"J'ai vu les déserts, J'ai passé les mers; J'ai tout vu dans l'air, Excepté l'hiver."
"Moi, je n'ai rien vu," Dis-je à l'hirondelle, "Moi, je n'ai rien vu, Pauvre et dépourvu, Je suis un enfant Encore ignorant; Mais je veux un jour
Savoir à mon tour."
Tiens regarde, petit frère, Ce que j'apporte à ma mère :
C'est de l'or! n'y touche pas !
Vois, mes deux mains en sont pleines !
C'est que pendant deux semaines,
J'ai bien fatigué mes bras.
C'est qu'à présent j'ai la taille Où chez le pauvre on travaille, Où l'on occupe son temps: Le jeu n'est plus de mon âge; Je suis un homme à l'ouvrage, Depuis un mois j'ai sept ans.
Avant que le jour paraisse, On me dit: " Point de paresse, Bien vite il faut t'éveiller." Moi, je m'éveille sur l'heure, Et puis jamais je ne pleure Pour m'en aller travailler.
A l'heure où tu dors encore, Moi qui vois venir l'aurore, Après un bien long chemin, A l'atelier je dois être, Ou la férule du maître Me ferait saigner la main.
Au métier où l'on m'attache, Tous les matins j'ai ma tâche ; Pour ne point m'en détourner, Tant que n'est point achevée Cette première corvée, Le maître me fait jeûner.
C'est ainsi que de l'année Je passe chaque journée, Et quelquefois aussi, moi, Je regrette, petit frère, Le temps où, près de ma mère, Je me jouais avec toi.
Mais aussi, lorsque je pense Au jour qui me récompense; Quand ce jour que j'aime à voir Reparaît chaque quinzaine, Je dis, oubliant ma peine, Je serai riche ce soir.
Tiens, regarde, petit frère, Ce que j'apporte à ma mère: C'est de l'or! n'y touche pas ! Vois, mes deux mains en sont pleines! C'est que pendant deux semaines J'ai bien fatigué mes bras.
Avec autant de richesse, Pour nous la pauvreté cesse ; Tu ne feras plus semblant De manger un mets trop fade; Le jeûne te rend malade; Pour toi j'aurai du pain blanc. Je veux que ma sœur Estelle Aux jours de fête soit belle Comme la fille d'un roi;
Je veux qu'elle ait, le dimanche, Beau bonnet et robe blanche, Pour promener avec moi.
Je veux avant toute chose, Que ma mère se repose; Dès ce soir je lui dirai: "Ne vas plus à la journée, En repos toute l'année Mère, je te nourrirai."
Tiens, regarde, petit frère, Ce que j'apporte à ma mère : C'est de l'or; n'y touche pas;
Vois, mes deux mains en sont pleines! C'est que pendant deux semaines
J'ai bien fatigué mes bras.
Combien j'ai douce souvenance Du joli lieu de ma naissance!
Ma sœur, qu'ils étaient beaux ces jours De France!
O mon pays, sois mes amours Toujours.
Te souvient-il que notre mère, Au foyer de notre chaumière Nous pressait sur son sein joyeux, Ma chère?
Et nous baisions ses blonds cheveux Tous deux.
Ma soeur, te souvient-il encore Du château que baignait la Dore, Et de cette tant vieille tour
Où l'airain sonnait le retour
Te souvient-il du lac tranquille Qu'effleurait l'hirondelle agile, Du vent qui courbait le roseau Mobile,
Et du soleil couchant sur l'eau Si beau ?
Te souvient-il de cette amie, Douce compagne de ma vie? Dans le bois, en cueillant la fleur Jolie,
Hélène appuyait sur mon cœur Son cœur.
Oh! qui me rendra mon Hélène, Et ma montagne et le grand chêne? Leur souvenir fait tous les jours
Un tout petit enfant s'en allait à l'école. On avait dit: Allez ! il tâchait d'obéir; Mais son livre était lourd; il ne pouvait courir : Il pleure et suit des yeux une abeille qui vole. "Abeille! lui dit il, voulez-vous me parler? Moi, je vais à l'école, il faut apprendre à lire. Mais le maître est tout noir, et je n'ose pas rire Voulez-vous rire, abeille, et m'apprendre à voler ?" "Non, dit-elle, j'arrive, et je suis très-pressée. J'avais froid, l'aquilon m'a longtemps oppressée. Enfin j'ai vu les fleurs; je redescends du ciel, Et je vais commencer mon doux rayon de miel. Voyez! j'en ai déjà puisé dans quatre roses: Avant une heure encore nous en aurons d'écloses.
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