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Bléreaux, Renards, Hiboux, race incline à mal
faire,

Pour l'exemple pendus inftruifoient les paffans.
Leur confrere, aux abois, entre ces morts s'arrange.
Je crois voir Annibal qui preffé des Romains,
Met leurs Chefs en défaut, ou leur donne le change;
Et fait en vieux Renard s'échapper de leurs mains.
Les (1) Clefs de meute parvenues

A l'endroit où pour mort le traître fe pendit,
Remplirent l'air de cris: leur Maître les rompit,
Bien que de leurs abois ils perçaffent les nues.
Il ne put foupçonner ce tour affez plaisant.
Quelque terrier, dit-il, a fauvé mon galant.
Mes Chiens n'appellent point au-delà des colonnes
Où font tant d'honnêtes perfonnes.

Il y viendra, le drôle. Il y vint, à son dam.
Voilà maint Baffet clabaudant ;

Voilà notre Renard au charnier se guindant.
Maître pendu croyoit qu'il en iroit de même
Que le jour qu'il tendit de femblables panneaux:
Mais le pauvret, ce coup, y laiffa fes (2) houseaux;
Tant il eft vrai qu'il faut changer de stratagême.
Le Chaffeur, pour trouver la propre fûreté,
N'auroit pas cependant un tel tour inventé,
Non point par peu d'efprit: Eft-il quelqu'un qui nie
Que tout Anglois n'en ait bonne provifion?
Mais le peu d'amour pour la vie

Leur nuit en mainte occafion.

Je reviens à vous, non pour dire
D'autres traits fur votre fujet;
Tout long éloge est un projet

(1) Clefs de meute, terme de Vénerie, pour défigner les meilleurs Chiens qui fervent à conduire & à redreffer les autres Chiens de la meue. Quelquefois c'eft un feul

Chien qui eft la clef de la

meute.

(2) Pour dire, perdit la vie. Voyez fur cette expreffion le Dictionnaire de l'Académie Françoise, au mot Houseau,

Peu favorable pour ma Lyre:

Peu de nos chants, peu de nos vers

Par un encens flatteur amusent l'Univers;
Et le font écouter des Nations étranges.
Votre Prince vous dit un jour,

Qu'il aimoit mieux un trait d'amour
Que quatre pages de louanges.

Agréez feulement le don que je vous fais
Des derniers efforts de ma Mufe:
C'eft peu de chofe : elle eft confuse
De ces ouvrages imparfaits.
Cependant ne pourriez-vous faire
Que le même hommage pût plaire
A celle qui remplit vos climats d'habitans
Tirés de l'Ifle de Cythere?
Vous voyez par là que j'entens

(3) Mazarin, des Amours Déeffe tutélaire.

(3) La belle Hortenfe Ducheffe de Mazarin, niéce du Cardinal Mazarin, laquelle pour vivre éloignée

de fon mari, fe retira en Angleterre, où elle finit fes jours en 1669.

FABLE XXIV.

Daphnis & Aleimadure.

Imitation de Théocrite.

A MADAME DE LA MESANGERE,

A Imable fille d'une mere

A qui feule aujourd'hui mille cœurs font la cour,
Sans ceux que l'amitié rend foigneux de vous plaire,
Et quelques-uns encor que vous garde l'amour,
Je ne puis qu'en cette Préface

Je ne partage entre elle & vous

Un peu de cet encens qu'on recueille au Parnasse,
Et que j'ai le fecret de rendre-exquis & doux.
Je vous dirai donc.... Mais tout dire,
Ce feroit trop, il faut choisir,

Ménageant ma voix & ma Lyre,

Qui bientôt vont manquer de force & de loisir.
Je loûrai feulement un cœur plein de tendresse,
Ces nobles fentimens, ces graces, cet efprit:
Vous n'auriez en cela ni Maître ni Maîtresse,
Sans celle dont fur vous l'éloge rejaillit.
Gardez d'environner ces roses
De trop d'épines. Si jamais

L'Amour vous dit les mêmes choses,
Il les dit mieux que je ne fais:
Auffi fait-il punir ceux qui ferment l'oreille
A fes confeils: Vous l'allez voir.

Jadis une jeune merveille

Méprifoit de ce Dieu le fouverain pouvoir:
On l'appelloit Alcimadure,

Fier & farouche objet, toujours courant aux bois,
Toujours fautant aux prez, dansant sur la verdure,
Et ne connoiffant autres loix

Que fon caprice : au reste égalant les plus belles,
Et furpaffant les plus cruelles,

N'ayant trait qui ne plût, pas même en ses rigueurs.
Quelle l'eût-on trouvée au fort de fes faveurs?
Le jeune & beau Daphnis, Berger de noble race,
L'aima pour fon malheur: jamais la moindre grace,
Ni le moindre regard, le moindre mot enfin
Ne lui fut accordé par ce cœur inhumain.
Las de continuer une pourfuite vaine,
Il ne fongea plus qu'à mourir ;

Le défefpoir le fit courie

A la porte de l'inhumaine.

Hélas! Ce fut aux vents qu'il raconta sa peine;

On

On ne daigna lui faire ouvrir

Cette maison fatale, où parmi fes compagnes
L'ingrate, pour le jour de fa nativité,
Joignoit aux fleurs de fa beauté

Les tréfors des jardins & des vertes campagnes :
J'efpérois, cria-t-il, expirer à vos yeux,
Mais je vous fuis trop odieux,

Et ne m'étonne pas qu'ainsi que tout le refte,
Vous me refufiez même un plaifir fi funeste.
Mon pere, après ma mort, & je l'en ai chargé,
Doit mettre à vos piéds l'héritage
Que votre cœur a négligé.

Je veux que l'on y joigne auffi le pâturage,
Tous mes troupeaux avec mon Chien;
Et que du refte de mon bien

Mes Compagnons fondent un Temple, Où votre image fe contemple, Renouvellant de fleurs l'Autel à tout moment: J'aurai, près de ce Temple, un fimple monument: On gravera fur la bordure:

Daphnis mourut d'amour; paffant, arrête-toi :
Pleure, di: Celui-ci fuccomba fous la loi

De la cruelle Alcimadure.

A ces mots, par la (1) Parque il fe fentit atteint:
Il auroit pourfuivi, la douleur le prévint:
Son ingrate fortit triomphante & parée.

On voulut, mais en vain, l'arrêter un moment,
Pour donner quelques pleurs au fort de fon Amant,
Elle infulta toujours au fils de Cytherée,
Menant, dès ce foir même, au mépris de fes loix,
Ses Compagnes danfer autour de fa Statue.
Le Dieu tomba fur elle, & l'accabla du poids:
Une voix fortit de la nue,

Echo redit ces mots dans les airs épandus:
Que tout aime à préfent, l'Infenfible n'eft plus.

(1) Celle des trois qui donne la mort.

II. Partie.

Ii

Cependant de Daphnis l'ombre au Styx defcendue,
Frémit, & s'étonna la voyant accourir.
Tout l'Erebe entendit cette belle homicide
S'excufer au Berger qui ne daigna l'oüir,
Non plus qu'Ajax Ulysse, & Didon son perfide.

FABLE

XXV.

Le Juge Arbitre, l'Hofpitalier, &

le Solitaire.

TRois Saints, égalément jaloux de leur falut,

Portés d'un même efprit, tendoient au même but.
Ils s'y prirent tous trois par des routes diverses.
Tous chemins vont à Rome : ainfi nos concurrens
Crurent pouvoir choisir des fentiers différens.
L'un, touché des foucis, des longueurs, des traverses
Qu'en appanage on voit aux Procès attachés,
S'offrit de les juger fans récompenfe aucune,
Peu foigneux d'établir ici-bas fa fortune.
Depuis qu'il eft des Loix, l'Homme, pour fes péchés,
Se condamne à plaider la moitié de fa vie.
La moitié ? Les trois quarts, & bien fouvent le tout.
Le Conciliateur crut qu'il viendroit à bout
De guérir cette folle & déteftable envie.
Le fecond de nos Saints choifit les Hôpitaux.
Je le loue; & le foin de foulager les maux
Eft une charité que je préfere aux autres.
Les malades d'alors étant tels que les nôtres,
Donnoient de l'exercice au pauvre Hofpitalier;
Chagrins, impatiens, & fe plaignant fans ceffe:
Il a pour tels & tels un foin particulier,

Ce font fes amis : ils nous laiffe.

Ces plaintes n'étoient rien au prix de l'embarras

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