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Nous fimes notre toilette de houilleurs. Nous ôtâmes tous nos vêtements, et nous prîmes le costume du lieu :-pantalon et veste de sarrau* bleu, serrés par une ceinture en cuir, un

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blé, je sautai dans le panier et me barbouillai les mains de houille détrempée.

Quand le panier fut plein, un coup de sonnette avertit le mécanicien de lâcher la machine. Nous commençâmes à descendre. Nos chandelles éclairaient de leur pâle lumière ce trou noir, suintant, humide, dont les parois sont tantôt de roc taillé à vif, tantôt de couches de houille. La descente était douce et d'une rapidité égale. Aux trois quarts du chemin, je passai la tête hors du panier, et je regardai en bas : une lumière faible brillait, et un murmure de voix montait jusqu'à nous. Peu à peu, la lumière augmenta et le bruit avec elle. Nous approchions du fond. Le panier se posa doucement sur des débris de houille, et nous fùmes reçus en sortant par quatre ou cinq ouvriers, tout noirs, les mains et le visage charbonnés, les guenilles détrempées d'eau noirâtre, avec des yeux brillants.

DESCENTE DANS UNE HOUILLÈRE.

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Guidés par le maître ouvrier, nous entrâmes dans les galeries de la houillère. Des piliers en bois, placés de chaque côté, soutiennent la voûte, d'où dégoutte une pluie tiède qui entretient une boue éternelle. Deux ornières reçoivent tout ce qui a assez de pente pour couler. Sur les rebords, à droite et à gauche, sont des rails en fer pour les chariots qui reviennent, pleins de houille, du fond des galeries, ou qui y retournent à vide.

On nous fit quitter les chandelles pour des lampes Davy, et nous nous enfonçàmes dans une galerie de travailleurs. Nous les aperçûmes bientôt couchés sur le côté, tout de leur long. D'une main ils tiennent la lampe, dont la faible lueur n'éclaire pas à un pied autour d'elle; de l'autre, ils enfoncent sous la houille une lame de fer de quelques lignes d'épaisseur. Quand, après de longs efforts, ils ont séparé le bloc de sa base, ils l'ébranlent, le tirent à eux, le poussent à quelques pas pour déblayer la place, et recommencent l'extraction.

Je suffoquais, moitié d'émotion, moitié de chaleur. Après deux heures passées dans la houillère, fatigué, la tête pleine, le cœur ému, je parlai de remonter. Un coup de sonnette mit à nos pieds le panier qui devait nous rendre à la lumière. Nous remontâmes aussi vite que nous étions descendus. D. NISARD. (Écrivain contemporain, 1806-1888.) Souvenirs de voyage. [Calmann-Lévy, édit.]

Mots expliqués.

Veste de sarrau En étoffe grossière et résistante.

Suffoquer: Perdre la respiration.

Questions et Analyse des idées.

1. Qu'est-ce qu'une houillère?

2. Comment s'habille-t-on pour descendre dans une mine? 3. Pourquoi? - 4. Décrivez la descente,

la mine elle-même, le travail qui s'y fait. visiteur, et de sa joie à revoir le jour.

1

5. Parlez de l'émotion du 6. Cherchez une conclusion.

Devoirs (Élocution et Rédaction).

1. Résumez la lecture.
2. Principaux usages de la houille.

JUIN

34e semaine.

170.

CONNAISSANCES USUELLES

L'industrie contemporaine.

Progrès dus à la vapeur.

Un écrivain de 1850, qui signe Narratius, c'est-à-dire Narrateur, fait un récit amusant des voyages à la fin du xvIII° siècle. Comparons avec ce qu'ils sont aujourd'hui pour avoir une idée du progrès accompli.

« Un voyage à Paris, il y a cinquante ans (par conséquent vers 1780) était une affaire de la plus, haute importance.

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Avant de se décider à quitter ses foyers, l'habitant de la Bretagne, par exemple, mettait ordre à sa conscience et à ses affaires. Il faisait ses dernières dispositions. Pendant un mois, ce n'était, dans l'intérieur de la maison, que préparatifs, mouvement, agitation. Les voisins venaient lui faire visite avec curiosité et intérêt. Il y avait dans le futur voyage toute la fièvre d'une résolution héroïque, et, dans l'ami qui lui pressait la main en le quittant, toute la ferveur d'un

PROGRES DUS A LA VAPEUR.

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ex-voto. Enfin un départ pour la capitale entrait en première ligne dans la série des événements de la vie. »>

On a trouvé dans un cimetière de province une pierre tumulaire portant cette significative inscription: « Ici repose X..., qui fit deux fois le voyage de Paris. »

Mais poursuivons : « Indépendamment des coches*, qui pouvaient contenir dix à douze personnes, on avait imaginé des carrosses. Ils étaient suspendus par des chaînes, tandis que les coches étaient montés sur les essieux. Ces voitures, qui marchaient alternativement attelées de six et même de huit chevaux, selon la difficulté de la route, ne partaient que deux fois par semaine, faisant par jour neuf ou dix lieues au plus en trois stations. »

Et Narratius, pour s'égayer, donne cet exemple : « On compte de Paris à Sedan 61 lieues de poste. Le coche ou la voiture, partant de Paris le mardi à six heures du matin, n'arrivait à Sedan que le dimanche à midi. Dans ce trajet de cinq jours et demi, le voyageur avait pris cinq dîners et autant de soupers, auxquels il faut ajouter les déjeuners, le tout, indépendamment des haltes que l'on faisait en route. » MULLER. (Écrivain contemporain.)

La Machine à vapeur. [Hachette et Cie. édit.

Mots expliqués.

Mettre ordre à sa conscience et à ses affaires Réparer le mal qu'on a pu faire et régler ses affaires.

Ex-voto Figure que l'on suspend, à la suite d'un vou, dans les chapelles. Ces vœux se font dans un grand danger, par exemple un naufrage sur mer, un combat contre les brigands, etc.

Coches Voitures servant autrefois au transport des voyageurs.

Questions et Analyse des idées.

1. Quelle était, avant l'invention des chemins de fer, l'importance d'un voyage à Paris? - 2. Que faisait l'habitant de la province avant de partir en voyage? 3. Comment voyageait-on, et combien faisait-on de lieues par jour? 4. Rappelez les principaux progrès dus

à la vapeur.

Devoir (Élocution et Rédaction).

Dites quelle est à l'heure actuelle l'importance des chemins de fer? Quels services rendent-ils?

JUIN

35 semaine.

171.

FRANÇAIS

La nature au printemps.

Les plaisirs de la promenade.

Je ne conçois qu'une manière de voyager plus agréable que d'aller à cheval, c'est d'aller à pied. On part à son moment*, on s'arrête à sa volonté, on fait tant et si peu d'exercice qu'on veut. On observe tout le pays, on se détourne à droite, à gauche; on examine tout ce qui nous flatte; on s'arrête à tous les points de vue*. Aperçois-je une rivière, je la côtoie; un bois touffu, je vais sous son ombre; une grotte, je la visite; une carrière, j'examine les minėraux. Partout où je me plais, j'y reste. A l'instant que je m'ennuie je m'en vais. Je ne dépends ni des chevaux, ni du postillon. Je n'ai pas besoin de choisir des chemins tout faits, des routes commodes; je passe partout où un homme peut passer; je vois tout ce qu'un homme peut voir; et, ne dépendant que de moi-même, je jouis de toute la liberté dont un homme peut jouir.....

Qui est-ce qui, aimant un peu l'agriculture, ne veut pas connaître les productions particulières au climat des lieux qu'il traverse, et la manière de les cultiver? Qui est-ce qui, ayant un peu de goût pour l'histoire naturelle, peut se résoudre à passer un terrain sans l'examiner, un rocher sans l'écorner, des montagnes sans herboriser, des cailloux sans chercher des fossiles? Vos philosophes de ruelles étudient l'histoire naturelle dans des cabinets: ils ont des colifichets, ils savent des noms, et n'ont aucune idée de la nature. Mais notre cabinet est plus riche que ceux des rois; ce cabinet est la terre entière. Chaque chose y est à sa place; le naturaliste qui en prend soin a rangé le tout dans un fort bel ordre : Daubenton* ne ferait pas mieux.

Combien de plaisirs différents on rassemble par cette agréable manière de voyager! sans compter la santé qui s'affermit, l'humeur qui s'égaye. J'ai toujours vu ceux qui

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