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que, si son père avait eu l'intention de gagner le comte Foulques en introduisant ses religieuses dans le pays Nantais, Mathias, contre lequel les mêmes compétitions s'élevaient déjà, tenait à prouver qu'il était aussi bienveillant que son prédécesseur pour les bénédictines d'Angers. Comme probablement, dès ce moment, il y eut bien des demandes en leur faveur, il encouragea ses vassaux à répandre le nouvel institut. Nous allons voir que ses recommandations trouvèrent de l'écho dans le pays de Retz.

(La suite prochainement).

L'Abbé ALLARD.

SUR

LES DÉPUTÉS DE LA BRETAGNE

AUX ÉTATS-GÉNÉRAUX

Et à l'Assemblée Nationale Constituante de 1789.

47. JEAN-DENIS Lanjuinais.

Avocat et professeur de droit canonique à Rennes,
député de la sénéchaussée de Rennes,

(plus tard sénateur, comte de l'Empire et pair de France)

(Rennes, 12 mars 1753. Paris, 13 janvier 1827).

Nous voici en présence d'une grande figure: la plus grande incontestablement de toute la députation bretonne. Elle mérite que nous lui consacrions une étude détaillée et que nous la jugions avec l'entière indépendance que réclament, plus encore que les autres, celles qui ont projeté une vive lumière sur leur temps. Lanjuinais fut un des hommes dont l'austère probité, jointe à une grande science du droit et de son histoire, eut le plus d'influence sur les débuts de la Révolution. Profondément religieux, il eut malheureusement le tort de borner inflexiblement sa religion dans les limites étroites de la coterie gallicane, et son préjugé contre la suprématie romaine aveugla tellement sa conscience, qu'il lui fit perdre le sens politique. La constitution civile du clergé fut en grande partie son œuvre propre; il n'aperçut pas que sa conséquence immédiate était la guerre civile et, pendant

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l'année 1792, il s'obstina, avec l'inflexibilité d'un véritable sectaire, à imposer son erreur à ses concitoyens. Les malheurs de la patrie lui ouvrirent enfin les yeux sa lutte, dans la Convention, contre tous les fauteurs de violence fut véritablement héroïque il eut, en face de l'émeute ou des énergumènes, des mots renouvelés de l'antique sa proscription lui assura l'estime de tous les honnêtes gens, et lorsqu'en l'an IV, il fut élu député par soixante-treize départements, la France lui paya la dette qu'elle devait à son indomptable courage. Sous le premier Empire et sous la Restauration, Lanjuinais, sénateur ou pair de France, toujours fidèle à ses convictions premières, fut encore un modèle d'honnêteté politique et dans ces trois principales périodes de son existence, qui formeront les trois chapitres de notre étude, nous remarquerons une continuité d'efforts et de convictions qu'il est bien rare d'observer, à ce point, chez les hommes qui ont accompli une aussi longue carrière.

I

L'Assemblée constituante.

Jean-Denis Lanjuinais naquit à Rennes, le 12 mars 1753, second des quatorze enfants de noble maître Joseph-AnneMichel Lanjuinais, sieur des Planches, avocat à la cour, et d'Hélène-Marguerite Capdeville. Il fut baptisé le jour même dans l'église de Saint-Germain et eut pour parrain: son oncle paternel, vénérable et discret Messire Jean-Baptiste Lanjuinais, qui fut recteur de Pleumeleuc, de 1759 à 1787; pour marraine sa grande tante maternelle, Magdeleine Denis Capdeville'.

Ces renseignements jusqu'à ce jour inédits, sont dus aux laborieuses recherches de M. le conseiller Saulnier dans les anciens registres des paroisses de Rennes. Voici les noms des treize frères et sœurs de Jean Denis. Pierre-Joseph-Michel, né le 13 novembre 1751, baptisé le 14 à Saint-Germain (futur-docteur en médecine, mort à Rennes, le 21 nivôse an II); Hélène-Marie, née le 6 septembre 1754, baptisée le 7 à St-Germain (morte célibataire à Rennes, le 14 vendém, an XI); Joseph-Elisabeth, né

La famille Lanjuinais n'était pas originaire de Rennes, mais de la paroisse de Pleumeleuc, alors de l'évêché de Saint-Malo, et appartenait à cette modeste bourgeoisie employée dans les charges des juridictions seigneuriales, qui peuplait, au dixhuitième siècle, les petites villes et les bourgades. Ce fut Jean Denis qui, le premier, illustra la maison. Son père, né à Pleumeleuc, vint à Rennes s'établir comme avocat il y épousa la fille d'un simple receveur des devoirs, et son nom serait probablement resté, comme tant d'autres, assez obscur, si les brillants succès de son fils ne l'avaient, tout d'un coup, illuminé. Un de leurs cousins fit cependant quelque bruit vers l'époque où le jeune Jean Denis remportait ses premières couronnes. C'était un bénédictin, dom Joseph Lanjuinais, d'une imagination ardente et d'un caractère opiniâtre, fort lié, malgré les remontrances de ses supérieurs, avec d'Alembert et Diderot. Ce moine philosophe, n'ayant pas voulu se rendre à de sages conseils de réforme, ne se contenta point d'abandonner son couvent et son ordre, il se retira à Lausanne, embrassa la religion réformée, devint principal du collège de Moudon et publia, en 1774, sous le titre Le monarque accompli', un éloge en trois volumes de l'empereur le 18 novembre 1755, baptisé le 19 à Saint-Germain, (futur prêtre, docteur en droit, vicaire schismatique de Le Coz, puis chanoine de Rennes après le concordat); · Denis-Elisabeth, né et baptisé le 14 juillet 1758 à Toussaints. Didier-Emmanuel, né le 24 septembre 1759, baptisé le 25 à Toussaints, y décédé le 5 octobre 1783; Denis-Elisabeth II, né et baptisé à Toussaints le 4 octobre 1760; — Denise-Elisabeth, baptisée en Saint-Jean, le 26 octobre 1761; — Désirée-Eugénie, baptisée en St-Jean, le 11 avril 1763; DorothéeEléonore, baptisée en Saint-Jean, le 4 juillet 1764 ;—Dieudonné-Eugène,né et baptisé à Toussaints le 1er septembre 1765; - Dieudonné-Eugène II, né le et décembre 1766, baptisé le 31 à Toussaints; · Dieudonnée-Eugénie, née 30 baptisée le 15 juillet 1768 à Toussaints; - Pierre-Dieudonné-Eugène III, né le 10 octobre 1770, baptisé le 11, aussi à Toussaints.

Joseph-Michel-Anne, leur père, fils de Michel et de Fiacrine Oresve, avait épousé le 15 septembre 1750 à Saint-Sauveur de Rennes, Hélène-Marguerite Capdeville, fille de noble homme Pierre-Denis-Capdeville, ancien écrivain des vaisseaux de la compagnie des Indes, puis commis principal et enfin receveur des devoirs de Bretagne (né à Versailles en 1702, mort à Rennes, en Toussaints, le 21 juin 1784) et d'Hélène-Jeanne Regnier, (née vers 1701, décédée à Rennes, en Saint-Germain le 14 octobre 1752),- née à Rennes, en Saint-Germain le 19 février 1729, morte à Rennes le 11 fructidor an VIII.

Lausanne, P. Hurbach, 1774. 3 vol. in-4°.

Joseph II, qui fut condamné comme séditieux en 1776, sur le réquisitoire de l'avocat-général Séguier; puis en 1775, l'Esprit du pape Clément XIV' et en 1781, un Supplément à l'Espion anglais. Il mourut à Moudon en 1808. Ainsi, disait en 1838 M. Mourier, dans l'éloge de notre Lanjuinais prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats, l'exemple du travail donné par son père, et celui de l'indépendance, donné par son oncle, furent les premiers qu'il reçut de sa famille et il ne les oublia jamais. J'imagine pourtant que la défection du bénédictin avait été vue d'un fort mauvais cil par l'honnête et religieux Michel, qui ne la cita pas précisément pour modèle à son fils, car il lui inculqua si profondément les principes austères de l'enseignement chrétien, que les différentes formes de la vie, la vie domestique, la vie politique, la vie scientifique, ne furent pour Lanjuinais, assure son fils Victor, que les formes variées de la vie religieuse. Mais il ne serait pas surprenant qu'elle ait exercé une certaine influence sur l'esprit du futur législateur, en contribuant à le détacher de la suprématie romaine et à le pénétrer, audelà de toute mesure, des principes dits: gallicans. La constitution civile du clergé fut, en somme, une sorte de protestantisme très analogue à celui qu'Henri VIII avait établi en Angleterre les physiologistes de nos jours prétendent que les caractères de l'atavisme se transmettent souvent, plutôt par double degré que par hérédité directe à ce compte, on pourrait dire que Lanjuinais trouva le germe de la constitution civile dans son berceau.

Les études classiques de Jean Denis furent très brillantes. A seize ans, il était sorti du collège: à dix-neuf ans, il était reçu, par dispense d'âge, avocat et docteur en droit. Une chaire de droit fut, à cette époque, mise au concours à la faculté de Rennes : il obtint une nouvelle dispense pour y

1 Moudon, 1775, in-12.

› Londres, J. Adamson, (Lausanne) 1781, in-8°.

M. Levot lui a consacré un article dans la Biographie bretonne.

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