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« L'an de l'Incarnation du Seigneur 1038, moi Budic, comte de la cité de Nantes, et mon épouse Adoïs, considérant que l'église bâtie jadis (antiquitûs), en l'honneur des bienheureux Cyr et Julitte sa mère, près des murs de notre ville, est livrée à la désolation, suite des ravages des payens, connus sous le nom de Normands; et aussi de la vétusté, et de son abandon prolongé, nous nous sommes pris à gémir sur son compte. Ses misères, vraiment lamentables, nous ont ému le cœur, c'est pourquoi, nous avons donné du nôtre, et nous nous sommes mis à la rétablir, nous proposant comme but: notre salut et celui de nos parents. Et afin que nos successeurs le sachent, par la publication de ces lettres, nous avons concédé, à ce saint lieu, par vénération pour les saints martyrs, et aux servants de Dieu, vivant sous la règle de Saint-Benoît, de notre droit héréditaire; et nous avons ordonné d'en dresser acte; et cette charte fera savoir, à tous ceux qui la liront, que nous avons aussi donné ; le bois de Gondran, qui est entre Orvault et Vigneuc, sur le ruisseau d'Ausence, avec ses terres cultivées et incultes, ses bois et ses prés, à l'église de Saint-Cyr, qui doit être restaurée, et pour l'entretien des pieuses filles, qui sont destinées à y servir Dieu, afin qu'elles possèdent ces biens, sans aucune contestation, et sans redevance quelconque. » - Suivent les malédictions d'usage contre ceux qui s'opposeraient à ces dispositions, puis: << afin que cet écrit obtienne, au nom de Dieu, une plus grande vigueur, nous l'avons soussigné de notre main, et nous avons prié les grands de notre cour de le signer. Budic, comte + Adoïs, son épouse', Robald, comte +2, Judicaël, viguier †, Dro

Dans la charte du comte Mathias, à peine une année plus tard, ce personnage est nommé Rotald avec le titre de ricomte, ces divergences sont fréquentes dans les chartes, il semble que dès ce temps on aimait à exagérer les titres honorifiques. Il parait que Rotald était vicomte de Nantes, son fils Ascol accompagna Conan à la cour de Thibaud de Champagne, en 1056. Cet Ascol, aussi nommé Harscoid, est très connu comme vicomte de Donges. Sous le comte Hoël on trouve un Escomar, fils de Rotald et parfois on le nomme Sconar de Laval. Il devait être seigneur de Savenay et peut-être du Pèlerin où certainement il avait des domaines.

Judicaël apparaîtra bientôt comme fondateur du prieuré des Moutiers; un texte le nomme Judicaël l'ancien (vetulus).

valoi, vicomte de Migron d'après le Cartulaire de Redon +', Drovaloi le Taureau, Escomar, † Alfred, + Glavihen', + Bernier, Heudon. - Donné le 16des kalendes de juillet, (16 juin) dans la ville de Nantes, le jour de la fête des susdits martyrs. Guillaume, diacre secrétaire. » Cette charte est la 421 du cartulaire de M. Marchegay, mais la 76° du 5° rouleau du cartulaire manuscrit.

De ce document il résulte, que pour seconder ses vues dans la restauration de l'église de Saint-Cyr, le comte de Nantes s'était adressé à des religieuses bénédictines, qu'il avait résolu de fixer près de ce sanctuaire. Les religieuses ne sont pas désignées ici avec précision, mais nous verrons bientôt, que ces bénédictines étaient celles de Notre-Dame de la Charité d'Angers.

Ce diplôme ne devait pas être la première pièce concernant cette affaire, qui déjà, avait été certainement traitée avec l'abbesse et ses religieuses, comme aussi probablement avec le comte d'Anjou.

La restauration de Saint-Cyr pesait aux faibles ressources du comte de Nantes, et c'était en partie pour que les dames de Ste-Marie se chargeassent de ses frais, que le comte leur accordait ce prieuré, qui devait avoir, à sa charge, le service de la paroisse.

Boisgondran étant la dotation de ce prieuré, nous devons un peu le faire connaître.

Lorsqu'on a dépassé de deux kilomètres le bourg de Sautron, en suivant la route de Nantes à Vannes, on trouve, à main droite, un village situé à plus d'un kilomètre de la route. Ce village a gardé son parfum d'antiquité, mais le site.

1 Drovaloi' le Taureau était peut-être le seigneur du Bois-Taureau après Boisgondran, et à ce titre relevait directement de Budic, car Bois-Taureau resta dans le domaine des comtes de Nantes.

Glavihen est le fondateur du prieuré de Cheméré en faveur des moines de St-Serge.

2 Une charte du cartulaire de Redon le nomme Drongalois.

2 Alias Glenguethen (Cartul, de Redon).

n'a rien d'enchanteur. C'est un pays plat, où il n'y a pas longtemps encore, la plus grande partie des terres était couverte de bois et peut-être de bruyères.

On y distingue cependant, plusieurs maisons qui sortent de l'ordinaire, et au milieu de la petite agglomération, une chapelle avec son petit clocher, en pyramide très aigüe; c'est le lieu connu, à l'époque de notre diplôme, sous le nom de Boisgondran, depuis sous celui de Boisgarand, et maintenant de Bongarant. Il est probable que le premier de ces noms lui venait de quelque tenancier du nom de Gondran. Le logis du Bois-Taureau est tout près et rappelle Drovaloi-le-Taureau. Ce manoir est encore avoisiné par un reste de taillis marécageux, dans lequel on trouve des vestiges de constructions. On dirait des murs de soutènement d'une chaussée, qui auraient succédé à de plus anciens dont on reconnaît un bloc bien distinct, par la nature de son ciment. Bois-Thoreau, car c'est ainsi qu'on écrit aujourd'hui ce nom, a conservé, bien que rebâti en 1836, sa vieille enceinte de murs crénelés, mais ce qui le rend intéressant, c'est surtout le souvenir des ducs de Bretagne. Quelques jours avant sa mort, François Il s'y est reposé. Il en faisait un rendez-vous de chasse.

Il est bien probable qu'au onzième siècle, il n'y avait point de chapelle à Boisgondran, et le diplôme de Budic ne donne pas à le supposer; cependant la tradition prétend que dans les temps les plus reculés, il y eut dans ce lieu des ermites, et en effet, près de la chapelle actuelle, un coin de terre a conservé le nom d'Ermitage. Il se pourrait aussi que ce nom ait été donné à quelque petit oratoire, peut-être un simple arceau que les sœurs ont pu faire élever, dans leur nouvelle possession, avec un petit édifice contigü, comme lieu de repos. Nous raconterons plus tard un épisode qui appuie cette opinion.

Le comte Budic était mort, peu de temps après la rédaction de l'acte en faveur de Saint-Cyr, et son épouse l'avait suivi de près dans le tombeau. Mathias leur fils hérita du comté de

Nantes. Ils laissaient en outre un autre fils du nom de Budic, que les chartes nous montrent vivant en 1048, et Noël qui avait reçu le nom de Mathatias et figure, sous ce dernier nom, avec Mathias, comme fils de Budic, dans la charte 304 du Cartulaire de Redon. La première abbesse du Ronceray vivait encore. Elle vint trouver le nouveau comte de Nantes, et en obtint la ratification des dispositions de Budic. Ce résultat est consigné dans la 77° charte du 5° rouleau (442° de M. Marchegay). « Moi Mathias comte de la ville de Nantes..... J'ai voulu faire savoir que, la vénérable abbesse du monastère de Sainte-Marie d'Angers, nommée Leburge, est venue en notre cour, et nous a priés, nous et nos hommes, avec le langage le plus poli, de lui donner, dans notre ville, un lieu où elle put construire un édifice adopté à la règle de ses religieuses; ce que nous avons accordé volontiers, comme l'indique la teneur de cette charte.

Nous avons donc donné le monastère de Saint-Cyr, situé en dehors des murs de Nantes, avec ses dépendances, à la susdite abbaye de Sainte-Marie, et à Madame Theburge1 abbesse, pour notre salut et la rédemption de l'âme de mon père Budic et de ma mère Adoïs qui, de leur vivant, firent bâtir ce couvent, et le destinèrent à des religieuses, afin qu'elles-mêmes et toutes les personnes qui dépendraient d'elles, puissent le posséder, le gouverner et l'organiser, sans contestations, aussitôt que notre donation sera légalement accomplie et jusqu'à la fin des siècles. Pour ce qui est de notre part, à la grande satisfaction de tous ceux qui nous entourent, nous avons pris nos mesures, pour donner audit monastère des saints martyrs, et à Madame Theburge abbesse, dans l'enceinte des murs de Nantes, savoir; l'église de Notre-Dame, celle de Saint-Vincent et la dîme du marché.

C'est donc un lapsus calami, le même diplôme atteste deux fois qu'il s'agi de Leburge, qui en effet était alors abbesse de Ronceray, tandis que Theburge ne le fut qu'une quarantaine d'années après. Celui qui transcrivit cette pièce vivait sans doute sous cette dernière et en était préoccupé.

Tout ce qui précède a été lu, à l'ouïe de notre cour, sans rien retrancher de ce qui s'y trouve écrit, et nous l'avons souscrit, de la propre main de notre humilité, et nous l'avons remis à nos nobles du pays nantais, pour qu'ils s'engagent également, de leurs mains à le respecter; afin que ce contrat obtienne une force de plus en plus complète à mesure que les temps avanceront, au nom de Jésus-Christ notre Seigneur. S'il arrivait que quelqu'un, saisi d'un esprit diabolique, essayât de s'opposer à ces dispositions, à partir de ce jour et dans la suite des temps que, damné et anathématisé avec Dathan et Abiron et le traître Judas, il ait pour sa part et sans fin, le feu éternel, préparé au diable et à ses anges. Seing du comte Mathias qui a fait affirmer l'autorité de cette donation; S. Podard, vicomte; S. Ascut; S. Alfred; S. Graition; S. Bernard; S. Drovallo, vicomte; S. Simon; S. Rodald S. Iarnogon; S. Bernier; S. Daniel; S. Glavihenn; S. Ulvan; S. Judicaël, comte.

Donné le 8 des kal. d'avril 1039 (25 mars), dans la ville de Nantes, sous l'évêque Valère' (Gautier, Walterius); Guillaume, secrétaire. »

Budic avait constitué à Boisgondran (Bongarant), un temporel rural, pour le prieuré de Saint-Cyr. Son fils va plus loin; il veut établir fortement les sœurs de Notre-Dame de Charité à Nantes, et dans ce but, il leur donna, non plus hors des murs, mais dans la cité même, ses églises de Notre-Dame et St-Vincent. Nous aurons à revenir sur la donation de ces deux églises. Le comte ajoute la dime du marché qui se tenait alors dans le quartier où eurent lieu depuis, jusqu'à nos jours, les foires et les guibrées, et qui avait dès ce temps reçu le nom de Marchix. « Burgus Marchilleius » dit le pape Honorius (D. Lob. II, col. 374-376).

Nous pouvons conclure, de cette pièce du comte de Nantes,

Le texte porte bien Valerius, mais comme l'évêque se nommait Walterius, il est bien évident que c'est une erreur de celui qui transcrivit l'original sur le Cartulaire.

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