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les grands biens, servent pour le premier monde; le mépris de toutes ces choses sert pour le second. Il s'agit de choisir.

La religion est vraie, ou elle est fausse: si elle n'est qu'une vaine fiction, voilà, si l'on veut, soixante années perdues pour l'homme de bien, pour le chartreux ou le solitaire; ils ne courent pas un autre risque: mais si elle est fondée sur la vérité même, c'est alors un épouvantable malheur pour l'homme vicieux; l'idée seule des maux qu'il se prépare me trouble l'imagination; la pensée est trop faible pour les concevoir, et les paroles trop vaines pour les exprimer. Certes, en supposant même dans le monde moins de certitude qu'il ne s'en trouve en effet sur la vérité de la religion, il n'y a point pour l'homme un meilleur parti que la vertu.

Il y a quarante ans que je n'étais point, et qu'il n'était pas en moi de pouvoir jamais être, comme il ne dépend pas de moi, qui suis une fois, de n'être plus; j'ai donc commencé, et je continue d'être par quelque chose qui est hors de moi, qui durera après moi, qui est meilleur et plus puissant que moi; si ce quelque chose n'est pas Dieu, qu'on me dise ce que c'est.

ÉCRIVAINS SECONDAIRES.

A côté ou au-dessous des dix écrivains hors ligne, dont le premier est Descartes et le dernier La Bruyère, il y en eut au XVIIe siècle qui, à un niveau moins élevé, ont brillé d'un vif éclat et acquis une renommée durable.

Quelques-uns d'entre eux ont eu une part de popularité à peine moindre que les plus populaires, et leurs œuvres se recommandent à l'estime, parfois à l'amour et à l'admiration des lecteurs par des qualités éminentes d'originalité et de style.

En premier lieu il faut citer les LETTRES DE Mme. DE SÉVIGNÉ. La plupart sont écrites à sa fille, Mme. de Grignan, presque toutes sont des chefsd'œuvre de style, d'esprit ou de sentiment. Elles font connaître, mieux qu'aucun autre livre de ce temps, et d'une façon délicieuse, la vie, le ton, les manières de la société élégante du XVIIe siècle et de la cour de Louis XIV.

Mme. de Sévigné mérite une place à part parmi les femmes écrivains. Sans aucune prétention d'auteur elle a laissé trotter sa plume en écrivant ses Lettres, et a simplement atteint à la perfection du genre. D'autres noms d'écrivains éveillent l'idée de telle ou telle qualité; quand on dit Mme. de Sévigné on veut dire toutes les grâces de l'esprit, toutes les tendresses du cœur. On ne saurait se passer de lire au moins un recueil choisi

de ses Lettres, pour peu qu'on se pique de savoir ou d'étudier la langue française.

Deux autres dames du grand monde ont ajouté l'illustration littéraire à celle de la naissance et de la fortune, MME. DE LA FAYETTE par ses deux jolis romans de Zaïde et de la princesse de Clèves, et MME. DE MAINTENON par le recueil de ses Lettres, imprimées après sa mort.

MME. DE MOTTEVILLE publia des Mémoires pour servir à l'histoire d'Anne d'Autriche, femme de Louis XIII. Elle a un air d'observatrice honnête et sincère, et l'art de conter avec simplicité et naturel.

LE DUC DE LA ROCHEFOUCAULD, qui occupa par sa naissance une brillante position sociale, occupe une belle position parmi les écrivains moralistes par son livre des Maximes. C'est un livre écrit d'un style ferme, concis et passionné, avec l'amertume d'un grand seigneur égoïste, sans illusion et sans confiance dans la nature humaine.

LE CARDINAL DE RETZ a laissé des Mémoires qui contiennent l'histoire de la Fronde. Il joua lui-même un rôle actif dans les évènements qu'il raconte, avec un certain air de grandeur, dans une langue piquante, impétueuse et originale, comme le fut sa conduite.

L'ABBÉ DE SAINT-RÉAL est un historien remarquable pour sa correction et pour l'intérêt dramatique qu'il sut donner à l'histoire. Son meilleur ouvrage est son Histoire de la Conjuration des Espagnols contre Venise.

Après les grands poëtes du siècle, il y a lieu de citer JEAN-BAPTISTE ROUSSEAU, dont les poésies

lyriques, psaumes, odes et cantates, se recommandent par l'élévation des sentiments et l'harmonie soutenue des vers; REGNARD, qui sut se faire applaudir, après Molière, par de spirituelles comédies, telles que le Joueur et le Légataire universel; MME. DESHOULIÈRES à laquelle ses Idylles, aux douces émotions et d'une facture charmante, assurent un rang honorable dans la poésie pastorale.

Les sermons de BOURDALOUE et les sermons de MASSILLON sont, avec les oraisons funèbres de Bossuet, les plus belles productions de l'éloquence religieuse au XVIIe siècle. Chez Bourdaloue cette éloquence est austère, puissante, intellectuelle ; chez Massillon elle est suave, harmonieuse, pathétique. Le plus grand succès de ce dernier est le Petit Carême, série de sermons prêchés devant Louis XV, âgé de neuf ans.

Port-Royal, dont la robuste influence se fit sentir sur l'éducation de la jeunesse en général, et sur deux des plus grands classiques français en particulier, produisit aussi quelques écrivains distingués. Les plus connus sont ARNAUD et NICOLE.

Arnaud était un travailleur infatigable. Son impétueuse activité l'empêcha de donner à ses œuvres le soin qu'il aurait fallu. Il en produisit un nombre considérable. La plus importante est sa Logique ou l'Art de penser, livre vraiment classique, et un des plus utiles qu'il y ait pour le perfectionnement de la raison.

Nicole est un écrivain qui n'eut d'autre mobile que l'amour du prochain. Il écrivit des Essais de morale et un Traité des moyens de conserver la paix avec les hommes. Ne lui demandez point

d'efforts d'art ou d'imagination, point d'éloquence, si ce n'est celle d'une honnête conviction. Il est simple et clair, insinuant sans artifice, tendre avec bon sens, et toujours dans les bornes d'une aimable et saine philosophie.

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