et une vive éloquence. Tous ces dons, alliés à une piété sincère, déterminèrent à le choisir comme évêque et en firent un des plus illustres prélats de l'église de Nantes, pourtant si fertile en grands hommes et en saints. Contemporain et

ami de Vénance Fortunat, évêque de Poitiers, il a vu les principaux actes de son administration civile et religieuse, passer à la postérité, et par des travaux dont plusieurs se sont conservés jusqu'à nous, et par les vers impérissables du successeur de saint Hilaire.

Félix, établi gouverneur de Nantes par le roi Childebert, fils de Clovis, investi de droits régaliens, frappant monnaie aux initiales de son église, exerçant une juridiction presque royale, transmit à ses successeurs une puissance politique incontestée sous la dynastie mérovingienne. Le pouvoir épiscopal et le pouvoir civil étaient si bien confondus et réunis dans la même main à cette époque, et durant deux siècles plus tard, que nous verrons les comtes-évêques Agathée, Amelon, etc., tenir le siège sans aucun caractère ecclésiastique, tandis que Emilien et Salvius, etc., revêtus de la plénitude du sacerdoce, se distinguent à la tête des troupes de leur diocèse, qu'ils opposent aux envahisseurs de la France.

J. DE KERSAUSON.

(La suite prochainement.}

DE

MONSIEUR DE NÉVET

CRITIQUE

Malo, Marquis de Névet, est-il le héros de l'Elégie de Monsieur de Névet publiée au Barzaz-Breiz?

A MONSIEUR GASTON DE CARNE

Laval, 1er février 1888.

MONSIEUR,

Je reçois la première livraison de la Revue historique de l'Ouest pour 1888. A la première page, je trouve votre étude sur l'Elégie de Monsieur de Névet. La Revue ne pouvait mieux débuter à Vannes, qu'en publiant un article signé de vous. L'héritière de Keroulas me répondait d'avance du charme que je trouverais dans l'Elégie. Mais cette seconde étude a pour moi un intérêt tout particulier: sans nous être donné le mot, Monsieur, nous cherchions en même temps le nom du seigneur que célèbre l'Elégie de Monsieur de Névet. Aurions-nous trouvé le même mot de l'énigme ?...... Ce serait une agréable surprise....

En faisant ces réflexions, je coupe lestement les feuillets.... Je vous ai lu, Monsieur..., une première fois trop hâtivement, mais sans pouvoir m'arrêter; et une seconde fois plus posément, comme il convenait. Vous vous êtes arrêté au

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