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reste. Elles sont suivies d'une partie comp émentaire traitant de l'erreur et du scepticisme, et de la possibilité d'éviter l'un et l'autre, par l'usage légitime de chacune de nos facultés intellectuelles, par l'emploi de la méthode modifié selon l'objet de la science, et par les dispositions qu'il convient d'apporter dans toute recherche de la vérité. J'ai cru qu'après avoir parlé des moyens d'arriver à la vérité et à la certitude scientifique, on ne pouvait se dispenser de dire quelque chose de l'erreur et de l'illégitimité du doute sceptique, qui nie la valeur de la science.

Quant aux deux parties principales qui constituent proprement cet ouvrage, je les ai réalisées d'après l'idée que je me fais de ce que doit être une logique complète.

Dans une étude quelconque, il y a trois choses et il n'y a que trois choses à faire : Observer les faits; rechercher les lois des faits; et, ces lois trouvées, en tirer les règles de la reproduction des faits. Toute étude à laquelle manque un de ces éléments, est une étude incomplète, et plus d'une fois les études de logique se sont trouvées dans ce

cas.

Tantôt sous le nom d'idéologie, ou sous celui de théorie psychologique des facultés intellectuelles, on a décrit minutieusement les faits de l'intelligence humaine, sans s'élever jusqu'à leurs lois et sans dire les règles qui doivent présider à leur légitime formation et à leur expression.

Tantôt sous le nom de logique, on a réuni toutes les règles qu'on avait pu découvrir; mais en les réduisant le plus souvent, pour ne pas dire toujours, aux règles de l'expression du fait intellectuel par la parole. Ainsi séparé de l'analyse psychologique de l'intelligence, un tel système de règles se réduisait à une sorte d'empirisme peu satisfaisant.

Dans ces derniers temps, on a mieux reconnu l'importance de l'analyse des faits psychologiques, et l'on a basé sur elle toute la philosophie, et par conséquent la logique. Les deux traités de logique les plus récents que nous possédons, celui de M. Damiron et celui de M. Charma, font reposer toutes les règles sur l'analyse psychologique.

A chaque page de sa logique, M. Damiron rappelle les observations psychologiques qu'il a faites sur l'intelligence dans son cours de psychologie, et il établit avec cette force de raison et de style dont il a le secret, la nécessité indispensable d'appuyer les règles sur les analyses psychologiques.

M. Charma (2o Leçon), fidèle au même principe, reconnaît que « avant de chercher la loi à laquelle » un agent déterminé doit se soumettre, il faut » connaître cet agent. » Et, en conséquence, il divise sa logique en deux sections: 1° la théorie de l'intelligence; 2° sa législation.

Comme ces deux maîtres, comme toute la philosophie moderne, j'ai pensé que les règles de la logique doivent reposer sur l'analyse psycholo

gique des faits de l'intelligence; seulement je n'ai pas cru devoir séparer la description du fait, la théorie de ses lois, et l'exposé des règles qui assurent son légitime accomplissement. L'expérience des classes m'a fait reconnaître que, quand on sépare par un intervalle plus ou moins long l'analyse d'un fait intellectuel et l'exposé de sa loi ou de sa règle, on s'expose, arrivé à la règle, à ne plus se souvenir de l'observation qui lui sert de base; il faut alors la rappeler pour justifier la règle; et puisque pour mieux saisir leurs rapports, il faut rapprocher l'analyse et la règle, j'ai pensé qu'il va-lait mieux ne pas les séparer du tout. En physique, il n'y a pas une partie qui contienne la description des faits, une autre les lois et les règles; aussitôt le fait exposé, on en dit la loi, quand on la connaît, et les règles de la reproduction. L'optique, par exemple, se compose de tout ce qui se rapporte à la lumière, faits, lois, règles, etc. J'ai voulu en faire autant pour la logique. Selon moi, l'objet de la logique n'est pas seulement la direction de l'intelligence, mais encore l'étude de l'intelligence; la direction après l'étude; et un traité de logique doit comprendre la description du fait intellectuel, la théorie de ses lois, l'exposé des règles qu'il doit reconnaître, soit dans son état psychologique et de pure pensée, soit dans sa manifestation par la parole. C'est pourquoi je n'ai point voulu séparer l'étude des faits de l'exposé des règles; mais partout j'ai d'abord décrit le fait, puis exposé im

médiatement les lois que l'observation avait permis de saisir, et enfin les règles qu'il doit reconnaître pour servir à la formation de la science, qui est le but dernier de tout développement intellectuel.

C'est pourquoi encore tout dans ce Traité se rapporte à la formation de la science; ce que j'ai voulu exprimer par le second titre que je lui ai donné.

C'est dire que le procédé d'investigation et le procédé de démonstration y sont traités avec une égale importance. Trop longtemps la logique d'Aristote mal comprise, j'aime mieux dire, mutilée par la scolastique, fit réduire la logique elle-même à l'étude exclusive du raisonnement déductif. Ces temps sont heureusement passés; nous marchons librement à la conquête des principes de la science, et nous ne nous les laissons plus imposer par une autorité. Il importe donc de tracer les règles qui doivent légitimer nos conquêtes. Aussi j'ai fait en ce Traité une très-large part à l'induction. Mais toutefois je n'ai point voulu me rendre coupable d'une injustice qui n'est que trop souvent commise depuis que nous connaissons la valeur du procédé recommandé par Bacon, je veux dire, l'oubli dédaigneux où on laisse le procédé déductif et l'étude de la logique d'Aristote. La déduction est aussi légitime et tout aussi importante que l'induction; l'étude d'Aristote est donc tout aussi importante que celle de Bacon. C'est pourquoi encore:

1° J'ai cru devoir donner au procédé déductif la même importance qu'au procédé inductif;

2° Après avoir donné des travaux de Bacon sur l'induction une analyse brève, mais que je crois assez complète, j'en ai fait autant pour les Premiers Analytiques d'Aristote, contenant la théorie de la déduction ou du syllogisme. Seulement j'ai donné plus d'étendue à l'analyse d'Aristote, et cela pour deux raisons: la première parce que l'œuvre d'Aristote est moins connue dans nos classes que celle de Bacon (grâce à l'excellente traduction abrégée que nous devons à M. Lorquet); la seconde parce que j'ai eu à cœur de faire connaître à nos jeunes gens, par la citation des textes mêmes d'Aristote, que le philosophe grec savait aussi bien que le philosophe anglais ce qu'est l'induction et la valeur de l'induction, et que ce n'était point sur lui qu'on devait faire retomber les reproches si souvent et si justement adressés à la logique tronquée du moyen âge. La philosophie doit à M. Cousin d'avoir rappelé l'attention sur les écrits de ce grand philosophe. Nous devons à M. Franck et surtout à M. Barthélemy Saint-Hilaire une meilleure connaissance de la logique d'Aristote. Pour ma part, et pour le travail que je publie, je leur dois tant, que tout ce que je puis faire, pour exprimer ma reconnaissance, est de consigner ici mon impuissance à les remercier d'une manière digne d'eux.

Le procédé inductif et le procédé déductif reposent sur les principes absolus de la raison : j'ai

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