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bien M. Trissotin a de talent et de mérite, mais ce n'est pas toujours cela qui décide de la conquête d'un cœur.]

Cette amoureuse ardeur qui dans les cœurs s'excite
N'est point, comme l'on sait, un effet du mérite;
Le caprice y prend part, et, quand quelqu'un nous
plaît,

Souvent nous avons peine à dire pourquoi c'est.
Si l'on aimait, monsieur, par choix et par sagesse,
Vous auriez tout mon cœur et toute ma tendresse,
Mais on voit que l'amour se gouverne autrement.
[Elle aime Clitandre, et quand une femme aime,]

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On risque un peu plus qu'on ne pense,

A vouloir sur son cœur user de violence.

[Le téméraire pourrait avoir à s'en repentir. Trissotin est sans appréhension là-dessus; il trouvera peut-être l'art de se faire aimer. D'ailleurs quels que soient les accidents]

A tous événements le sage est préparé.

[Au moment où il sort Chrysale entre, bien décidé, dit-il à Henriette, à ne pas céder à sa femme]. Et pour la mieux braver voilà, malgré ses dents, Martine que j'amène et rétablis céans.

[Henriette l'encourage dans ses résolutions et le supplie de ne pas en changer, d'être ferme. Philaminte arrive avec le notaire. Elle est peu agréablement surprise de revoir Martine. Sur la demande de Chrysale on procède au contrat. Mais il y a tout de suite complication, qui empêche de passer outre. Deux époux sont présents, Trissotin et Clitandre, l'un du choix de Philaminte, l'autre de celui de Chrysale. Martine, dont la langue n'est pas rouillée, vient au secours de son maître. Malgré cela la victoire allait rester à Philaminte, Chrysale allait céder, quand arrive Ariste avec deux fâcheuses

nouvelles pour Chrysale et Philaminte, perte d'un grand procès, et perte de leurs fonds placés entre les mains de deux individus qui viennent de faire banqueroute.

Philaminte supporte le coup en philosophe.]

Il n'est pour le vrai sage aucun revers funeste,
Et perdant toute chose à soi même il se reste.

[Mais ce coup ébranle fort les velléités matrimoniales de Trissotin. Il demande qu'on ne presse pas cette affaire, et, réflexion faite, il renonce à un cœur qui ne veut pas de lui.

Ce langage ouvre les yeux de Philaminte, qui ne s'oppose plus au mariage d'Henriette avec Clitandre. Mais celle-ci a des scrupules de délicatesse; ses parents viennent de perdre toute leur fortune, sa position n'est plus la même vis-à-vis de Clitandre, et elle aime mieux renoncer à lui que de le mettre de compte à demi dans leurs adversités.]

Si ce n'est que cela, dit Ariste,

Laissez vous donc lier par des chaînes si belles.
Je ne vous ai porté que de fausses nouvelles,
Et c'est un stratagème, un surprenant secours
Que j'ai voulu tenter pour servir vos amours,
Pour détromper ma sœur, et lui faire connaître
Ce que son philosophe à l'essai pouvait être.

[Après cela il ne reste plus qu'à faire le contrat de mariage. Chrysale, pour le coup pouvant parler en maître, en donne l'ordre au notaire que Philaminte avait amené à l'intention de Trissotin.]

VERS SENTENCIEUX ET POPULAIRES DE MOLIÈRE,

A force de sagesse on peut être blâmable.

La parfaite raison fuit toute extrémité.

La raison n'est pas ce qui règle l'amour.

Plus on aime quelqu'un, moins il faut qu'on le flatte.

Un amant, dont l'ardeur est extrême, Aime jusqu'aux défauts des personnes qu'il aime.

On peut, je crois, louer et blâmer tout, Et chacun a raison suivant l'âge ou le goût.

Jamais par la force on n'entra dans un cœur.

La solitude effraie une âme de vingt ans. (Le Misanthrope.)

Contre la médisance il n'est point de rempart.

Ceux de qui la conduite offre le plus à rire
Sont toujours sur autrui les premiers à médire.

Ah! vous êtes dévot, et vous vous emportez!

En attrapant du temps à tout on remédie.

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On n'exécute pas tout ce qu'on se propose,
Et le chemin est long du projet à la chose.

L'amour-propre engage à se tromper soi-même.

La vertu dans le monde est toujours poursuivie. Les envieux mourront, mais non jamais l'envie. (Tartufe.)

Il est riche en vertus, cela vaut des trésors.

Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage.

Il n'est pas bien honnête, et pour beaucoup de

causes,

Qu'une femme étudie et sache tant de choses.

Nul n'aura de l'esprit hors nous et nos amis.

Un sot savant est sot plus qu'un sot ignorant. Les femmes savantes.

Les bêtes ne sont pas si bêtes que l'on pense.

(Amphritryon-Prologue.)

LA FONTAINE.

Né à Château-Thierry en 1621, mort en 1695.

Des grands écrivains du XVIIe siècle il n'en est point de plus populaire que La Fontaine. Ses FABLES se trouvent en plus de mains qu'aucun autre livre. Il y en a pour tous les goûts, pour tous les âges, et toutes les conditions. Dans la jeunesse on les apprend comme exercices de mémoire, on les lit comme modèles de style; dans un âge plus avancé on les relit avee un esprit capable d'en mieux saisir le sens et goûter les beautés; dans la vieillesse on y revient chercher, sinon des conseils tardifs, du moins le plaisir d'une triste revue ou d'une confirmation délicieuse des diverses expériences de la vie.

L'auteur y déploie un des talents les plus souples, les plus variés, les plus riches qu'il y ait. Ce talent ne s'affirma qu'assez tard. Il avait plus de quarante ans. Il s'était déjà exercé dans différents genres de poésie. Son Elégie aux nymphes de Vaux est un chef-d'œuvre de sentiment et de style. Il la composa à l'occasion de la chute du surintendant Fouquet, son protecteur et ami. Il s'était aussi

*

*Fouquet, surintendant des finances, n'administra ni avec habileté ni avec économie. Ses ennemis en profitèrent pour

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