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première, que l'auteur appelle pars destruens, est destinée à détruire toutes les causes qui s'opposent à l'admission de la vérité, et, après quelques prolégomènes, elle contient trois critiques critique de la raison humaine, critique des démonstrations, critique des théories reçues. La seconde, qu'il nomme pars præparans, est destinée à combattre toutes les fausses idées que l'on pourrait se faire de sa nouvelle méthode et les préjugés qui pourraient s'opposer à son ad

mission.

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Le second livre, destiné à l'exposé de la nouvelle méthode, commence par déterminer le but de toute science, qui est : 1° la découverte des lois de la nature; 2° la transformation des êtres pour les accommoder à nos besoins (*). La division de la science est en rapport avec son double but : elle est théorique et pratique. Quand la science théorique recherche les lois universelles et immuables auxquelles sont soumis tous les êtres, elle se nomme métaphysique; quand elle recherche les lois du cours ordinaire et commun de la nature, et non ses lois absolues et éternelles, elle se nomme physique. « A cette >> division de la science théorique répond celle de la science pratique; à la physique, la mécanique; à la métaphysique, » la magie, conçue dans un sens raisonnable (perpurgato » nomine) et ainsi nommée à cause du grand empire qu'elle » doit donner à l'homme sur la nature (aph. 9).

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» (Aph. 10.) Le but de la science étant ainsi fixé, il faut

méros de ces aphorismes, dans le tableau synoptique qui complète cette analyse, p. 133.

(*) Remarquons en passant que Descartes assigne également à la science ce double but et presque dans les mêmes termes; voici ses expressions : « Au lieu de cette philosophie (science) spéculative qu'on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. » ( Disc. de la méth., 6o part., au commencement.)

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» en expliquer les préceptes avec ordre. Les préceptes pour l'interprétation de la nature, se divisent en deux classes: » les premiers enseignent à tirer et à faire sortir de l'expé»rience les principes généraux; les seconds, à dériver et » à conclure des principes généraux de nouvelles expériences.

» La première classe se divise en trois parties, relatives » aux secours à donner, les uns aux sens, par une bonne >> histoire naturelle et expérimentale; les autres à la mémoire, » en formant des tables méthodiques et des enchaînements de » faits (*); et les troisièmes à l'intelligence ou raison, par l'in» duction qui la règle dans la découverte des lois générales » et qui est la clef de l'interprétation de la nature. C'est par » cette dernière partie que nous commencerons; nous reviendrons ensuite aux précédentes. »

Pour procéder par induction à la recherche des lois des êtres, il faut, sur une propriété donnée, faire comparaître devant l'intelligence:

1° Tous les faits connus qui offrent cette propriété au même degré (aph. 11);

2o Tous les faits connus où cette propriété ne se rencontre pas, malgré leurs rapports nombreux avec ceux où la propriété apparaît (aph. 12);

3° Tous les faits où cette propriété se trouve à des degrés différents (aph. 13) (**).

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(Aph. 15.) « Ceci fait, on doit travailler à l'induction veritable, en dégageant de la comparaison de toutes et de cha» cune des expériences une propriété ou condition (loi) telle, » que partout elle soit présente ou absente, croisse ou dé» croisse avec la propriété donnée (aph. 16);..... et en rejetant » et excluant chacune des conditions qui ne se trouvent point » dans toutes les expériences où se présente la propriété don» née ; c'est alors qu'il restera la loi certaine, solide et vraie

(*) C'est la classification.

(**) Ces trois aphorismes sont un exposé de l'observation et de la compa raison.

» et bien déterminée (*). Le travail que l'on indique ainsi, en >> peu de mots, ne s'accomplit qu'à travers des difficultés et » des détours nombreux. Mais, autant que possible, nous » n'omettrons aucune des indications nécessaires pour le bien >> conduire.

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En conséquence, Bacon indique neuf sortes d'auxiliaires dont l'induction peut légitimement s'entourer. Il traite d'abord des premiers, consistant dans l'étude des faits privilégiés. Il entend par là ceux qui mettent sur la voie des découvertes et sont tels qu'un petit nombre d'entre eux sont plus instructifs qu'une foule des autres. Il en cite vingt-sept espèces. Au moment de traiter des huit autres auxiliaires, l'ouvrage s'interrompt et reste inachevé. Il ne contient donc pas les préceptes relatifs à la mémoire et aux sens que l'auteur devait donner après la théorie de l'induction. Les préceptes promis sur la manière de dériver et de conclure des lois générales de nouvelles expériences (aph. 10) manquent également. Pour faire comprendre d'un seul coup d'œil l'ensemble de cet ouvrage, et ce qu'il a d'inachevé, nous allons en donner un tableau synoptique.

(*) Ces deux aphorismes sont l'exposé de la généralisation.

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122. C'est donc un tort, et c'est même un tort assez commun de croire que le Novum organum contient un exposé complet et régulier de la méthode, ou seulement de la méthode dans sa partie inductive. Le premier livre n'est réellement qu'une introduction à la méthode; le second, destiné à l'exposition de la méthode, est inachevé. Il en est du Novum organum comme de l'œuvre totale de Bacon, elle est restée incomplète; incomplète en son total, incomplète en chacune de ses parties. Et pour celles qu'il a essayé de compléter, la théorie se perd dans une foule de détails qui ont dû sans doute se présenter à celui qui le premier portait un regard sérieux et profond sur la partie inductive de la méthode, mais qui, par leur nombre, troublent l'esprit, l'empêchent de bien se reconnaître et de voir nettement comment il doit se conduire au milieu de toutes ces règles qui, ne convenant pas également à toutes les sciences, s'imposent toutes cependant au même titre et comme autant de lois, sans s'élever jusqu'à la généralité, ni se classer avec sévérité.

Ainsi le mérite de Bacon est moins dans ce qu'il réalisa que dans l'impulsion qu'il donna (*). Son mérite est d'avoir montré que les principes adoptés jusqu'alors n'étaient pas des principes, et que le syllogisme était impuissant pour augmenter le nombre de nos idées; d'avoir proclamé plus haut que qui que ce soit en philosophie, que nulle autorité n'avait le droit d'imposer des principes, et qu'à l'esprit humain seul reviennent

(*) Les fondateurs de la Société royale de Londres le reconnurent pour maître et déclarèrent qu'ils ne voulaient qu'accomplir un de ses plus beaux projets et suivre ses sages directions (Hist. de la Soc. roy. de Londres, par le Dr Sprat, 1, p. 35, 36). Lés encyclopédistes se mirent sous la protection de son nom et déclarèrent également (Disc, prél. de l'Encyclop.) qu'ils ne faisaient que remplir le plan tracé par son vaste génie. Gassendi se fit gloire d'être son disciple et donna de sa méthode une excellente analyse. Enfin, naguère nos représentants regardant la propagation de ses écrits comme ce qu'il y avait de plus utile aux progrès de la philosophie et de la raison, avaient ordonné la traduction et l'impression de ses œuvres aux frais du trésor public (Décret de la Convention nationale du 25 brumaire an III; dans le moniteur du 27 brumaire).

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