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JUIN

36e Semaine.

179.

CONNAISSANCES USUELLES

Les forces de la Nature.

Destruction de Saint-Pierre

de la Martinique (8 mai 1902).

Cette ville se trouvait sur le bord de la mer, à deux lieues au sud d'un volcan portant le nom significatif de montagne Pelée, mais dont le feu du cratère* semblait éteint depuis cinquante ans.

Or, dans la nuit du 3 au 4 mai, les premières secousses du sol se firent sentir et les premières éruptions* se produisirent sous forme de légères pluies de cendres couvrant la campagne et les récoltes. Puis, tout se calma et l'on crut à l'une de ces alertes si fréquentes dans les pays volcaniques. Cependant, le 5, on signalait la destruction d'une agence de commerce située un peu au nord de la ville; cent cinquante personnes avaient péri. Le 6, un torrent de boue brûlante descendait le flanc de la montagne. Le 7, des dépêches annonçaient des secousses dans les îles voisines. Le volcan de la Dominique était en activité; la montagne Pelée grondait toujours et s'illuminait de lueurs.

La nuit du 7 au 8 se passa sans incident; des câblogrammes, venus de Saint-Pierre le 8, entre 6 et 7 heures du matin, dépeignaient la situation comme stationnaire.

A 7 h. 50, d'après l'horloge de l'hôpital, arrêtée à ce moment, une trombe formidable de gaz combustible se précipita sur la ville avec une violence inouïe. En moins d'une minute, la florissante cité n'était plus qu'un amas de ruines en flammes; trente mille personnes, soit toute la population de Saint-Pierre et des environs, avaient péri par l'asphyxie par le feu. Beaucoup de ces malheureux furent retrouvés la langue noire, épaisse, pendante, comme après un suprême et inutile effort pour respirer; d'autres avaient conservé des positions naturelles et leurs vêtements n'étaient point endommagés pour ceux-là, la mort avait été soudaine.

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Les vaisseaux en rade furent chavirés et incendiés, tous leurs mâts furent cassés au ras des ponts. Un capitaine en second, qui eut la chance de voir venir la trombe, et la présence d'esprit de plonger aussitôt, resta sous l'eau aussi longtemps qu'il put, moins de trois minutes à coup sûr, et, en remontant, vit Saint-Pierre détruit et les navires en feu.

A 8 h. 5, c'est-à-dire au même instant, on vit de Fort-deFrance (ville située à 25 kilomètres environ vers le sud-est de la montagne Pelée) une énorme poussée de nuages blanchâtres, roulant en volutes* gigantesques, qui passèrent sur Saint-Pierre. Simultanément, les lignes télégraphiques et téléphoniques reliant la ville à Saint-Pierre étaient rompues, le baromètre baissait brusquement, et la mer, après s'être retirée à quelque distance, se précipitait de nouveau sur le rivage en une énorme vague. Les nuages obscurcirent tout le ciel, et une pluie de terre durcie mêlée de pierres commença de tomber, suivie bientôt d'une pluie de cendres qui dura jusque vers 11 heures.

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Le bateau Girard, qui avait quitté le chef-lieu à 9 h. 1/4, après le raz de marée pour se rendre à Saint-Pierre, continua sa route jusqu'à mi-chemin; mais, arrêté par la pierre et la cendre qui tombaient en abondance, il dut rentrer à Fort-de-France.

Il repartit vers 10 heures; ayant dépassé la pointe du Carbet, l'équipage fut témoin d'un spectacle terrifiant: au pied du volcan, entouré d'un nuage opaque de fumées et de cendres, le littoral était en feu; les arbres et les habitations isolées de la campagne brûlaient également. Une douzaine de bateaux, sur rade de Saint-Pierre, flambaient encore à l'ancre. Le rivage paraissait désert; sur la mer rien ne surnageait que des épaves. La chaleur rayonnée par cet immense brasier empêcha le bateau d'avancer, et il rentra à Fort-de-France à une heure de l'après-midi, rapportant la sinistre nouvelle. Un autre bâtiment, le Suchet, parti de Fort-de-France,

DESTRUCTION DE SAINT-PIERRE DE LA MARTINIQUE.

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après la pluie de pierres, mais sans avoir une connaissance. exacte de la catastrophe, put à peine sauver de la fournaise quelques survivants, tous plus ou moins brûlés, et, au retour, recueillit les blessés du Carbet.

Un témoin, arrivé sur le lieu du sinistre le 9 mai, à 6 h. 1/2 du matin, trouva la ville complètement anéantie : on voyait encore de-ci de-là des ruines fumantes; une des tours de la cathédrale et quelques pans de murs restaient seuls debout. La rade était couverte de débris et d'épaves; sur les vingt-deux navires qui s'y trouvaient, il y en avait encore quelques-uns qui finissaient de brûler. Aussi loin que la vue pouvait s'étendre, tout était couvert d'une cendre grise. On respirait un air lourd, sentant le soufre, et surchargé de poussières grises, noirâtres, qui donnaient une soif ardente. Les flancs de la montagne n'étaient qu'une vaste surface grise lisse, tous les creux du sol ayant été comblés, et, par la rivière Blanche, coulait encore de la lave ou boue brûlante qui, au moment où elle entrait dans la mer, avait l'air de transformer l'eau en vapeur...

RÉMON. Manuel Général de l'Instruction Primaire. [Hachette et Ci, édit.]

Mots expliqués.

Cratère Ouverture du volcan par laquelle sort la lave.
Éruption Moment où le volcan lance de la lave et du feu.

Volutes Figures formées par la fumée s'élevant dans l'air en spirales.

:

Raz de marée Soulèvement formidable des eaux de la mer attribué à des volcans sous-marins.

Questions et Analyse des idées.

1. Où se trouvait Saint-Pierre de la Martinique? les signes précurseurs annonçant la catastrophe? catastrophe telle qu'elle est décrite dans la lecture?

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3. Racontez la

4. En combien

de temps la ville fut-elle détruite? 5. Connaissez-vous d'autres catastrophes semblables?

6. Faites-en le récit.

Devoir (Élocution et Rédaction).

Faites le récit de la catastrophe qui détruisit la ville de Saint-Pierre de la Martinique.

JUIN

36e Semaine.

180.

CONNAISSANCES. USUELLES L'homme et les forces naturelles.

Les forces de la Nature au service de l'homme.

Si les forces de la nature sont redoutables pour l'homme, il apprend à les asservir; cette lutte où l'intelligence triomphe, a pour résultats le progrès et le bien de tous.

L'homme est, par lui-même, un des êtres les plus faibles de la nature; mais, grâce à son intelligence, il a su mettre à son profit la force des animaux aujourd'hui domestiqués, et la force, bien plus grande encore, de ce qu'on appelait autrefois les éléments de l'eau, du feu, du vent.

:

Il va même chercher sous terre le combustible* qui fait marcher ses machines: la houille, ce pain de l'industrie; le pétrole, appliqué d'hier seulement aux automobiles et aux canots rapides. Mais, dit-on parfois, la houille, le pétrole ne viendront-ils pas à manquer? Quel désastre alors!

Rassurons-nous. Il y a de la houille et du pétrole pour longtemps encore. Chaque année on en ramène davantage à la surface du sol. Et manqueraient-ils, que l'art de nos inventeurs saurait les remplacer.

Le vent a été l'un de nos premiers serviteurs, et, dès la haute antiquité, il a fait tourner les moulins. Il nous a donné la farine nourrissante; il a aidé les Hollandais, à dessécher leurs marais, à conquérir leur pays sur la mer. Il peut faire bien plus encore si on l'utilise mieux. Aux quatre lourdes ailes du moulin d'autrefois, on a substitué des ailettes légères en grand nombre, et le moulin à vent devient un des plus précieux auxiliaires du jardinage, de l'agriculture, pour puiser de l'eau, arroser les terres arides, abreuver les animaux, actionner les machines à battre, les scieries.

Un des plus utiles et des plus dociles collaborateurs de l'homme a toujours été le cours d'eau. Partout où il y avait une chute, soit naturelle, soit artificielle, on a placé une roue. Mais on laissait perdre la plus grande partie de la force. Tout

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