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Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour, à longs flots, nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?

Eh quoi! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace?
Quoi! passés pourjamais? quoi! tout entiers perdus?
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus ?

O lac rochers muets! grottes ! forêt obscure, Vous que le temps épargne, ou qu'il peut rajeunir Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,

Au moins le souvenir.

Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux!

Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés!

Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire;
Que les parfums légers de ton air embaumé;
Que tout ce qu'on entend, l'on voit et l'on respire,
Tout dise: ils ont aimé.

LAMARTINE.

63.

CONSOLATION.

Ta douleur, du Perrier, sera donc éternelle ?
Et les tristes discours,

Que te met en l'esprit l'amitié paternelle,
L'augmenteront toujours ?

Le malheur de ta fille au tombeau descendue
Par un commun trépas,

Est-ce quelque dédale où ta raison perdue
Ne se retrouve pas ?

Je sais de quels appas son enfance était pleine;
Et n'ai pas entrepris,

Injurieux ami, de soulager ta peine

Avecque son mépris.

Mais elle était du monde, où les plus belles choses

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Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses,

L'espace d'un matin.

La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ;
On a beau la prier;

La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles,

Et nous laisse crier.

Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,
Est sujet à ses lois s;

Et la garde qui veille aux barrières du Louvre,
N'en défend point nos rois.

De murmurer contre elle et de perdre patience,

Il est mal à propos;

Vouloir ce que

Dieu veut est la seule science

Qui nous met en repos.

MALHERBE.

64.

CONSOLATIONS DANS LES DISGRACES.
N'espérons plus, mon âme, aux promesses du monde,
Sa lumière est un verre, et sa faveur une onde
Que toujours quelque vent empêche de calmer:
Quittons ces vanités; lassons-nous de les suivre...
C'est Dieu qui nous fait vivre,
C'est Dieu qu'il faut aimer.

En vain, pour satisfaire à nos lâches envies,
Nous passons près des rois tout le temps de nos vies
A souffrir des mépris et ployer les genoux;

Ce qu'ils peuvent n'est rien; ils sont ce que nous sommes :
Véritablement hommes,

Et meurent comme nous.

Ont-ils rendu l'esprit; ce n'est plus que poussière
Que cette majesté si pompeuse et si fière,

Dont l'éclat orgueilleux étonnait l'univers;

Et dans ces grands tombeaux, où leurs âmes hautaines Font encore les vaines,

Ils sont mangés des vers.

Là se perdent ces noms de maîtres de la terre,
D'arbitres de la paix, de foudres de la guerre ;

Comme ils n'ont plus de sceptre, ils n'ont plus de flatteurs

Sous ceux que la fortune

Faisait leurs serviteurs.

LE MÊME.

65.

LES CIEUX INSTRUISANT LA TERRE.

Les cieux instruisent la terre
A révérer leur Auteur;

Tout ce que leur globe enserre
Célèbre un Dieu créateur.
Quel plus sublime cantique
Que ce concert magnifique
De tous les célestes corps!
Quelle grandeur infinie!
Quelle divine harmonie
Résulte de leurs accords !

De sa puissance immortelle
Tout parle, tout nous instruit ;
Le jour au jour la révèle,

La nuit l'annonce à la nuit.

Ce grand et superbe ouvrage

N'est point pour l'homme un langage
Obscur et mystérieux;

Son admirable structure

Est la voix de la nature,

Qui se fait entendre aux yeux.

Dans une éclatante voûte,
Il a placé, de ses mains,
Le soleil qui, dans sa route,
Éclaire tous les humains.
Environné de lumière,

Cet astre ouvre sa carrière

Comme un époux glorieux
Qui, dès l'aube matinale,
De sa couche nuptiale,
Sort brillant et radieux.

L'univers, à sa présence,
Semble sortir du néant;
Il prend sa course, il s'avance
Comme un superbe géant.
Bientôt sa marche féconde
Embrasse le tour du monde
Dans le cercle qu'il décrit ;
Et, par sa chaleur puissante,
La nature languissante
Se ranime et se nourrit.

O! que tes œuvres sont belles,
Grand Dieu! Quels sont tes bienfaits!
Que ceux qui te sont fidèles,
Sous ton joug trouvent d'attraits!
Ta crainte inspire la joie ;

Elle assure notre voie;
Elle nous rend triomphants;
Elle éclaire la jeunesse,
Et fait briller la sagesse
Dans les plus faibles enfants.

J. B. ROUSSEAU.

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