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» debere quam quæ et veræ sint, et earum phænomenis expli» candis sufficiant.

>> 2a regula.-Ideoque effectuum naturalium ejusdem generis >> eædem sunt causæ.

» 3a regula.

Qualitates corporum quæ intendi et remitti

» nequeunt, quæque corporibus omnibus competunt in quibus experimenta instituere licet, pro qualitatibus corporum uni» versorum habendæ sunt.

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» 4a regula. - In philosophia experimentali, propositiones » ex phænomenis per inductionem collectæ, non obstantibust » contrariis hypothesibus, pro veris aut accurate aut quam proxime haberi debent, donec alia occurrerint phænomena, » per quæ aut accuratiores reddantur, aut exceptionibus ob» noxiæ. >>

>>

126. Résumons cet examen historique. Aristote avait nettement déclaré que le syllogisme ou le procédé déductif n'était pas à lui seul toute la méthode ; mais ses admirateurs, et surtout la scolastique, frappés de la beauté et de la perfection de sa théorie de la déduction, la prirent pour la méthode tout entière, et lui donnèrent une portée qu'Aristote lui-même était ⚫ loin de lui donner. Lorsque Bacon eut montré la valeur du procédé inductif et l'illégitimité du syllogisme comme moyen d'acquisition, ses admirateurs firent comme avaient fait ceux d'Aristote, et s'exagérèrent la portée de son procédé. Non-seulement ils abandonnèrent l'étude du syllogisme, mais lui refusèrent toute valeur, et à leur tour regardèrent l'induction comme la méthode tout entière. Il en est toujours ainsi : un grand fait attire tout à lui; et jamais, dans ses oscillations, l'opinion ne s'arrête du premier coup au point où se trouve la vérité. La logique d'Aristote ou la théorie du procédé déductif, posée il y a vingt-deux siècles, a survécu à toutes les attaques dont elle a été l'objet, et aux exagérations plus dangereuses d'aveugles partisans. Elle survit parce qu'elle est vraie. L'induction signalée par Aristote, longtemps méconnue et laissée à l'obscur instinct, a été dégagée et légitimée par Bacon. De

nos jours vivement attaqué (*), ce procédé continue d'ajouter aux merveilles scientifiques qu'il a produites depuis deux siècles. Et dût-il être de nouveau attaqué, il continuera de vivre comme le procédé d'Aristote, parce que tous les deux sont vrais, naturels; parce que, également indispensables au développement de notre intelligence, ils sont les deux éléments d'un même tout organique, d'une seule et même méthode, qu'il faut reconnaître et employer sans la mutiler.

CHAPITRE VIII.

De la mémoire.

§ Ier. De la mémoire en général.

127. Nous avons suivi la connaissance depuis son acquisition jusqu'aux derniers termes de son développement; nous avons vu l'être intelligent sortant de la perception primitive, individuelle, entrer fatalement en possession des principes absolus, ou s'avancer librement à la formation des principes inductifs et à la recherche de leurs conséquences. Or, il est facile de voir que, pour que ce progrès fût possible, une condition était d'absolue nécessité : c'était que l'être intelligent fût

(*) Après avoir attaqué le XVIIIe siècle dans ses représentants les plus célèbres, M. de Maistre a cru devoir remonter plus haut encore; et parce que le XVIIIe siècle avait célébré le génie et la méthode de Bacon, il s'est avisé que tout ce qu'il y avait de funeste dans les doctrines de ce siècle nous venait de l'auteur du Novum organum. Il est parti de là pour attaquer comme illégitime le procédé inductif, et a publié à cet effet, en 1827, son Examen de la philosophie de Bacon. Cet ouvrage d'un écrivain fameux ne se distingue vraiment que par l'inconcevable ignorance des textes qu'il critique, ou par l'insigne mauvaise foi qu'il met à les tronquer de toutes les manières pour se donner le plaisir d'adresser à Bacon les épithètes de vil charlatan, d'infâme histrion, de faussaire consommé, d'athée hypocrite, de brute plus brute que les brutes, etc.

capable de retenir la connaissance, à quelque degré qu'elle fût, afin de pouvoir la perfectionner encore. Car d'abord, pour bien connaître, il faut observer, c'est-à-dire distinguer et diviser les éléments d'un tout, puis reconstruire et refaire un ensemble exact et adéquat à l'unité première. Comment en venir à bout, si l'on ne conserve présente la vue du nombre et de l'ordre des parties, et celle de l'unité première? On n'observe donc qu'en se rappelant. Les résultats de l'observation obtenus, il faut pouvoir les conserver, et les revoir au besoin, sans quoi les expériences et la comparaison seraient impossibles. Expérimenter, c'est vérifier un résultat, et pour cela il faut se le rappeler; comparer, c'est examiner successivement deux objets, souvent un plus grand nombre, afin de constater leurs rapports; or, si l'on ne peut garder présente la vue de l'un quand on regarde l'autre, comment apprécier ces rapports? Et la vue de ces rapports, il faut aussi qu'elle soit durable pour qu'elle soit profitable à l'induction et à la déduction. Il n'y a ni principes ni conséquences sans le concours de cette faculté qui se mêle à tous les phénomènes intellectuels et les fait revivre au besoin, quels qu'ils soient.

Cette faculté est la mémoire (*); ses actes prennent le nom de souvenir.

Voici donc en quoi consiste le souvenir. Un objet nous affecte par sa présence, nous connaissons cet état de nousmême et l'objet qui l'a déterminé; puis cet objet disparaît. Alors il arrive qu'en l'absence de cet objet, ou alors même qu'il n'est plus et ne peut nous affecter d'aucune manière, nous revoyons et reconnaissons en nous l'état intérieur que sa

(*) On entend généralement par mémoire la faculté de conserver et de revoir des perceptions antérieures, comme quand on dit: Une mémoire fidèle, heureuse, faible, rebelle, etc. Mais quelquefois aussi on entend par ce mot la collection des connaissances acquises et conservées, de manière à pouvoir être retrouvées au besoin, comme quand on dit : Une mémoire riche, etc. Dans tout ce qui suit, nous n'entendons par mémoire que la faculté de conserver et de rappeler, et non la somme des connaissances conservées et rappelées.

présence avait provoqué. Cette connaissance d'un fait intérieur qui n'est plus, que nous ne percevons plus comme présent, mais comme passé, est le souvenir, qui pourrait se définir la perception du passé. La mémoire est par conséquent la faculté de conserver et de revoir la connaissance d'un état de nous-mêmes et de l'objet qui l'avait occasionné, en l'absence de cet objet.

128. Comme toute perception, le souvenir renferme les deux moments de voir et de croire, la notion et le jugement (14). Or, la notion et le jugement tombent sur un fait qui n'est plus, qui a existé en nous, mais seulement sur la partie du fait qui nous est personnelle et non sur aucune autre. C'est un point que l'on ne saurait trop faire remarquer. Le souvenir n'a pour objet rien d'extérieur : il ne se rapporte point aux choses, mais à nous; nous ne nous souvenons que de nous-mênies. Il semble qu'il existe contradiction entre cette opinion et le langage commun dans lequel on dit: Je me souviens de tel fait, de tel lieu, de telle personne. Cette contradiction n'est qu'apparente, car cette locution : Je me souviens de, etc., ne veut pas dire autre chose que : Je me souviens d'avoir été voyant tel lieu, tel fait, etc. Il n'y a donc souvenir que de nous-mêmes, car il n'y a de souvenir qu'à cette condition qu'il y ait eu connaissance et conscience. Mais cette première connaissance qu'on revoit par le souvenir avait elle-même un objet, et comme on revoit par le souvenir la connaissance et l'objet qui l'excita, le vulgaire, plus vivement frappé de l'objet de la perception rappelée que de la perception elle-même, qui est un fait de conscience et qui lui échappe par son intimité même, regarde cet objet comme l'objet propre du souvenir, et conforme son langage à l'inexactitude de son observation. Cette inexactitude est sans conséquence dans l'usage ordinaire ; il n'en serait pas de même si on la laissait se glisser dans la science psychologique; elle ne serait alors rien moins que la négation du caractère de personnalité et de subjectivité du souvenir, qui ne nous représente jamais ce qui s'est passé dans un autre que

nous; elle serait, par suite, la négation même de la condition - suprême de la mémoire, à savoir l'identité de la personne. On ne se rappelle que ce qu'on a éprouvé, que ce qu'on a éprouvé soi-même, et, pour cela, il faut continuer à être le même, à durer identique depuis la perception jusqu'à la revue de la perception. Si l'être intelligent ne dure pas le même, si ce qu'il est dans le présent, il ne l'a pas été dans le passé; s'il a été autre ou plutôt un autre; si deux personnes se sont succédé en lui de la première époque à la seconde, étrangères l'une à l'autre, il sera impossible à celle-ci de se rappeler les perceptions de celle-là. On ne se souvient que de soi-même, et la durée de la même personne ou l'identité est la condition absolue du souvenir (*).

129. Comme toute perception, le souvenir est encore tantôt un effet spontané, tantôt un résultat d'efforts que nous avons librement faits. Mais il y a lieu de faire à ce sujet, sur le souvenir, la remarque que nous avons déjà faite sur la perception (58). Bien que le travail de l'attention arrive avec volonté, intention, et soit éminemment actif, le souvenir qui lui succède n'en est pas moins toujours marqué du caractère de passivité. Il est d'abord évident que nous ne pouvons vouloir nous souvenir ou plutôt nous mieux souvenir qu'à la condition de nous souvenir déjà un peu : car, tant qu'on ne revoit rien, il n'y a rien à faire, rien à vouloir; ainsi la condition de tout effort

(*) Tout souvenir est accompagné de la croyance que le fait actuellement perçu a existé antérieurement dans le même être que celui qui le revoit maintenant et qui a duré entre ces deux époques. Ainsi c'est au souvenir que nous devons la connaissance de notre identité, de notre durée, et, par suite, la connaissance générale de durée, celles d'avant, d'après, de succession, etc. Mais de ce que nous devons au souvenir la connaissance de notre identité, il ne s'ensuit pas que notre identité se réduise au souvenir, se confonde avec lui, et s'arrête là où s'arrête le souvenir. Sur ce point et sur l'erreur commise à cet égard par Locke, voyez Locke, liv. II, chap. 27, § 9, et même liv., chap. 14, § 3-9; Reid, Facult. intell., ess. 3, chap. 1, 3, 4, 6; Royer-Collard, IV, p. 355 et suiv.; Cousin, Cours de 1829, t. II, p. 192; Dugald-Stewart, Hist. des scienc. métaphys., supplém. de la deuxième partie, chap. 1'; Condillac, Traité des sensat., part. I, ch. 4.

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