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Ayant quitté l'usine de C. (Haute-Vienne) pour passer quelques jours à Paris, je rêve, dans la nuit du 17 au 18 février 1917, qu'à l'usine de C. on met des ossements dans un sac. En réalité, le 17, ma femine, qui était restée à C., m'écrivait que, le 16 au soir, un fossoyeur, qui était mobilisé à l'usine comme manœuvre, s'était tué accidentellement en tombant d'un toit en construction.

« Il n'est pas rare d'entendre des personnes intelligentes, mais superstitieuses, dire qu'elles ont appris par expérience à regarder un rêve particulier comme le signe d'un bonheur ou d'un malheur » (1). Encore aujourd'hui on vend couramment La Clef des songes qui interprète le symbolisme des visions oniriques. Il serait extrêmement curieux de comparer entre elles les différentes clefs des songes arabes, grecques, chinoises, etc., pour voir comment elles concordent ou diffèrent. Par curiosité, voici ce que dit un astrologue de Lyon en 1520 (2) : Rêver « avoir la tête et longs cheveux » signifie honneur ; « avoir la tête tondue » signifie « dommaige ».

Un manuscrit arabe traduit en 1664 (3) dit sur le même sujet : « Le poil du corps signifie l'argent de l'homme s'il en a, ou sa marchandise et ses terres, si bien que ce qu'il y voit d'augmentation ou de diminution s'entend de cela. Un curieux chapitre de psychologie comparée reste à faire.

J'ai noté, moi aussi, autrefois mes rêves symboliques, sans grand résultat. Exemples: paire de ciseaux = mort ; gros fruits profits; être chauve perte, etc. J'en ai trouvé sept pouvant recevoir une interprétation exacte

=

(1) Miss CROWE, Les côtés obscurs de la nature.

(2) La Physionomie des songes et visions fantastiques des personnes, 1520, in-8° par Jean TIBAULT.

(3) L'Onirocritie musulmane, traduit par Pierre VALTIER, Paris, Jolly, 1664; Le rêve prophétique chez les Arabes, VASCHIDE et PIÉRON; Le rêve prophétique dans la croyance des peuples sauvages, idem.

avec de la bonne volonté, six ne le pouvant pas, c'està-dire faux. Pour en finir sur ce sujet, après avoir questionné quelques personnes ignorantes possédant une Clef des songes et convaincues de sa valeur, j'ose indiquer cette interprétation à tout hasard, c'est que leurs songes (dus la plupart du temps à leurs désirs et à leurs craintes) épousent très volontiers le symbolisme de leur livre de chevet.

C.

Rêves probablement télépathiques. Dans les ouvrages de MYERS et de FLAMMARION, ainsi que dans la collection des Proceedings de la Society for P. R. ou des Annales des Sciences psychiques, on trouve un nombre considérable de rêves télépathiques, pour ne parler que de ceux-là.

Toutefois je ne citerai, comme je l'ai fait pour les rêves normaux, que des cas recueillis par moi de première main et surtout des rêves personnels. Il est indispensable, en effet, pour apprécier la valeur d'un rêve télépathique, de connaître exactement le rêveur, comme le montre l'exemple suivant :

1o Ma mère vient un dimanche nous voir en province dans une localité où elle n'était jamais venue; elle apportait beaucoup de paquets. Quelques heures après, la propriétaire de la maison raconte à un voisin qu'elle a reconnu ma mère parce qu'elle l'avait vue en rêve. J'ai été interwiever la rêveuse et voici ce qu'elle me dit :

« Lorsque vous m'avez présenté Mme W. à la porte de la cuisine, j'ai eu un moment de surprise et je me suis dit : « Je connais cette personne là, où ai-je pu la voir ? » Puis tout à coup je me suis rappelée que c'était un rêve de la nuit du samedi au dimanche. Je l'avais vue, c'était la même personne, la même taille, le même visage, en deuil avec son voile, sa fourrure et son chapeau. Elle n'avait pas son chapeau quand vous me l'avez présentée, mais dans la journée, quand je l'ai revue avec le chapeau, cela m'a frappée, j'ai reconnu le chapeau du rêve. Mais,

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dans mon rêve, elle arrivait par la porte du salon, l'air affairé, portant beaucoup de paquets. Cela m'a tellement frappée que j'en ai parlé à mon mari et à Mme C. qui vous l'a répété. Cela m'arrive fréquemment de rêver des choses qui se réalisent, surtout des deuils dans la famille. Mais je n'en parle guère, car mon mari ne s'y intéresse pas; quand je le lui dis il reconnaît bien que cela arrive, mais ne veut pas y croire. Votre mère n'est pas entrée en réalité par la porte du salon, aussi je ne l'ai pas vue arriver avec les paquets; mais c'était comme cela dans le rêve. Pourtant elle n'est jamais venue dans ce département et moi je ne suis passée qu'une fois à Paris, à l'Exposition de 1900. Je ne la connaissais donc pas et pourtant je l'ai vue; je n'ai pas vu votre belle-sœur dans mon rêve (elle accompagnait ma mère). »

Mme D. savait que ma mère devait venir, elle pouvait deviner qu'elle apporterait des paquets, qu'elle était en deuil. Il reste la coïncidence entre la ressemblance de la personne du rêve et ma mère, ressemblance aussi dans les détails du costume, chapeau et démarche. Mais comment s'en assurer ? Ce cas ne prouve rien et ne peut rien prouver parce qu'il est peut-être paramnésique, le rêve ayant été raconté après la reconnaissance, et parce que j'ignore absolument la psychologie du sujet.

2o Cas de Mme Warcollier.- Un matin, lorsque ma mère entre dans notre chambre, ma femme se réveille; elle nous raconte alors le rêve suivant. Elle avait vu la bonne introduire un jeune homme dans la maison, il en était ressorti vers 2 heures du matin. Dans la journée, ma mère me rappelle personnellement ce rêve qui l'avait beaucoup frappée, car une personne du quartier l'avait avertie hier que la bonne avait introduit un jeune homme à la maison... Elle n'avait jamais suspecté la bonne à qui nous confions le bébé, etc. Très émue de cette nouvelle, elle y avait pensé toute la nuit etavait été très étonnée d'entendre ce matin le récit du rêve de ma femme. Avant d'en reparler à ma femme, je

lui fis répéter son rêve. Elle ajouta à son récit du matin que dans son rêve elle disait à ma mère combien elle était ennuyée, à cause de la confiance qu'on accordait à la bonne en lui laissant en garde le bébé.

Renseignements pris, la bonne avait introduit la veille un garçon boucher, dans la journée.

(Ces notes, bien entendu, sont du jour même).

མ་..༡༩

A....YP

3o Cas de Mme Augustine P., bonne chez Mme G. Mme Augustine P. recevait régulièrement des lettres de son mari qui était au front. En mai 1918, il était au Chemin des Dames « tout à fait tranquille », lui écrivait-il dans sa lettre du 26 mai.

Fig. 21

Dans la nuit du 27 au 28, Augustine voit son mari et l'entend s'écrier trois fois : « Je suis pris, ma chère mère (la mère d'Augustine). » Le lendemain elle raconta ce rêve à Mme G. qui me l'a signalé, mais longtemps après, malheureusement.

Le mari d'Augustine avait été réellement fait prisonnier le 27 au matin, je l'ai questionné à son retour d'Allemagne, le 15 décembre 1918. Il était au Chemin des Dames dans les mitrailleuses de position depuis février 1918, absolument en sûreté et croyait y finir la guerre. Le bombardement avec tir de barrage a commencé à minuit le 27, il a été pris avec tant d'autres le matin du 27 à 7 heures et employé à des travaux de défense arrière jusqu'à la fin de la guerre. D'après ce qu'Augustine m'a dit, il aurait pensé, au moment où il a été fait prisonnier, à sa femme et à la mère de celle-ci, et en particulier à la difficulté qu'il aurait à leur donner de ses nouvelles. C'est ce qui aurait été le cas, en effet, si le message télépathique n'était pas parvenu à sa femme dans la nuit du 27 au 28, lui apportant un réconfort quand elle apprit la surprise du Chemin des Dames et la tranquillisant pendant tout le temps qu'elle attendit des lettres du prisonnier. Le retard de la journée s'explique,

comme on l'a vu antérieurement, parce que la subconscience du percipient n'est pas arrivée à objectiver le message pendant l'état de veille.

La seule difficulté qui subsiste est celle de la date du rêve d'Augustine. Serait-elle la dupe d'une illusion de la mémoire, a-t-elle raconté son rêve avant d'avoir reçu des nouvelles de son mari, avant de savoir la prise du Chemin des Dames? Naturellement Mme G. ne s'en souvient pas, mais Augustine dit être sûre d'avoir fait ce rêve la nuit même du déménagement de Mme G., qui était justement le 27.

On voit à quelles difficultés on se heurte quand on veut obtenir une certitude mathématique, même avec des cas de première main. Pour faire une étude sérieuse sur les rêves télépathiques, il est indispensable de pouvoir dresser une statistique des rêves véridiques et de ceux reconnus faux. Supposons, par exemple, que chaque fois qu'Augustine a raconté un rêve lui paraissant véridique on l'ait noté, nous saurions si elle avait rêvé faussement une ou plusieurs fois que son mari était prisonnier, ce qui est extrêmement douteux, j'en conviens, mais non impossible. Et pourtant, si cela s'était produit, la coïneidence serait évidemment moins extraordinaire, même si la date du rêve était sûre.

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La notation immédiate est nécessaire ; c'est le travail auquel je me suis livré au cours de recherches sur les rêves normaux. Je notais alors méthodiquement chaque rêve et je le fais encore à l'occasion, non pour tous les rêves, mais pour ceux qui me paraissent avoir un intérêt quelconque, par exemple au point de vue télépathique. Au bout de quelques années, j'ai donc eu entre les mains un ensemble de cas dont les uns ont coïncidé avec des événements réels, les autres non. Classons-les par catégories.

Rêves annonciateurs de visites, de lettres, de nouvelles, d'invitations. - 10 Le premier rêve télépathique que j'ai observé a été publié dans les Annales des Sciences psy

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