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Un cœur né pour servir sait mal comme on commande.

Qui la sait et la souffre a part à l'infamie.

Oh! qu'il est doux de plaindre

Le sort d'un ennemi quand il n'est plus à craindre.

(Pompée.)

Le ciel par les travaux veut qu'on monte à la gloire; Pour gagner un triomphe il faut une victoire.

(Rodogune.)

Qui se laisse outrager mérite qu'on l'outrage.

La mort n'a rien d'affreux pour une âme bien née.

(Heraclius.)

La bassesse du sang ne va point jusqu'à l'âme. (Don Sanche.)

On n'aime point à voir ceux à qui l'on doit tant.

La plus mauvaise excuse est assez pour un père. Le temps et la raison pourront le rendre sage. (Nicomède.)

Le temps est un grand maître, il règle bien des choses.

C'est gloire de se perdre en servant ce qu'on aime.

(Sertorius.)

PASCAL.

Né à Clermont, en Auvergne, en 1623; mort en 1662.

Il la fixa définitivement.

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Blaise Pascal fit faire à la prose française sa dernière évolution. y eut après lui des écrivains de génie, il n'y en eut point qui écrivit mieux que lui, avec plus de goût, de force et de correction.

La nature l'avait doué d'un esprit supérieur son père eut le mérite d'en préparer le développement d'une façon merveilleuse. Ce développement fut même trop précoce; la santé de Pascal en pâtit. Il passa peu de jours de sa jeunesse et de son âge mûr sans souffrir.

/Comme Descartes, Pascal appartient à l'histoire des sciences. Il en avait le génie, et il le manifesta dès son enfance, il entend par hasard le son d'un couteau sur un plat de faïence, et cela devient le point de départ d'un traité sur l'acoustique; il entend une définition de la géométrie, et, sans livres, sans assistance, pousse, par la seule réflexion, jusqu'à la 32o proposition du livre d'Euclide, et il n'avait que douze ans ! Ces exploits intellectuels, rapportés par sa sœur Madame Périer, peuvent être exagérés, mais toujours est-il certain que Pascal était mathématicien, géomètre, et géomètre

profond à un âge où ordinairement les bons esprits savent à peine ce que c'est que la géométrie.

A l'âge de seize ans, il composa le meilleur traité des coniques qu'il y eût, et, trois ans plus tard, il inventa une fameuse machine d'arithmétique par laquelle on peut faire toutes sortes de calculs sans savoir aucune règle. Puis il fit de belles expériences sur la pesanteur de l'air, et confirma la doctrine de Torricelli.

Il avait à peu près 23 ans. Un accident, qui faillit lui coûter la vie, le décida à renoncer au monde. Il se promenait en carrosse, lorsqu'au pont de Neuilly ses chevaux s'emportèrent et se précipitèrent vers un endroit du pont, où il n'y avait pas de garde-fou.

Il était perdu si, par la rupture des rènes, les chevaux n'avaient pas été détachés de la voiture; ils tombèrent dans la rivière, et Pascal, sans autre mal que la peur, demeura sur le bord. Son âme, vivement impressionnée, crut entendre la voix de Dieu qui l'appelait, et il se retira à Port Royal des Champs près de Paris, où quelques hommes pieux et studieux, et appelés les solitaires de Port Royal, vivaient sous une règle religieuse commune. Il devint le plus illustre d'entre eux.

Quelques propositions déclarées hérétiques de l'évêque d'Ypres, Jansénius, sur la grâce divine faisaient alors grand bruit parmi les théologiens. Antoine Arnaud, celui qu'on appelle le grand Arnaud, fut condamné par la Sorbonne, comme coupable de Jansénisme. Pascal prend la plume pour défendre son ami. Du fond de sa retraite il lance

ces lettres d'ardente polémique, connues sous le nom de LETTRES PROVINCIALES. Elles sont des chefs-d'œuvre d'éloquence, de dialectique et de style, et le plus terrible réquisitoire contre les Jésuites, mais, œuvres d'actualité et de passion, elles ont beaucoup perdu de leur intérêt.

L'autre livre de Pascal-LES PENSÉES-ne perdra jamais le sien, tant qu'il y aura une humanité souffrante, affamée de vérité et exposée au doute et à l'erreur. Ce livre ne contient que des fragments d'une apologie du christianisme que Pascal méditait, et que la mort l'empêcha de mener à bonne fin. On les a recueillis avec une sollicitude légitime, et l'on peut dire qu'il s'y rencontre quelques uns des plus beaux passages qui aient été exprimés dans aucune langue humaine.

On a appelé Pascal un génie effrayant. Il l'est en effet par la précocité et la grandeur de ses travaux. . . . Son esprit chercha de bonne heure la raison de tout. Il dut être embarrassé par bien des problèmes difficiles à résoudre.

Il expliqua ce qui était susceptible d'explication; l'inexplicable l'arrêta sans le faire reculer. Il hésita un moment, le doute entra dans son âme et la déchira. Il s'en guérit par une croyance résolument et volontairement acceptée. Les subtilités et l'esprit l'assaillirent quelquefois, mais ne la lui ôtèrent plus. Le mystère lui semblait un abîme préférable à celui de la négation: il s'y plongea, sûr d'y trouver Dieu, et en sortit, éclatant de foi et de lumière. L'amour de la religion fut le dernier, le suprême amour de sa vie. Il y concentra toutes les forces de son intelligence, toute l'activité

de son cœur. Il entrevoyait ce que serait l'humanité sans elle, et nul homme n'a parlé avec plus de vérité de son caractère, avec plus de science de ses mystères, avec plus d'éloquence de sa sainteté que lui.

Son esprit, qui recula les limites de la science, vit aussi plus loin que nul autre dans le cœur de l'homme. Les études qu'il fit ajoutèrent de nouvelles vérités à notre connaissance de nousmêmes. Sa puissante imagination mit admirablement en relief tout un côté de la nature humaine, et le livre, dans lequel on a réuni ses pensées sur ce sujet, abonde en observations admirables de clarté, de justesse et de force.

Doué d'une exquise sensibilité, il n'apporta pas dans la philosophie la froideur d'un esprit systématique. Le raisonnement n'y étouffa jamais l'émotion. Il reste homme même sous la cuirasse du stoïcisme, même sous la haire du pénitent. Il ne jugea pas seulement les passions, il les éprouva. .. L'amour du vrai dévorait Pascal: l'ardeur du bien le brûlait. Ce feu intérieur consuma son corps. Il l'attisa sans chercher à le modérer, à le régler. Ce fut une erreur, et une erreur dont la gravité a été fatale puisqu'elle abrégea ses jours.

Pascal qui possédait tout, vivacité et profondeur d'esprit, exquise sensibilité, reflexion et spontanéité, raisonnement et observation, aptitude à saisir l'idée en métaphysicien et l'image en artiste, n'avait pas ce sage tempérament qui maintient l'équilibre en soi, ce sentiment de sollicitude prudemment égoïste qui eût rendu sa vie moins douloureuse, plus longue, et par conséquent plus utile.

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