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APH 2018
BLC
W19

PRÉFACE

Voici un livre de science, et de vraie science. Quand il s'agit d'un tel sujet, ce n'est pas là un banal éloge. La télépathie a été si souvent mal comprise, mal interprétée, alléguée à tort et à travers, noyée dans de nuageuses considérations mystico-religieuses, qu'il était nécessaire de lui assigner ses justes limites, d'en démontrer la vérité par des preuves méthodiques.

C'est ce que M. Warcollier a fait résolument, sans craindre d'entrer dans les détails innombrables que nécessite toute étude scientifique sérieuse. La lecture de son livre n'est pas facile ce n'est pas un ouvrage de vulgarisation, c'est une étude approfondie qui a exigé un labeur persévérant, et qui témoigne d'une érudition de bon aloi. Car déjà la bibliographie est extrêmement vaste, et les exemples abondent.

M. Warcollier a choisi les meilleurs cas de télépathie, et certainement il aurait pu en ajouter beaucoup d'autres. Et puis il a eu la rare fortune d'observer sur lui-même un très beau cas de télépathie (pages 15-19) qui semble, par le soin avec lequel il a été noté dans ses plus petits détails, tout à fait irréprochable. Il y a enfin un grand nombre d'expériences faites par M. Warcollier avec des sensitifs et sur lui-même.

La connaissance de tous ces détails est parfois pénible; on

ne lit pas ce livre comme un roman. Il faut le méditer, l'approfondir, si l'on veut en saisir le sens et en déduire quelques conclusions. Mais le grand avantage des livres de science, tels que celui-ci, c'est que le lecteur, ayant sous les yeux tous les documents nécessaires, peut se faire une opinion personnelle. C'est comme s'il expérimentait lui-même. Le grand défaut des ouvrages de métapsychique, c'est que l'auteur, profondément convaincu de la réalité des faits, n'a qu'une bonne foi incomplète, en ce sens qu'il n'est pas impartial; il passe légèrement sur les détails qui pourraient gêner sa théorie et appuie sur les détails favorables. Or il faut agir tout différemment et être sévère pour toutes les conditions et toutes les conclusions.

Je n'exagère pas en disant que, pour affirmer scientifiquement la réalité d'un phénomène, il faut être aussi exigeant en fait de preuves que pour une condamnation à mort.

Une incomplète documentation, des conclusions hâtives, le désir ardent de justifier une théorie, une foi religieuse et obnubilante en cette théorie: voilà ce qui a empêché jusqu'à présent la métapsychique de prendre rang parmi les sciences classiques.

La télépathie, qui est un des chapitres fondamentaux de la métapsychique, a été traitée ici très méthodiquement, comme il convient à une monographie scientifique.

Je n'ai pas à insister sur ce phénomène essentiel, bien démontré aujourd'hui et dont on trouvera dans ce livre des preuves abondantes.

Il me paraft cependant nécessaire de dissiper une très commune erreur. Pour les personnes qui n'ont pas réfléchi à ces problèmes c'est-à-dire à peu près tout le monde la télépathie paraît très simple. On dit mais oui, c'est

la lecture de la pensée, c'est la suggestion mentale; et on est satisfait le mot explique tout. Puissance néfaste des mots! Le mot télépathie a été dit, et alors tout devient simple.

Mais ce n'est pas simple du tout. Lire dans la pensée, c'est supposer qu'il y a des vibrations synchrones dans deux cerveaux humains; c'est admettre tout un monde d'hypothèses. Quoi ! les mouvements ultra-microscopiques de nos cellules nerveuses iraient provoquer une connaissance dans un autre cerveau humain !

Si la télépathie est un fait réel, comme des centaines d'exemples le prouvent, ce fait réel est un mystère profond, tout aussi mystérieux que la lucidité. Quoique l'étoile polaire soit à quelques millions de milliards de trillions de kilomètres plus loin de nous que Sirius, il nous est tout aussi difficile de visiter Sirius que l'étoile polaire. La télépathie n'est pas plus compréhensible que la lucidité. L'abîme est tout aussi grand.

Je publierai prochainement un livre qui ne sera rien moins qu'un Traité de Métapsychique dogmatique, où j'essaie de mettre un peu d'ordre dans l'amas confus de tous les faits métapsychiques. Je dis dans ce livre que la télépathie est un fait démontré, et qu'elle est un cas particulier d'un phénomène plus général, beaucoup plus général, que j'appelle la cryptesthésie, c'est-à-dire une sensibilité aux choses réelles, mais cachées à nos sens.

Il est hors de doute maintenant que la réalité se communique à nous, et spécialement aux médiums, par d'autres voies que les voies sensorielles ordinaires. Ce qui est réel, ce qui est vrai, ce qui est extérieur à nous, arrive à notre inconscience, et par conséquent indirectement à notre conscience, par des voies que nous ignorons, fragmentairement,

incomplètement, par lambeaux, pour ainsi dire. Mais elle arrive tout de même. Des bribes de vérité, comme par des éclairs fugitifs, sont révélées aux médiums, aux somnambules. Il existe donc chez certains individus un sixième sens, le sens cryptesthésique connaissance des choses, des réalités, sensibilité à des vibrations que la conscience normale ne perçoit pas.

Or, la pensée humaine étant une réalité, il s'ensuit que la télépathie est un des chapitres (et un des plus importants) de la cryptesthésie; mais c'est loin d'être toute la cryptesthésie.

Autrement dit, pour prendre des exemples choisis parmi ceux que donne avec grand soin M. Warcollier, si un sensitif décrit un dessin, ce dessin ne sera pas mieux décrit quand, à côté du sensitif, il y a un agent qui connaît le dessin. Même quand la nature du dessin est absolument ignorée de tout être humain, s'il a été, je suppose, tiré au sort parmi un grand nombre d'autres, et si personne ne sait celui que hasard a désigné, même alors, dis-je, il y a encore d'étonnantes divinations. Mme Piper, à maintes reprises, a indiqué des faits qu'aucune personne vivante ne pouvait connaître : ce n'est donc pas par le sens télépathique, mais par le sens cryptesthésique qu'elle a connu ces faits.

le

A moins qu'on ne suppose - ce que ni M. Warcollier ni moi nous n'admettons que la conscience des individus morts n'a pas disparu, et que leur âme (leur esprit) revient dans l'âme des médiums. C'est là une explication très com. mode, mais qui soulève tant d'objections, si graves, si pesantes, que je me refuse absolument, jusqu'à ce que de nouvelles preuves plus décisives aient été apportées, à considérer non pas seulement comme vraie, mais même comme vraisemblable l'hypothèse spirite.

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