XIX. L FABLE Le Lion s'en allans en guerre. E Lion dans fa tête avoit une entreprise. Tous furent du deffein, chacun felon fa guise. Et combattre à fon ordinaire: Le Renard ménager de certaines pratiques ; Le Monarque prudent & fage, De fes moindres fujets fait tirer quelque ufage, Il n'eft rien d'inutile aux perfonnes de fens. FABLE X X. L'Ours & les deux Compagnons. D Eux Compagnons preffés d'argent, A leur voifin Fourreur vendirent La peau d'un Qurs encor vivant ; Mais qu'ils tueroient bien-tôt, du moins à ce qu'ils dirent. C'étoit le Roi des Ours, au compte de ces gens. Le Marchand, à fa peau, devoit faire fortune. Elle garantiroit des froids les plus cuifans. On en pourroit fourrer plûtôt deux robes qu'une. (1) Dindenaut prifoit moins fes Moutons qu'eux Leur Ours, Leur, à leur compte, & non à celui de la bête. S'offrant de la livrer au plus tard dans deux jours. Ils conviennent de prix, & fe mettent en quête, Trouvent l'Ours qui s'avance, & vient vers eux au trot. Voilà mes gens frappés comme d'un coup de foudre. Le marché ne tint pas, il fallut le réfoudre: (2) D'intérêts contre l'Ours, on n'en dit pas un mot. L'un des deux Compagnons grimpe au faîte d'un arbre; L'autre plus froid que n'eft un marbre, Se couche fur le nez, fait le mort, tient fon vent, Ayant quelque part oüi dire, Que l'Ours s'acharne peu fouvent Sur un corps qui ne vit, ne meut, ni ne respire, Le tourne, le retourne, approche fon museau, C'eft, dit-il, un cadavre : ôtons-nous, car il fent. (1) Marchand de Moutons, nommé Dindenaut, févérement puni pour avoir infulté Panurge, & mis à trop haut prix fa marchandife, comme Rabelais le raconte plaifamment à sa ma niére. Voyez Pantagruel, Liv. 1v. chap. 6. 7. & 8. (2) Quant à la peine & à la dépenie qu'avoit coûté cette expédition contre P'Ours, on ne lui en dit pas un mel Court à fon compagnon, lui dit que c'eft merveille, Car il t'approchoit de bien près, Vendre la peau de l'Ours qu'on ne l'ait mis par terre. DE EABLE XXI. L'Ane vétu de la peau du Lion. E la peau du Lion l'Ane s'étant vétu Il faifoit trembler tout le monde. Un petit bout d'oreille échappé par malheur, (1) Martin fit alors fon office. Ceux qui ne favoient pas la rufe & la malice, Force gens font du bruit en France, Par qui cet Apologue eft rendu familier. Fait les trois quarts de leur vaillance. (1) Valet de Meûnier, armé d'un gros bâton. Fin du cinquième Livre. LIVRE SIXIÉME. FABLE PREMIERE. L Le Lion & le Chaleur. Es Fables ne font pas ce qu'elles femblent être : Le plus fimple animal nous y tient lieu de Maître. Une Morale nue apporte de l'ennui: / Le Conte fait paffer le Précepte avec lui. En ces fortes de feinte il faut inftruire & plaire; Et conter pour conter me femble peu d'affaire. C'est par cette raison, qu'égayant leur esprit, Nombre de gens fameux en ce genre ont écrit. Tous ont fui l'ornement & le trop d'étendue. On ne voit point chez eux de parole perdue. Phédre étoit fi fuccin& qu'aucuns l'en ont blâme. Elope en moins de mots s'eft encore exprimé. Mais fur tous certain (1) Grec renchérit & se pique D'une élégance (2) Laconique. (1) Gabrias. me celle des Lacédémoniens. Il renferme toujours fon Conte en quatre Vers: J'ai fuivi leur projet quant à l'événement, Un Pâtre à fes Brebis trouvant quelque mécompte, Il s'en va près d'un antre; & tend à l'environ Des lacs à prendre Loups, foupçonnant cette engeance. Avant que partir de ces lieux, Si tu fais, difoit-il, ô (4) Monarque des Dieux, Parmi vingt Veaux je veux choifir Le plus gras, & t'en faire offrande. Que l'homme ne fait guére, hélas! ce qu'il demande! C'eft ainfi que l'a dit le principal Auteur, (3) Ou Berger qui garde| des troupeaux de Brebis. U (4) Jupiter. N Fanfaron, amateur de la chaffe, Venant de perdre un Chien de bonne race, Qu'il foupçonnoit dans le corps d'un Lion, V |