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LES PLAISIRS DE LA PROMENADE.

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voyageaient dans de bonnes voitures bien douces, rêveurs, tristes, grondants ou souffrants, et les piétons toujours gais et contents de tout. Combien le cœur rit quand on approche du gîte! Combien un repas grossier paraît savoureux! avec quel plaisir on se repose à table! quel bon sommeil on fait dans un mauvais lit! Quand on ne veut qu'arriver, on peut courir en chaise de poste, mais quand on veut voyager, il faut aller à pied.

J.-J. ROUSSEAU, Émile ou de l'Éducation, livre V.

On s'appartient, on est libre, on est joyeux; on est tout entier et sans partage aux accidents de la route, à la ferme où l'on déjeune, à l'arbre où l'on s'abrite. On part, on s'arrête, on repart, rien ne gêne, rien ne retient. On va et on rêve devant soi. La marche berce la rêverie, la rêverie évite la fatigue. La beauté du paysage cache la longueur du chemin. Bien des fois, assis à l'ombre, au bord d'une grande route, à côté d'une petite source vive d'où sortaient, l'eau, la joie, la vie, la fraîcheur, sous un orme plein d'oiseaux, près d'un champ plein de faneuses, reposé, heureux, doucement occupé de mille songes, j'ai regardé avec compassion passer devant moi la diligence.

Mots expliqués.

VICTOR HUGO.

A son moment: Au moment que l'on a choisi.
Point de vue Endroit d'où l'on a une vue intéressante.
Daubenton Célèbre naturaliste de cette époque.

Questions et Analyse des idées.

avec

2. Pour4. Le

1. Quelle manière de voyager préfère J.-J. Rousseau ? quoi? 3. En voyageant à pied, que trouve l'agriculteur? naturaliste? 6. Quel avantage ont les voyages

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5. Le philosophe?

à pied sur la santé, sur la bonne humeur? - 7. Quels avantages de la marche célèbre Victor Hugo?

8. En connaissez-vous d'autres ?

Devoirs (Élocution et Rédaction).

1. Racontez la dernière promenade scolaire.

2. Quelles sont les différentes façons de voyager aujourd'hui? Caractérisez en quelques mots chacune d'elles?

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La cigale ayant chanté
Tout l'été,

Se trouva fort dépourvue*
Quand la bise fut venue.
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau*.
Elle alla crier famine

Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.

Je vous paierai, lui dit-elle.
Avant l'oût, foi d'animal,
Intérêt et principal.

La fourmi n'est pas prêteuse :

C'est là son moindre défaut.

Que faisiez-vous au temps chaud?

Dit-elle à cette emprunteuse.

Nuit et jour, à tout venant,

Je chantais, ne vous déplaise.

- Vous chantiez, j'en suis fort aise.
Eh bien, dansez maintenant.

LA FONTAINE.

LA CIGALE ET LA FOURMI.

Réhabilitation de la fourmi.

Le ciel obscurci, la bise venue,

La cigale, ayant chanté tout l'été,
Alla demander quelque charité

Chez une fourmi qu'elle avait connue.

« J'ai grand faim, dit-elle, et me voilà nue...,»
La fourmi n'est pas ce qu'on a conté*,
Et quoique vivant de paille menue,
Elle a dans le cœur beaucoup de bonté.

<< Mangez, lui dit-elle, ouvrez mon armoire.
Je m'ennuie un peu sous la terre noire,
Dans ces trous obscurs où je vis sans feu.

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<< Mangez et chantez, aimable personne !
Vos chants me feront revoir le ciel bleu,'
Et me rendront plus que je ne vous donne ! »

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AUTRAN. Sonnets capricieux, VI; Histoires et Contes, XIV [Calmann-Lévy, édit.]

Mots expliqués.

Dépourvue Privée des choses nécessaires, et en particulier de nourriture.

Vermisseau : Petit ver.

Avant l'oût Avant le mois d'août.

Ce qu'on a conté Comme on l'a dépeinte dans les récits.

Ciel bleu La cigale vit dans le Midi où le ciel est presque toujours bleu.

Questions et Analyse des idées.

1. Résumez la fable de La Fontaine. 2. Résumez la fable de Autran. 3. Dites ce que vous savez des cigales. 4. Dites ce que

vous savez des fourmis.

- 5. En quoi consiste l'égoïsme de la Fourmi de La Fontaine? - 6. Quel contraste présente avec celle-ci la Fourmi d'Autran? 7. La Fourmi d'Autran donne-t-elle sans rien recevoir? 8. Que gagne-t-on à faire du bien? 9. N'avons-nous pas des devoirs envers les déshérités, devoirs résultant de ce que la société même nous procure?

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Devoir (Élocution et Rédaction).

Résumez et comparez ces deux fables. Faites quelques réflexions personnelles.

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Je parcourais à pied, un jour d'été, la grande route de Paris à Lyon, et je m'assis pour me reposer à l'ombre d'un arbre; je m'endormis; je crus voir en songe la route qui prenait figure humaine et qui me parlait.

«O voyageur, disait-elle, paisiblement tu dors, protégé contre un soleil brûlant. J'aurais voulu' te voir à la même place il y a deux mille ans. Je n'étais alors qu'un mauvais sentier au milieu de la forêt.

Et comment es-tu devenue grande route?

Je vais te l'apprendre, répondit-elle. Un jour, des hommes, la figure rasée, l'air réfléchi, vinrent ici avec des haches et des instruments de toute sorte; ils restèrent longtemps à examiner, à prendre des mesures, à abattre quelques arbres; puis il en vint d'autres; les arbres tombèrent sur toute la largeur que tu vois d'un fossé à l'autre. Ils brûlèrent et arrachèrent les troncs. Ils creusèrent le sol en ligne droite. Ils remplirent cet immense fossé avec des cailloux et du sable, et par-dessus ils placèrent avec beaucoup de soin des pavés carrés, de belles dalles de pierres régulières.

« Je pus alors supporter sans aucune fatigue les chariots les plus lourds. J'étais fière de ma force. On me soignait bien; si un pavé s'enfonçait, vite on accourait le remettre en place. Et qui étaient ces hommes si habiles?

- C'étaient les Romains.

«Pendant plusieurs siècles ils furent les maîtres de la Gaule; je vis passer leurs armées, leurs gouverneurs, leurs marchands. Mais ils furent chassés par des barbares parlant une langue rude qui me négligèrent complètement. L'herbe poussa entre mes pavés, mes ponts tombèrent en ruines, les pluies d'orages ravinèrent ma chaussée; les voitures ne pouvaient plus passer, et j'étais bien triste.

HISTOIRE D'UNE ROUTE.

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<< Enfin on recommença à s'occuper de moi; on bouchal quelques trous, on refit maladroitement les ponts.

« Je voyais arriver tout à coup d'un galop rapide un cavalier qui portait une sacoche dans laquelle, paraît-il, de précieuses lettres étaient enfermées : c'était la poste de Louis XI.

<< Le cavalier passa plus tard à l'ombre des arbres, que Sully, ministre de Henri IV, avait fait planter et dont quelques-uns existent encore, vénérables de vieillesse et souvent frappés par la foudre.

Que sont devenus tes pavés?

- Disparus; usés par les siècles; emportés par les paysans pour leurs constructions. Un Anglais, Mac Adam imagina de casser les pierres en petits morceaux, de les mélanger avec du sable mouillé, de les presser fortement pour obtenir cette surface égale et douce sur laquelle roulent si bien les voitures.

<< Napoléon fit construire plus tard de magnifiques routes militaires dans les montagnes; puis on plaça les bornes kilométriques, les poteaux indicateurs, les poteaux sur lesquels on pose les fils télégraphiques ou téléphoniques. Le progrès est très rapide. Je vois chaque jour des voitures de plus en plus parfaites, de légères bicyclettes >>....

Juste à ce moment je fus moi-même réveillé par un coup de trompe qui me fit sursauter. Je me frottai les yeux et continuai mon chemin pendant qu'un nuage de poussière me cachait une automobile filant à toute vitesse devant moi.

Questions et Analyse des idées.

1. Qui raconte cette histoire? - 2. Comment étaient les routes en Gaule, il y a 2000 ans? 3. Avec quoi les Romains construisirent-ils leurs routes? 4. Que devinrent-elles plus tard? 5. Que firent Henri IV et Sully pour les routes? 6. Comment s'y prend-on aujourd'hui pour les établir?-7. Quelles espèces de routes connaissez-vous? Devoir (Élocution et Rédaction).

Dites sommairement ce que les divers peuples qui ont vécu en France ont fait pour les routes.

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