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BARBIER'S CLASS BOOK OF

FRENCH POETRY FOR THE YOUNG.

1.

LA JEUNE CAPTIVE.

L'épi naissant mûrit de la faux respecté ;
Sans crainte du pressoir, le pampre tout l'été
Boit les doux présents de l'aurore ;

Et moi, comme lui belle, et jeune comme lui,
Quoique l'heure présente ait de trouble et d'ennui,
Je ne veux point mourir encore.

Qu'un stoïque aux yeux secs vole embrasser la mort;
Moi, je pleure, et j'espère: au noir souffle du nord
Je plie et relève la tête.

S'il est des jours amers, il en est de si doux!
Hélas! quel miel jamais n'a laissé de dégoûts?
Quelle mer n'a point de tempête ?

L'illusion féconde habite dans mon sein,
D'une prison sur moi les murs pèsent en vain ;
J'ai les ailes de l'espérance.

Echappée aux réseaux de l'oiseleur cruel,
Plus vive, plus heureuse, aux campagnes du ciel
Philomèle chante et s'élance.

B

Est-ce à moi de mourir? Tranquille je m'endors, Et tranquille je veille; et ma veille aux remords, Ni mon sommeil ne sont en proie.

Ma bienvenue au jour me rit dans tous les yeux;
Sur des fronts abattus mon aspect en ces lieux,
Ranime presque de la joie.

Mon beau voyage encore est si loin de sa fin!
Je pars, et des ormeaux qui bordent le chemin
J'ai passé les premiers à peine.

Au banquet de la vie à peine commencé,
Un instant seulement mes lèvres ont pressé
La coupe en mes mains encore pleine.

Je ne suis qu'au printemps, je veux voir la moisson;
Et, comme le soleil, de saison en saison,
Je veux achever mon année.

Brillante sur ma tige, et l'honneur du jardin,
Je n'ai vu luire encore que les feux du matin ;
Je veux achever ma journée.

O mort! tu peux attendre: éloigne, éloigne-toi;
Va consoler les cœurs que la honte, l'effroi,
Le pâle désespoir dévore.

Pour moi Palès encore a des asiles verts;
Le monde, des plaisirs; les muses, des concerts,
Je ne veux pas mourir encore.

Ainsi, triste et captif, ma lyre toutefois
S'éveillait, écoutant ces plaintes, cette voix,
Ces vœux d'une jeune captive;

Et secouant le joug de mes jours languissants,
Aux douces lois des vers je pliais les accents

De sa bouche aimable et naïve.

ANDRÉ CHENIER.

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