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dont le nombre était nécessaire pour ses statistiques, malgré son manque de sujets, était prêt à recueillir comme telles des impressions vagues de peu de valeur, voire de simples associations d'idées.

C'est ce qui fait que ses cas ne revêtent pas l'aspect d'un événement extraordinaire et unique dans l'existence que les rapporteurs des cas anglais signalent sou

vent.

Mme N., un de ses sujets, travaillait près de VASCHIDE en filant d'énormes quenouilles de laine. « Parfois, brusquement, elle s'arrêtait; la quenouille tombait de sa ceinture et triste, avec un visage immobile, elle m'expliquait en paroles imagées qu'elle avait eu la vision nette de son mari souffrant, malade, bien rarement mourant... puis, recueillie et calme, elle continuait à filer après avoir poussé quelques profonds soupirs et n'oubliant jamais de se signer. Prenant part à ses peines, le psychologue était toujours prêt à noter le fait, un document de plus, et après avoir noté l'heure ainsi que ses paroles, son attitude et l'impression que j'avais eue, je cherchais à contrôler minutieusement s'il y avait eu une relation quelconque. >>

Alors que GURNEY, MYERS, PODMORE et aussi FLAMMARION relèvent un très grand nombre de cas où le sujet n'était plus à l'état de veille, VASCHIDE n'y fait aucune allusion, ce qui donne à penser qu'il s'agissait le plus souvent d'impressions légères, de visions dues à l'imagination et non de véritables hallucinations. On verra la très grande importance qu'une étude approfondie m'a amené à attribuer à ces distinctions.

VASCHIDE a recueilli 78 « hallucinations » de Mme N., dont 2 seules sont exactes (p. 40, 41, 42), et il en eut luimême 37 dont 1 véridique (p. 90 à 94). Ce sont les seuls cas qu'il a publiés; je cite comme type son premier cas (p. 40):

« Le mari de Mme N. devait aller à une ville, éloignée de 25 kilomètres de la campagne où il se trouvait, pour

une affaire urgente et il était forcé de se faire conduire par un cocher ivrogne. Mme N. était très inquiète, mais comme l'affaire avait son importance, après avoir sermonné le cocher, elle consentit à le laisser conduire la voiture. C'était un jour de la fin de mars et j'étais à la campagne avec Mme N. Comme d'habitude elle prend sa quenouille, arrange le dévidoir pour une domestique et commence à filer un peu nerveusement. Le vent sifflait éloquemment dehors et, comme il avait plu quelques jours auparavant, il y avait eu des inondations formidables dans le pays. M. N., son mari, devait passer à gué trois rivières assez importantes dans son trajet. Trois heures s'étaient écoulées depuis le départ de M. N.; Mme N., les larmes aux yeux, me dit qu'il lui semble entendre la voix de son mari qui gémit. Le mugissement du vent lui paraît être la cause de cette sensation bizarre. Tard dans la nuit on rapporte à la maison M. N. à demi évanoui, ayant une fracture à la jambe droite. Voulant traverser la rivière lors du retour, comme il avait commencé à faire sombre et comme le cocher s'était de nouveau enivré dans la ville, les chevaux ne voulurent pas entrer dans l'eau et ils avaient entraîné la voiture à travers les champs. M. N. avait voulu sauter, mais son pied s'était trouvé pris par les roues et il était tombé à terre presque mort. Cela se passait vers les 8 heures du soir et Mme N. avait eu son hallucination vers 11 h.36 du matin ; done y avait entre l'hallucination et la réalité du fait une différence d'à peu près 8 heures et, fait curieux à noter, l'hallucination avait eu lieu avant le malheureux accident. Nous sommes tous comme les femmes des marins qui s'arrêtent de longues heures sur le bord de l'océan avec la eroyance qu'elles pourront distinguer la silhouette d'un navire. On prend souvent le vol des goëlands pour des voiles de bateau. »

il

Avec cette attitude, VASCHIDE a-t-il pris les formes vagues de la pensée amenées par la rêverie pour des << hallucinations télépathiques ».

« On a chaque jour, dit-il, une hallucination télépathique, on voit l'absent, on l'entend, on est touché par lui. Dans la proportion de 2 0/0 il arrive que nous tombons juste et cela suffit pour créer une légende... Cette proportion n'est d'ailleurs pas entièrement due au hasard, mais le plus souvent à une sorte d'harmonie préétablie. La communauté intellectuelle entre l'agent et le percipient, le parallélisme psychique, le mimétisme intellectuel expliquent les très rares cas véridiques qui ne sont pas simplement des coïncidences fortuites. »

Toutefois, en vrai savant, VASCHIDE ajoute que « la vérité n'est peut-être pas de son côté, qu'elle n'est nulle part, car elle est en jeu »; il laisse à l'avenir le soin de faire la dernière critique. Enfin, en dehors de la question des hallucinations touchant la mort, « en ce qui concerne la transmission des pensées et des sentiments d'un esprit à un autre sans l'intermédiaire des organes des sens, l'affirmation, sans être catégorique, a plus de probabilité ».

Maintenant, après ces critiques nécessaires, je citerai un cas type d'un auteur anglais (Phantasms of the Living) montrant bien que la différence entre les véritables « hallucinations télépathiques » et les pressentiments de VASCHIDE ne tient pas seulement à une différence d'exposition.

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Cas XVI (59): Mme Paris, née Griffiths, 33, High Street, Lowestoft, 30 avril 1884. « Nous étions une famille de huit enfants. Il y a vingt ans, nous étions tous à la maison, sauf un seul d'entre nous, H... Ce n'était pas à la suite d'un arrangement convenu, mais, semblaitil, le résultat d'une série de coïncidences. H... devait nous rejoindre le mercredi 3 août, en quittant sa position, pour passer quelques jours à la maison avant d'en occuper une autre. Le dimanche qui précédait son arnivée, nous avions été à l'église ; c'était la première fois que j'y allais depuis une longue maladie.

<«<< Ma sœur, trop occupée de sa petite nièce, ne nous avait pas accompagnés. Nous rencontrâmes l'amie de ma

sœur, Mile J..., une dame russe des plus distinguées et très intelligente. Elle revint avec nous, et nous insistâmes pour qu'elle restât à déjeuner avec nous. Ma sœur était enchantée de l'avoir près d'elle pour lui raconter les charmes précoces de notre trésor d'enfant. C'était une matinée délicieuse.

« J'ai donné ces détails presque minutieux pour démontrer qu'il n'y avait rien à ce moment qui pût être la cause d'une inquiétude. Ma sœur était en bonne santé, elle se portait même mieux que d'habitude. Eh bien! nous avions fini le premier plat, et le deuxième fut placé sur la table, lorsque Mile J... demanda : « Où est Ma«rianne ? » Marianne, c'était ma sœur. Ma mère fit l'observation qu'elle avait quitté la table il y avait quelques minutes et qu'elle semblait un peu indisposée. Je sortis immédiatement et, après l'avoir cherchée partout dans la maison sans la trouver, j'allai dans le jardin. Là je la trouvai assise, la tête dans les mains, regardant la « carrière », une carrière abandonnée, remplie d'eau depuis des années. D'où elle était, elle pouvait voir l'eau stagnante et noire. Elle ne s'aperçut pas de ma présence. Je lui mis les mains sur les épaules en lui demandant : « Qu'y a-t-il ? » Evidemment elle ne me sentit ni ne m'entendit; je me mis alors à côté d'elle et je n'oublierai jamais l'expression de sa figure. Elle avait l'air d'être complètement paralysée par la peur et l'horreur. Ses yeux semblaient être rivés à l'eau, comme si elle assistait à une scène horrible sans pouvoir être d'aucun secours. « Qu'y a-t-il ? ma chère. » Elle ne s'aperçut pas encore que j'étais présente et que je la touchais. Quelques secondes plus tard, elle poussa un cri d'angoisse contenue et dit : « Oh! il est parti. » Puis, paraissant s'apercevoir de ma présence, elle tourna vers moi un regard de supplication anxieuse. Toutefois, elle était un peu soulagée, puis elle me dit : « Oh ! J..., il est parti. Oh! mon Dieu, <«< il est parti, mon pauvre cher H... » Je la priai de ne pas se contraindre si terriblement, mais de me raconter

quel malheur était arrivé. Très lentement, comme si cela lui avait coûté des souffrances indicibles, elle dit : « Il << se passe quelque chose de terrible. » Je répondis à la légère : « Bien entendu, cela est vrai pour toute l'année. « Quel est le moment où il n'y a pas d'âme qui paraisse << devant son créateur? » Elle trembla, et je réussis, en me donnant beaucoup de peine, à la faire rentrer dans la chambre. Evidemment elle ne désirait pas m'agiter ni me troubler. Je ne pensais plus à l'incident. Mile J... était allée avec ma sœur dans sa chambre, elle insista pour qu'elle se couchât et puis elle la persuada de se soulager en lui racontant tout ce qui s'était passé. Elle (Mlle J...) fut si impressionnée de ce qu'elle entendit, qu'elle quitta ma sœur en lui promettant de revenir après le service de l'après-midi. A peu près vers 3 heures de cette après-midi, nous apprîmes la nouvelle que notre cher H... s'était noyé. Il était en route pour l'église avec les autres membres du chœur. Tentés par le temps délicieux et l'aspect séduisant de l'eau, plusieurs d'entre eux proposèrent de prendre un bain : « Encore une fois, c'est la dernière, H... » Il accepta, descendit le premier et il n'était encore entré dans l'eau que jusqu'aux genoux, lorsqu'il s'écria qu'il allait se noyer. Ses compagnons furent frappés de terreur et déclarèrent plus tard qu'il leur avait été impossible de faire un mouvement. L'un d'eux cependant recouvra suffisamment sa présence d'esprit pour pouvoir pousser un cri et puis pour courir à l'église qui était tout près. Il s'écria : « G..., H... se noie, viens vite ! » G... s'élança hors de l'église, se déshabillant en route et jetant ses vêtements le long du chemin ; il sauta dans l'eau et aurait sans doute sauvé H... s'il ne s'était pas cramponné à lui. Ils s'enfoncèrent tous les deux pour ne plus reparaître,.. juste quelques minutes avant 2 heures et au moment même où ma sœur s'était écriée : « Il est parti ! »

<< Nous la trouvâmes profondément endormie, ayant l'air d'avoir vieilli de plusieurs années, mais tout à fait préparée à la nouvelle. Lorsque mon frère la réveilla,

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