P FABLE V. L'Homme & la Puce. Ar des vœux importuns nous fatiguons les Souvent pour des sujets,même indignes des hommes. A chaque pas qu'il fait, à chaque bagatelle, Un fot par une Puce eut l'épaule mordue, R Ien ne pefe tant qu'un fecret: Le porter loin eft difficile aux Dames; Bon nombre d'hommes qui font femmes. Pour éprouver la fienne un mari s'écria La nuit étant près d'elle: O Dieux ! Qu'eft-ce cela? Frais & nouveau pondu : gardez bien de le dire, Ainfi que fur mainte autre affaire, Crut la chofe, & promit fes grands Dieux de fe taire. Avec les ombres de la nuit. Sort du lit quand le jour fut à peine levé ; Ma commere, dit-elle, un cas est arrivé: N'en dites rien fur tout, car vous me feriez battre. Mon mari vient de pondre un œuf gros comme quatre. Au nom de Dieu, gardez-vous bien Vous moquez-vous? dit l'autre : Ah, vous ne favez guére Quelle je fuis. Allez, ne craignez rien. Au lieu d'un œuf elle en dit trois. Ce n'eft pas encor tout, car une autre commere Car ce n'étoit plus un fecret. Comme le nombre d'œufs, grace à la Renommée, De bouche en bouche alloit croiffant, Avant la fin de la journée, Ils fe montoient à plus d'un cent. Le Chien qui porte à son cou le dîné de Nous Ous n'avons pas les yeux à l'épreuve des belles, Peu de gens gardent un tréfor Avec des foins affez fidéles. Certain Chien qui portoit la pitance au logis, Mais enfin il l'étoit ; & tous tant que nous fommes, Et l'on ne peut l'apprendre aux hommes. Ce Chien-ci donc étant de la forte atourné, Un Mâtin paffe, & veut lui prendre le dîné. Il n'en eut pas toute la joie Qu'il efpéroit d'abord : le Chien mit bas la proie, Pour la défendre mieux, n'en étant plus chargé. Grand combat: D'autres Chiens arrivent. Ils étoient de ceux-là qui vivent Sur le public, & craignent peu les coups. Notre Chien fe voyant trop foible contre eux tous, Et que la chair couroit un danger manifeste, Voulut avoir fa part; Et lui fage, il leur dit : Point de courroux, Meffieurs, mon lopin me fuffit: Faites votre profit du reste. A ces mots, le premier il vous hape un morceau, A A qui mieux mieux ; ils firent tous (1) ripaille; Je crois voir en ceci l'image d'une Ville, Tout fait fa main : le plus habile Il n'a pas de peine à fe rendre : (1) Firent grand'chére. O N cherche les Rieurs ; & moi je les évite. Les (1) méchans difeurs de bons mots. Que quelqu'un trouvera que j'aurai réuffi. Un Rieur étoit à la table (1) Gens d'un efprit fade, pefant & fuperficiel, qui croyant l'avoir agréable, vif , profond & délicat, débitent hardiment II. Partie. nous des penfées vulgaires & très- D'un Financier; & n'avoit en fon coin Que de petits poiffons; tous les gros étoient loin. D'écouter leur réponse. On demeura furpris: Le Rieur alors, d'un ton fage, N'eût depuis un an fait naufrage. A favoir au vrai fon deftin : Les gros en fauroient davantage. N'en puis-je done, Meffieurs, un gros interroger? De dire fi la compagnie Prit goût à fa plaifanterie, J'en doute: mais enfin il les fut engager A lui fervir d'un monftre affèz vieux pour lui dire Tous les noms des (2) chercheurs de Mondes in connus, Qui n'en étoient pas revenus, Et que depuis cent ans, fous (3) l'abysme avoient vûs Les anciens du vaste Empire. (2) Les voyageurs. (3) Dans la men |