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vague pressentiment, un rêve ou une vision fantomatique, du malheur qui vient de le frapper.

Le 17 juillet 1882, lors de la première assemblée de la S. F. P. R. de Londres (société fondée pour examiner ces phénomènes), son président, M. SIDWICK (1), dans un discours remarquable, déclarait à ce sujet : « L'état actuel des choses est un scandale pour l'époque éclairée dans laquelle nous vivons. Le premier objet de notre société, le but que nous poursuivons tous, croyants ou sceptiques, c'est de faire une tentative patiente et systématique pour en finir une bonne fois avec ce scandale, d'une façon ou d'une autre. »

Vingt ans après, M. BENNET, secrétaire de la S. F. P. R., résumant les travaux de la société, pouvait écrire : « On a prouvé que l'intelligence humaine peut acquérir des connaissances autrement que par le moyen des cinq sens, en d'autres termes que la télépathie est un fait avéré. »

Les constatations sur lesquelles se sont appuyés les savants anglais sont de diverses sortes faits expérimentaux obtenus avec ou sans sujets spéciaux, mais surtout enquêtes minutieuses au moyen de témoignages contrôlés sur les cas apportés par le public anglais, qui avait été invité à faire connaître les faits d'apparitions se produisant au moment de la mort ou après la mort.

La question suivante lui avait été posée, en 1882, par la presse dans ces termes : « Vous est-il arrivé, depuis le 1er janvier 1874, d'éprouver l'impression nette de voir un être humain ou d'être touché par lui, sans que vous puissiez rapporter cette impression à aucune cause exté

(1) Cette société, depuis, a été présidée par le professeur BALfourSTEWART, membre de la Société royale de Londres ; le très honorable A. J. BALFOUR, membre de la Société royale de Londres et membre du Parlement; le professeur WILLIAM JAMES, de l'Université de Boston; SIR WILLIAM CROOKES, membre de la Société royale; FRÉDÉRIC W. H. MYERS; SIR OLIVER LODGE, membre de la Société royale, recteur de l'Université de Dublin; le professeur BARRETT, etc.

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rieure ? Vous est-il arrivé, dans les mêmes conditions, d'entendre une voix humaine ? Il ne s'agit ici que des impressions éprouvées lorsque vous étiez complètement éveillé. »

La S. F. P. R. reçut 5.705 réponses, ce qui suffit pour établir une statistique, la plupart provenant de la classe cultivée.

Le volumineux ouvrage de MYERS, GURNEY et PODMORE, intitulé Phantasms of the Living, résumant les résultats de cette enquête, a été traduit et abrégé par L. MARILLIER et publié en français sous le nom : Les Hallucinations télépathiques (Alcan, éditeur, 1905). Il contient 668 cas de télépathie spontanée, parmi lesquels 399 cas où l'agent était sur le point de mourir ou venait de mourir. Dans le groupe où la sensation du percipient paraissait extériorisée, il y en a 303 sur 423.

En 1899, M. C. FLAMMARION lança en France un appel analogue dans les Annales politiques et littéraires, qui comptaient 80.000 abonnés, en demandant de répondre par oui ou par non. Il reçut 4.280 réponses, composées de 2.456 non et 1.824 oui. Sur ces dernières, il y a eu 1.758 lettres plus ou moins détaillées dont il a réservé 786 importantes contenant 1.030 faits différents, qu'il a publiés dans son ouvrage L'Inconnu et les Problèmes psychiques (Flammarion, éditeur).

Comme les auteurs anglais, FLAMMARION, dans le chapitre « Théorie de la coïncidence fortuite », p. 208, insiste, pour l'admission des faits, sur le calcul des probabilités ; p. 240, il cite un cas où l'apparition à distance a concordé à moins de douze minutes près avec une mort inattendue. S'appuyant sur le chiffre officiel des tables de mortalité, il démontre que la probabilité d'une action télépathique comparée à la probabilité d'une coïncidence fortuite est dans la proportion, dans ce présent cas, de huit cent quatre millions six cent vingt-deux mille deux cent vingtdeux, contre un.

Depuis la publication des Phantasms et de l'ouvrage

de FLAMMARION, il n'y a plus eu d'enquêtes (1) sous 'forme d'appel au public. Le nombre des psychistes ayant augmenté dans chaque pays, ils canalisent les cas nouveaux qui arrivent à leur connaissance dans les revues psychiques, dont les plus importantes sont, en France, les Annales des Sciences psychiques, rédigées par M. C. DE VESME, et la Revue métapsychique du Dr GELEY.

Il existe toutefois un travail fort important sur la question, dû au savant directeur-adjoint du laboratoire de Psychologie pathologique de l'Ecole des HautesEtudes, M. N. VASCHIDE, malheureusement enlevé trop tôt à la science; travail inachevé que M. Raymond MEUNIER a publié en 1908 dans un petit livre intitulé encore Les Hallucinations télépathiques (Paris, Bloud et Cle). Cet ouvrage soutient une thèse exactement contraire à celle qui est exposée ici : elle est entièrement négative; aussi je m'étendrai plus longuement sur ce travail.

VASCHIDE dénie toute valeur au calcul des probabilités pour prouver, dit-il, un fait en contradiction frappante avec les plus élémentaires notions biologiques. « Pourquoi ne pas se tenir à la simple constatation du bon sens scientifique et chercher des raisonnements spécieux qui embrouillent les résultats, faisant entrer en jeu un nombre considérable d'inconnues? » (p. 82). J'estime que ce raisonnement est extrêmement discutable, mais ne m'y arrête pas, n'ayant employé le calcul des probabilités que dans un groupe d'expériences absolument douteuses précisément d'après ce calcul, et aussi réellement en fait.

Il repousse aussi la méthode des questionnaires, parce que les témoins sont généralement mauvais observateurs qui ne savent pas distinguer une fausse sensation

(1) Pendant la guerre, M. Charles RICHET en a tenté une nouvelle auprès des soldats du front dans le Bulletin des Armées, qui a donné des résultats intéressants.

Tout récemment M. C. FLAMMARION a poursuivi son enquête dans son ouvrage : La Mort et son mystère.

d'une hallucination suggestive ». Ceci ne me paraît pas avoir une grande importance quand la coincidence est absolue. « Il faut, dit-il, faire une étude approfondie des sujets qui, tout en étant bons observateurs, peuvent se trouver sous l'influence de l'idée fixe du merveilleux, les prêtres, par exemple, qui ont toujours plus d'hallucinations qu'un savant. » En réalité, les témoignages publiés par les prêtres sont absolument exceptionnels. « Les notes ne signifient pas non plus grand chose, car il faudrait connaître la mentalité et les conditions psychiques. de leurs auteurs quand ils ont pris la plume. » Cet argument pourrait facilement se retourner contre VASCHIDE lui-même.

« La plupart des cas étant émotifs exercent une influence considérable sur le jugement. » On peut admettre avec lui qu'en effet les conditions sont mauvaises pour « fixer après coup l'heure de l'apparition ». Mais le plus souvent le jugement qu'on a eu une apparition est porté avant la reconnaissance de la mort, c'est elle qui constitue la coïncidence le sujet ayant un pressentiment attend avec anxiété le télégramme annonçant la mauvaise nouvelle.

Enfin, d'après VASCHIDE, les auteurs anglais ont une trop grande confiance en leurs correspondants souvent anonymes et FLAMMARION a de plus le tort de ne pas être « psychologue » (1). « Le contrôle des cas doit être rapide, il ne faut pas attendre des semaines ou dest années, ni citer des cas vieux de dix ans à cause des erreurs de mémoire. »

Passant à ses recherches personnelles sur les apparitions, à un ami ou un parent, de personnes traversant quelque grande crise, VASCHIDE a dressé des tableaux

(1) On a reproché à FLAMMARION de ne pas avoir fait d'enquêtes sur les cas qui lui étaient. transmis par ses correspondants et d'en avoir laissé passer ainsi quelques-uns qui pourraient être l'œuvre de « fumistes ». Le deuxième paragraphe de ce chapitre répondra à cette objection,

intéressants notant le sexe, l'âge, la profession du sujet, son degré d'instruction, ses convictions religieuses ou philosophiques; le nombre de déterminations faites, combien de fois le sujet est convaincu de la réalité de l'hallucination; le nombre total des constatations exactes, des erreurs constatées, du pourcentage des cas vrais ; la nature des hallucinations: auditives, visuelles, tactiles, olfactives; en combien de temps les observations ont été faites. La présentation des faits, surtout, diffère des travaux anglais sur la question.

Contrairement aux auteurs cités, ses enquêtes n'ont porté que sur un nombre très restreint de sujets choisis parmi ses relations. « La grande majorité de ces personnes étaient bien loin du mouvement psychologique. »

En tout 34 personnes, dont 21 d'origine roumaine, ont fourni 1.374 cas, dont 48 coïncidences. Le pourcentage des cas vrais est en moyenne générale de 5,10 0/0 et, si on se rapporte à la totalité des cas, de 2,25 0/0; mais beaucoup de ces sujets, 19 personnes sur les 34, n'ont eu que des hallucinations fausses. Sur 1.011 déterminations comprises dans les 1.374 cas, il y en avait 981 avec la croyance complète à leur réalité, dont 943 erreurs.

Pour lui, les hallucinations télépathiques sont fréquentes: << D'une douleur vague, un phosphène, un bourdonnement d'oreilles, on accuse la sensation et même la perception d'une hallucination la plus nette ».

Les auteurs anglais en font ressortir, au contraire, la rareté; dans la plupart de leurs cas, les sujets prétendent n'avoir eu dans leur vie qu'une hallucination qui se trouve véridique.

C'est probablement dans cette différence de point de départ qu'on doit trouver la raison de l'opposition des résultats constatés. La méthode employée par VASCHIDE n'est pas plus exempte de reproches que celle des savants anglais. Ceux-là contrôlaient bien scientifiquement les cas que le public peu observateur leur apportait; mais lui, à l'affût des hallucinations télépathiques

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