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quer par l'action du nerf sympathique (Localisation de la conscience, Revue Scientifique, 15 avril 1911, p. 459).

Mais je ne vois pas de raison pour que ce nerf soit privilégié. En fait, pour l'émersion télépathique au moins, la chose est certaine : il existe des phénomènes de sympathie difficiles à localiser, et des cas où l'influence télépathique ne parvient pas jusqu'au centre psychique et se fait uniquement ressentir par une contraction à la gorge, une douleur au cœur, une sensation pénible à l'estomac, ou un réflexe ambulatoire.

CHAPITRE III

LE PROBLÈME DE LA RÉCEPTION: L'ÉMERSION. LES IMAGES MENTALES VISUELLES.

LEUR CLASSIFICATION

Comme on l'a vu au chapitre précédent, tout est obscur chez l'agent, que la transmission soit volontaire ou non, immédiate ou retardée, car il n'a pas conscience du mécanisme intracérébral provoquant le dégagement de l'onde télépathique. Il n'en est plus absolument de même chez le percipient, où nécessairement le message doit apparaître aux sens d'une façon plus ou moins directe. Laissant de côté les cas d'intuitions, de pressentiments, où le percipient est amené inconsciemment à un sentiment de tristesse, de joie ou de colère, le message télépathique se manifeste quelquefois par l'intermédiaire des centres moteurs, dans l'automatisme, en poussant à écrire, à proférer certaines paroles, à faire tel ou tel geste ou mouvement inconscient. Il sera question de ces phénomènes, assez rares d'ailleurs, au chapitre VI. Pourtant, à titre de curiosité, je citerai le cas LXIII, p. 437 de L'Inconnu.

M. Daniel BEYLARD, architecte, raconte que sa grand' mère habitant Bordeaux, âgée de 87 ans, n'ayant plus ses facultés intellectuelles, avait attaché sur ses cheveux, derrière la tête, le portrait de son neveu, précisément le jour même et à l'heure de sa mort à Madrid.

Mais le plus souvent le message télépathique se produit. par l'intermédiaire des facultés sensorielles : vue, audi

tion, toucher, odorat. Les auteurs anglais (Hallucinations télépathiques, p. 222), ont montré la prédominance des hallucinations visuelles de télépathie spontanée sur les autres, alors que, d'après eux, les hallucinations subjectives dues à la maladie, à la fatigue sont plutôt auditives, comme cela se produit chez les aliénés. Parmi les cas rapportés dans leur ouvrage, il y a 271 apparitions visuelles et seulement 85 phénomènes auditifs. Au contraire, pour les hallucinations non télépathiques, sur 5.705 personnes prises au hasard, 33 ont eu en 12 ans une hallucination auditive et 21 seulement, une hallucination visuelle.

VASCHIDE n'est pas d'accord avec eux puisque, sur son total d'observations pourtant en majorité non télépathiques, au sens habituel du mot, il y en a 740 visuelles, 198 auditives, 55 olfactives et 18 tactiles.

Sur les 40 cas où il y a une certaine concordance, on trouve 21 hallucinations visuelles, 10 auditives, 4 tactiles, 5 olfactives. Tous ces auteurs toutefois s'entendent pour reconnaître la fréquence des images visuelles dans la vraie transmission télépathique. Ce sont ces images qui forment l'objet de la présente étude à l'exclusion des autres, car la «< science télépathique » est déjà assez vaste pour qu'on puisse s'y spécialiser.

Il ne s'agit plus de rechercher ce que sont réellement les images visuelles mémorielles - c'est un chapitre bien peu connu de la psychologie, comme on l'a vu - mais ce qu'elles nous semblent être au point de vue télépathique.

On peut admettre comme point de départ que les images qui apparaissent à l'esprit du percipient, sous forme d'hallucinations, de rêves ou d'images plus ou moins bien formées, proviennent exclusivement de son propre esprit, de sa propre mémoire consciente ou subconsciente.

Il n'y a pas transport de l'impression visuelle de l'agent au percipient, pas plus qu'il n'y a transport d'une lettre de l'alphabet d'un appareil transmetteur télégraphique

à cadran au poste récepteur. La transmission du message consiste à faire apparaître la même lettre de l'alphabet; mais elle existe dans l'appareil récepteur avec toutes les autres, antérieurement à la transmission.

Le phénomène télépathique prend par cette conception une allure plus objective. On peut dire que cette hypothèse semble suffire à l'explication de tous les faits. Je ne crois pas qu'il existe de cas de transmission télépathique d'image visuelle à un aveugle-né, n'ayant pas de réserve d'images visuelles (1).

Il est donc essentiel de rechercher quelles sont, parmi les images visuelles qui se présentent à notre esprit, les plus propres à manifester les messages spontanés. Pour cela il sera bon d'en opérer un classement, par exemple par ordre d'objectivité, et de ranger dans chaque catégorie les cas qui sont à notre connaissance (2).

ESSAI DE CLASSEMENT DES IMAGES MENTALES VISUELLES PAR ORDRE DE NETTETÉ

Tout comme un paysage en une chambre noire

Se réfléchit avec ses rivières de moire,

Ses passants, ses brouillards flottants comme un duvet,
Tout dans mon esprit sombre allait, marchait, vivait.

(La pente de la rêverie, chap. xxix, dans les Feuilles
d'automne, VICTOR HUGO).

Quand on demande à une personne de jeter un regard en elle-même pour décrire comment se présente sa pensée,

(1) Cela ne veut pas dire que les aveugles ne sont pas sensibles aux influences télépathiques. En Corée, on développe leurs facultés de divination dans des écoles de magie. L'antiquité nous a laissé la légende du devin aveugle Tirésias.

(2) Les mystiques chrétiens ont classifié les visions en « naturelles, divines et diaboliques ». Ces deux dernières sortes peuvent être « corporelles, imaginatives ou intellectuelles ». (RIBET, La mystique divine distinguée des contrefaçons diaboliques et des analogies humaines, Poussielgue, 1895, 4 volumes; De servorum, du cardinal PROSPERE LAMBERTINI, 10 volumes, 1731-1740).

elle répond le plus souvent qu'elle la ressent sous forme d'images mentales plus ou moins nettes, comme des dessins inachevés. Par exemple, s'il s'agit de l'idée d'un cheval, elle verra sa silhouette, elle entendra intérieurement le mot cheval, elle verra ce mot. D'autres plus rares auront l'idée de mouvement des jambes d'un cheval, verront un cheval déterminé ; d'autres entendront la cadence des pas.

Il ne sera question ici que des sujets du type visuel. Chez les personnes ayant une tendance d'esprit portée à l'abstraction, à la généralisation qui dissocie les images (1), l'idée de cheval ne semble pas amener de représentation nette, seulement peut-être la sensation. d'une vague présence mentale indéchiffrable. Ce genre d'images ou plutôt cette absence d'images aura dans cette classification le degré zéro. Aucun phénomène télépathique ne semble devoir s'y manifester autrement que par des intuitions imprécises. Ce degré zéro devrait avoir beaucoup d'analogie avec le degré le plus élevé que peut atteindre, au contraire, un aveugle au point de vue visualisation. Comme le fait remarquer Pierre VILLEY, aveugle de naissance, dans Le monde des aveugles (Flammarion), les voyants pensent souvent sans se figurer leur pensée ; par exemple, l'électricité n'évoque qu'une image verbale. La question est d'une grande complexité quand on veut bien réfléchir à ce qu'écrit Pierre VILLEY : « Au lycée, je reproduisais mentalement les figures de géométrie du professeur, posant sur chaque angle, sur chaque point, les lettres destinées à les désigner, et je suivais toute la leçon sur ces images intérieures, ce qui prouve la grande netteté des images mentales géométriques (p. 191). » Cet aveugle de naissance avait donc un degré de visualisation bien supérieur à celui de beaucoup de voyants! Par une singulière coïncidence, Pierre VILLEY prend aussi précisément l'exemple du cheval et dit : ce mot évoque chez

(1) Les Images, Peillaube.

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