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Belle leçon pour les gens chiches!

Pendant ces derniers temps combien en a-t-on vûs,
Qui du foir au matin font pauvres devenus,
Pour vouloir trop tôt être riches?

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L'Ane portant des Reliques.

Us'imagina qu'on l'adoroit.

N Baudet chargé de Reliques,

Dans ce penfer il fe quarroit,
Recevant comme fiens l'Encens & les Cantiques.
Quelqu'un vit l'erreur, & lui dit :
Maître Baudet, ôtez-vous de l'efprit
Une vanité fi folle.

Ce n'eft pas vous, c'eft (1) l'Idole
A qui cet honneur fe rend,
Et que la gloire en eft dûe.
D'un Magiftrat ignorant,
C'est la robe qu'on falue.

(1) L'Image, la Statue de quelque Divinitė.

FABLE X V.

Le Cerf & la Vigne.

N- Cerf, à la faveur d'une Vigne fort haute,

S'étant mis à couvert, & fauvé du trépas,
Les Veneurs pour ce coup croyoient leurs (1) Chiens

en faute.

(1) Qu'ils avoient perdu la pifte de la bête qu'ils chaffoient.

Ils les rappellent donc. Le Cerf, hors de danger,
Broute (2) fa bienfaitrice, ingratitude extrême!
On l'entend, on retourne, on le fait déloger:
Il vient mourir en ce lieu même.

J'ai mérité, dit-il, ce jufte châtiment,
Profitez-en, ingrats. Il tombe en ce moment.
La Meute en fait (3) curée. Il lui fut inutile
De pleurer aux Veneurs à fa mort arrivés.

Vraie image de ceux qui profanent l'afyle
Qui les a confervés.

(2) La Vigne qui lui avoit Servi de retraite.

(3) Les chiens mangent

la portion que les Chaffeurs Jeur en donnent, & qu'on nomme Curée.

ON

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Le Serpent & la Lime.

N conte qu'un Serpent, voifin d'un Horloger, (C'étoit pour l'Horloger un mauvais voisinage) Entra dans fa boutique, & cherchant à manger, N'y rencontra pour tout potage Qu'une Lime d'acier qu'il fe mit à ronger. Cette Lime lui dit, fans fe mettre en colere, Pauvre ignorant! Et que prétens-tu faire Tu te prens à plus dur que toi, Petit Serpent à tête folle; Plûtôt que d'emporter de moi Seulement le quart d'une obole, Tu te romprois toutes les dents: Je ne crains que celles du (1) temps.

Ceci s'adreffe à vous, Efprits du dernier ordre,

(1) Les dents du Temps, qui détruit toutes choses.

Qui n'étant bons à rien, cherchez (2) fur tout à

mordre:

Vous vous tourmentez vainement. Croyez-vous que vos dents impriment leurs outrages Sur tant de beaux ouvrages?

Ils font pour vous d'airain, d'acier, de diamant. (2) C'eft-à-dire, à reprendre, à trouver à redire fur tout.

I

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Le Liévre & la Perdrix.

L ne fe faut jamais moquer des miférables:
Car qui peut s'affûrer d'être toujours heureux ?
Le fage Efope dans fes Fables

Nous en donne un exemple ou deux.
Celui qu'en ces Vers je propofe,
Et les fiens, ce font même chose.

Le Liévre & la Perdrix, concitoyens d'un champ;
Vivoient dans un état, ce semble, affez tranquille:
Quand une Meute s'approchant,
Oblige le premier à chercher un (1) afyle.
Il s'enfuit dans fon fort, met les Chiens en défaut,
Sans même en excepter (2) Brifaut.
Enfin il fe trahit lui-même

Par les (3) efprits fortans de fon corps échauffé.
(4) Miraut, fur leur odeur ayant philofophé,
Conclut que c'eft fonLiévre; &,d'une ardeur extrême,
11 le pouffe; & Ruftaut, qui n'a (5) jamais menti,
Dit que le Liévre eft reparti.

(1) Un lieu pour se ca

cher.

(2) Nom de Chien de chaffe.

(3) L'odeur que répand

une bête poursuivie.

(4) Autre nom de Chien (5) Qui ne s'eft jamais

trompé

Le pauvre malheureux vient mourir à fon gîte.
La Perdrix le raille, & lui dit:

Tu te vantois d'être fi vîte :

Qu'as-tu fait de tes piéds? Au moment qu'elle rit, Son tour vient, on la trouve. Elle croit que fes aîles La fauront garantir à toute extrémité:

Mais la pauvrette avoit compté

Sans (6) Ï'Autour aux (7) ferres cruelles.

(6) Oifeau de proie.

1 (7) Les grifes de l'Autour.'

FABLE XVIII.

L'Aigle le Hibou.

L'Aigle & le Chat-huant leurs querelles cef

Et firent tant qu'ils s'embrafferent.

L'un jura foi de Roi, l'autre foi de Hibou,
Qu'ils ne fe goberoient leurs petits peu ni prou.
Connoiffez-vous les miens ? dit (1) l'Oiseau de Mi-

nerve.

Non, dit l'Aigle. Tant pis, reprit le triste Oiseau.
Je crains en ce cas pour leur peau.
C'eft hazard, fi je les conferve.
Comme vous êtes Roi, vous ne confidérez
Qui ni quoi: Rois & Dieux mettent, quoi qu'on leur
die,

-Tout en même (2) Catégorie.

'Adieu mes nourriffons fi vous les rencontrez. Peignez-les-moi,dit l'Aigle,ou bien me les montrez, Je n'y toucherai de ma vie.

Le Hibou repartit: Mes petits font mignons, Beaux, bien faits, & jolis fur tous leurs compagnons :

(1) Le Hibou.

(2) Au même rang, fans

faire la moindre diftinction.

Vous les reconnoîtrez fans peine à cette marque.
N'allez pas l'oublier: retenez-la fi bien

Que chez moi la maudite (3) Parque
N'entre point par votre moyen.

Il avint qu'au Hibou Dieu donna géniture.
De façon qu'un beau foir qu'il étoit en pâture,
Notre Aigle apperçut d'aventure,
Dans les coins d'une roche dure,
Ou dans les trous d'une mazure,
(Je ne fai pas lequel des deux)
De petits monftres fort hideux,

Rechignés, un air trifte, une voix de Mégére.
Ces enfans ne font pas, dit l'Aigle, à notre ami:
Croquons-les. Le galand n'en fit pas à demi.
Ses repas ne font point repas à la légére.
Le Hibou, de retour, ne trouve que les piéds
De fes chers nourriffons, hélas ! pour toute chofe.
Il fe plaint; & les Dieux font par lui fuppliés
De punir le brigand qui de fon deuil eft cause.
Quelqu'un lui dit alors : N'en accufe que toi,
Ou plûtôt la commune loi,

Qui veut qu'on trouve fon femblable
Beau, bien fait, & fur tous aimable,

Tu fis de tes enfans à l'Aigle ce portrait :
En avoient-ils le moindre trait ?

(3) Celle des trois qui soupe le fil de la vie, Les

Poëtes difent communément que c'eft Arrop:&

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