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tueuse; au pli que le rire dessine sur la joue, l'enjouée; au milieu de la joue, la galante; au coin de la bouche, la baiseuse; sur le nez, l'effrontée; sur les lèvres, la coquette; sur un bouton, la recéleuse. Taillées en rond, elles s'appelaient des assassins.

La forme et la dimension des mouches variaient au caprice des dames. Tantôt grandes, tantôt petites, elles figuraient quelquefois des croissants, des étoiles, des poignards. Il est même des pays, en Russie par exemple, où on les découpait en maisons, en chevaux, en arbres, en carrosses. La figure d'une femme était là un vrai tableau de paysage.

La mouche est aussi le nom d'un jeu de cartes, où un certain valet prime les rois; il se joue encore dans les antichambres et ailleurs.

Le mot mouche entre dans la confection de plusieurs proverbes. On dit d'un homme rusé, c'est une fine mouche; d'un homme irritable, qu'il est tendre aux mouches; d'un homme qui n'étant bon à rien se mêle de tout, c'est la mouche du coche. On demande à un homme qui se fâche sans qu'on sache pourquoi, quelle mouche l'a piqué? Ces proverbes s'expliquent d'eux-mêmes. Mais d'où vient celui-ci : prendre la mouche? Une des mille académies qui sont au monde devrait bien faire de cette question un sujet de prix. On en a proposé de plus niais, même à l'académie française.

Les Juifs, dans leurs aberrations religieuses, ont offert plus d'une fois de l'encens au dieu des mouches; car telle

est la signification du nom de Beelzebud', devant lequel ils se sont si souvent prosternés. Qu'en attendaient-ils ? Dom Calmet dit que cette divinité les garantissait des mouches. Si le fait était prouvé, je crois que plus d'un bon chrétien serait encore tenté de se mettre sous la protection de Beelzebud ou Beelzebul ou Beelzebuboth.

DES GENS MARQUÉS AU B.

INTRODUCTION.

On désigne par cette expression les personnes affligées ou gratifiées d'une de ces défectuosités corporelles dont les dénominations commencent par un B, tels que les borgnes, les boiteux, les bancals, les bègues, et les bossus. Je dis affligées ou gratifiées, parceque, selon l'opinion vulgaire, ces défectuosités physiques seraient accompagnées nécessairement d'heureuses qualités morales. Si cela était vrai, rien ne démontrerait plus évidemment l'excellence du système des compensations.

Voyons sur quoi cette opinion est fondée; interrogeons les faits; et, pour mettre plus de clarté dans cet examen, mettons-y de l'ordre. Sans l'ordre on s'égare au milieu des raisonnements les plus judicieux. L'ordre en tout est le fil du labyrinthe. Pour l'intérêt de l'ordre,

Idolum museæ.

nous diviserons cet ouvrage en chapitres. Cette méthode est merveilleuse aussi pour donner de l'importance à un ouvrage c'est celle de Montesquieu, de Rabelais et de M. de Châteaubriand.

CHAPITRE PREMIER.

DES BORGNES.

L'histoire est féconde en héros qui n'ont qu'un œil. Tandis que l'on coupe le pont derrière lui, Horace soutient seul l'effort de l'armée de Porsenna, et sauve Rome: c'était un borgne! En revanche, un autre borgne mit Rome en grand danger. Elle ne serait pas devenue la maîtresse du monde si, à Capoue, Annibal n'avait pas trop souvent fermé, au milieu des délices, le bon œil qui lui restait. L'habile capitaine qui résista si glorieusement à la fortune de Sylla et aux armes de Pompée, dans les mêmes contrées où Suchet n'a pas moins glorieusement gagné le bâton de maréchal, Sertorius, était borgne. Le vainqueur de Chéronée, le père d'Alexandrele-Grand, était borgne. Il paraît qu'il ne regardait pas comme heureux l'accident qui le priva d'un de ses yeux, car il fit pendre l'archer auquel il eut cette obligation.

L'illustration que ce prince et les autres grands hommes dont nous avons parlé se sont acquise ne prouve rien néanmoins en faveur de l'universalité des borgnes. Des accidents, et non la nature, les avaient accommodés ainsi. Ce n'est pas parcequ'ils furent borgnes qu'ils sont

des héros; mais parcequ'ils étaient des héros qu'ils ont été borgnes. S'il en était autrement, il y a de par le monde un militaire, officier-général, maréchal même, qui n'aurait rien de mieux à faire que de se faire éborgner.

Mais poursuivons. Bajazet, celui qui fut vaincu et pris par Tamerlan, était borgne. Pour avoir été battu, il n'en fut pas moins un grand homme, et, s'ils sont vrais, les traitements barbares qui abrégèrent ses jours ne déshonorent que son vainqueur. N'est-il pas singulier, disait ce vainqueur, qui était aussi marqué au B, qu'un borgne et qu'un boiteux se disputent l'empire du monde?

Les temps modernes sont moins féconds en borgnes illustres. Au dix-septième siècle florissait Jean Despautère, grammairien flamand, quod est notandum, plus érudit et presque aussi ennuyeux que l'est aujourd'hui tel helléniste qui n'est pas borgne. M. le Duc, petit-fils du grand Condé, et premier ministre sous Louis XV, était borgne, comme il appert par ce quatrain adressé par Voltaire à la marquise de Prie, laquelle avait donné dans les yeux du poëte aussi bien que dans l'œil de son altesse.

Io, sans avoir l'art de feindre,
D'Argus sut tromper tous les yeux;

Nous n'en avons qu'un seul à craindre,

Pourquoi ne pas nous rendre heureux?

Ces vers produisirent leur effet. Voltaire fut mis à la Bastille.

Le moins obscur des borgnes actuels est ce conventionnel que l'on a vu successivement préfet sous l'empereur, sous le roi et sous l'usurpateur. Après la seconde abdication de Napoléon, ce monocle fut honoré par le ministre de la police d'une mission de confiance que le prompt embarquement de l'ex-empereur ne lui laissa pas le temps de remplir. Ce votant a sans doute rendu de grands services à la légitimité, puisqu'il n'a pas eu besoin d'amnistie. C'est ce qu'on appelle un malin borgne,

CHAPITRE SECOND.

DES BOITEUX.

Le plus ancien des boiteux connus est Jacob, supposé que Vulcain soit son cadet; claudicabat pede, il boitait du pied, dit la Genèse. Un ange, avec lequel il avait lutté toute une nuit, n'ayant pas voulu le quitter sans lui laisser une preuve d'estime, le rendit boiteux, et lui donna de plus le surnom d'Israël, qui signifie fort contre Dieu.

Philippe inscrit plus haut au chapitre des Borgnes, doit l'être aussi dans celui des Boiteux. C'est encore à la guerre, où, quoi qu'on en dise, il y a toujours quelque chose à gagner, que ce roi fut redevable de cet avantage; il eut quelquefois le mauvais esprit de s'en plaindre. Chaque pas que vous faites, lui disaient cependant ses courtisans, vous rappelle votre gloire.

Tamerlan, comme on l'a dit aussi, était boiteux. Cela

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