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genre. « Les Arabes, dit le marquis de MORÈS, ne communiquent pas au moyen de feux on les verrait; ils ne communiquent pas au moyen de cris on les entendrait. Les nouvelles se transmettent mentalement par l'intermédiaire de vieux marabouts, espèces d'ascètes qui, de longue date, par des pratiques inconnues, s'entraînent à projeter au loin leurs pensées (1). »

Si« l'opium fait dormir parce qu'il a une vertu dormitive », je crois que, plus avancés, nous pouvons dire que si certaines préparations favorisent la télépathie, c'est qu'elles agissent surtout sur les centres nerveux pour produire une hypnose légère ou profonde, tout en ayant une action modérée sur le centre de la vision pour permettre aux messages télépathiques subconscients de s'extérioriser. La provocation artificielle d'images visuelles, par action soit sur l'organe de la vue, soit sur le centre nerveux de la visión, entraîne parfois l'émersion de messages télépathiques; pourtant les procédés purement mentaux permettent d'y parvenir peut-être moins aisément, mais avec de moindres inconvénients.

(1) Cité par M. JULES THIÉBAULT, L'ami disparu, p. 44 (BergerLevrault).

CHAPITRE V

LA TÉLÉPATHIE SPONTANÉE PENDANT

LE SOMMEIL NORMAL

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A. Rêves normaux. Il y a un monde du sommeil, dit HAVELOCK ELLIS (1), c'est le domaine des songes où l'humanité est rentrée chaque nuit jusqu'à présent. Mais rien ne prouve que la science, en découvrant la cause exacte du sommeil, ne parvienne pas à supprimer ce grand obstacle à une production intensive. La question de savoir si nous en serons plus heureux n'entre guère en ligne de compte pour le progrès scientifique, qui vit sur un autre plan que le bonheur ou le malheur des hommes. En appuyant sur le seul ressort apparent de la connaissance, la raison humaine a déclanché le machinisme, dont la savante brutalité nous emporte vers une vie meilleure ou nous écrase à son gré. Quoi qu'il en soit, le sommeil est caractérisé histologiquement par la rétraction des prolongements amiboïdes des neurones, qui paraît due à l'intoxication des cellules nerveuses pendant la veille, comme l'expérience l'a montré, puisqu'en injectant à une personne bien éveillée le sérum d'une personne fatiguée, on a obtenu chez la première le sommeil (2). On pourra sans

(1) HAVELOCK ELLIS (Mercure de France), Le monde des rêves. (2) Pour RAPHAEL DUBOIS (La lumière et la vie, p. 216), c'est l'autonarcose carbonique, l'accumulation du CO1 qui provoque le sommeil.

doute obtenir l'inverse et empêcher ainsi l'humanité de perdre la plus grande partie de son temps, au moins dans des circonstances et des buts particuliers. Mais à présent on a parfaitement le droit de considérer le sommeil sous son aspect positif, comme MYERS (1), et soutenir que c'est l'état naturel des êtres dont la veille n'est que l'accident. Il n'y a pas d'état de veille sans sommeil, mais il peut exister des sommeils très prolongés chez certains animaux, chez l'homme dans son enfance, ou dans des cas spéciaux comme celui de la célèbre dormeuse de Thénelles qui ne s'est réveillée que pour mourir. Normalement, on peut dire que le sommeil a réellement une vertu particulière indépendante du repos des membres, si bien que quelques instants de sommeil suffisent parfois à vaincre une fatigue considérable, à soigner, réparer, guérir l'organisme. Mais, dans cette étude, j'envisagerai seulement ce que devient notre personnalité pendant cette promenade dans le monde du sommeil et je me permettrai de citer quelques rêves normaux, où notre moi vit sur luimême, avant de rechercher s'il peut aussi cueillir quelques fleurs inconnues dans le jardin des rêves, y acquérir des connaissances nouvelles.

La bibliographie sur les rêves est très étendue, on en trouve une fort importante dans l'ouvrage du Dr TisSIE (2), mais, depuis cette époque, une grande quantité d'ouvrages ont été écrits, parmi lesquels on peut citer ceux d'HAVELOCK ELLIS, de VASCHIDE (Flammarion), de FOUCAULT (Alcan), de KAPLOUN (Payot), etc... Dans des centaines d'ouvrages ou de travaux, la question des rêves normaux paraît épuisée ; je n'en citerai donc que quelques-uns extraits de mon cahier de rêves, appartenant à

(1) MYERS, La personnalité humaine, (Alcan) chapitre du « Sommeil », p. 136.

(2) TISSIE, Les rêves. Physiologie et Pathologie (Alcan, 1898). Voir aussi : A study of dreams, par FR. Van Eelders. Proceedings of Soc. for P. R., p. LXVII, V. XXVI.

des séries peu connues, en laissant de côté les rêves sensoriels, logiques, émotionnels, symboliques, rêves d'aviation, etc., qui ne sauraient trouver place ici. Les suivants présentent un intérêt psychologique ou philosophique, car le rêve, c'est l'expérience métaphysique à notre portée, c'est aussi vraisemblablement la plus élémentaire expérience télépathique, car les associations d'idées, ne pouvant pas se faire par les prolongements rétractés des neurones, doivent se produire par induction «< télépathique ».

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1o Objectivation d'un type plus conscient que celui du dormeur. J'entre chez un épicier pour acheter de la racine de violette et je lui demande : « Avez-vous de la racine d'olive (sic). » L'épicier sourit. Je cherche à interpréter son sourire sans y parvenir. Puis il reprend son sérieux et me répond: « Non, je n'ai que de la salsepareille » et me montre un paquet de papier plié en contenant. Pendant tout le rêve j'ai pensé à la racine de violette; en me réveillant je m'aperçois que j'ai commis un curieux lapsus, cause du sourire de l'épicier. Ce cas ne peut s'expliquer que par la formation d'une double personnalité. Yves DELAGE a signalé des rêves de ce genre (1).

2o Rêves avec tableaux indépendants. (Jeudi, 27 mai 1905). Ce matin je fus réveillé à 7 heures par un coup de sonnette inattendu. Je rêvais descendre les marches du perron de la villa de mes parents en lisant une lettre. (Ce rêve contient des éléments incohérents dus à un souvenir de la veille au soir, peu frappant pourtant. C'est toujours le même problème pourquoi les derniers souvenirs de la veille apparaissent-ils les derniers du sommeil quelle que soit l'heure du réveil ?) Pendant que j'écoutais la sonnette, immédiatement d'autres tableaux se superposent à ce rêve comme si j'avais rêvé

(1) Psychologie du rêveur (Bulletin de l'Institut général psychologique, no 4, 1913). Quelques points de la psychologie du rêveur, même auteur, même bulletin, no 1 et 3, 1919.

ces choses en même temps; je fais alors un effort de mémoire pour voir si j'arriverai à retrouver de quoi je rêvais avant le rêve de la lettre, et j'en trouve un autre n'ayant aucun rapport avec les tableaux en question. Ceux-ci ne m'apparaissent pas comme des souvenirs de rêves, mais comme des images internes. Au contraire, le rêve que je retrouve par un effort de mémoire a tous les caractères d'un rêve, il me semble aussi être un peu lointain dans mon sommeil. C'est un rêve de Mme S. et Mme C. Voici les tableaux indépendants, extrêmement curieux, par ordre d'apparition.

A. Deux hommes, l'un porte une courte barbe brune, l'autre est indistinct, d'ailleurs les traits en sont brouillés.

B.

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Une scène tellement rapide que je n'ai pas assez de temps pour la distinguer: une salle (à manger ?), une grande table au milieu (fig. 20). A une petite table sont assis

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deux hommes. Mangent-ils ? Au no 1, homme que je n'ai pas le temps de voir. N° 2, homme assis, barbu. Il a un. masque noir ou, plus exactement, un voile autour de la tête comme un bandeau. N° 3, homme debout, gestes violents, se dirige vers la porte ou vers quelqu'un de ce côté. Il a le même masque noir. J'ai l'impression que c'est intentionnellement que les visages sont cachés à mes yeux et qu'il s'agit d'un épisode dramatique.

C. Un groupe photographique d'hommes sur deux rangs, en tout une quinzaine de personnes. J'ai l'impression que mes deux hommes s'y trouvent.

Les trois tableaux se sont succédé, se superposant au rêve de la lettre en moins d'une seconde.

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