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terjectio apud Gallos elegantissima, la plus élégante des interjections françaises.

Cette expression si élégante était fort à l'usage du cardinal Dubois. C'était le premier mot qui lui venait à la bouche dans ses emportements; et il était toujours en colère. Un jour qu'il se plaignait en ce langage de ce qu'on perdait du temps dans ses bureaux, et de ce que les affaires n'avançaient pas : « Monseigneur, lui dit froidement Vrénier, son premier secrétaire, prenez un seul commis de plus; donnez-lui pour tout emploi commission de jurer pour vous, et je vous réponds que tout ira bien et que vous aurez du temps de reste. »

Le régent disait de lui à une grande dame qui se plaignait de cette façon de parler : « C'est un homme un peu vif, mais il est de bon conseil. »

Il y a des hommes chez qui l'habitude de jurer est tellement enracinée qu'ils y retombent même quand ils la blâment. Je n'aime pas les B... qui jurent, disait un père qui donnait des leçons de politesse à son fils.

Naigeon et Mercier', tous deux membres de l'Institut, eurent un jour une querelle assez vive avant l'ouverture de la séance; ils pelotaient en attendant partie. Des grandes phrases ils en étaient venus aux gros mots; on vint prier Bougainville, alors président du corps, d'interposer son autorité, et de les rappeler à l'ordre. Oui, dit ce vieux marin, et je veux le faire avec la gravité

L'auteur du Tableau de Paris.

et la décence qui doivent caractériser le président du premier corps littéraire de l'Europe. Puis s'adressant aux disputeurs : « Mes chers confrères, songez, je vous prie, au lieu où vous êtes. La politesse est ici d'obligation. De quels mots vous servez-vous là? Convient-il à des académiciens de se quereller comme des gens...? Heureusement l'huissier, qui vint lui annoncer qu'il était temps d'ouvrir la séance, l'empêcha-t-il de passer outre et de caractériser les gens dont il voulait parler.

« Jurez pour moi, disait Dufresny à un pauvre diable, en lui mettant dix louis dans la main; jurez pour moi, car le roi me l'a défendu. » Cela était vrai. Louis XIV, qui portait à ce fils de Henri IV une bienveillance toute particulière, l'avait menacé de lui faire percer la langue d'un fer chaud s'il se donnait cette licence, qu'il avait prise trop souvent; car il était joueur, et ne gagnait pas toujours.

Il y a des cas, il en faut convenir, où les jurements sont non seulement de mise, mais de nécessité. Dans tous les pays du monde, les animaux sont, comme les hommes, plus sensibles aux injures qu'aux compliments. La menace a plus d'effet sur eux aussi que la prière, et un jurement correctement articulé et placé à propos a presque la vertu d'un coup de fouet. Ne nous étonnons donc pas que, dans tous les pays du monde, les jurements de toute espèce soient à l'usage des charretiers, et qu'en Italie un muletier jure presque autant qu'un monsignor. Il semble que les jurements soient des paroles magiques qui graissent les roues de la voiture et

multiplient les forces de l'attelage. Malheur donc à tout conducteur qui n'a pas la langue assez vigoureuse pour prononcer un gros mot, ou la bouche assez large pour qu'il puisse en sortir tout entier. Rien de pire que les demi-mesures, comme le prouve l'histoire de l'Abbesse des Andouillettes, histoire transmise à la postérité par le curé Sterne, homme non moins judicieux et presque aussi grave que le curé Rabelais. Nous y renvoyons les petites bouches.

par

L'ancienne loi ordonnait aux enfants d'Israël de jurer le nom de Dieu. Il leur était seulement défendu de le prendre en vain 2. La loi nouvelle au contraire défend de jurer de quelque manière que ce soit. Contentez-vous, dit-elle, de dire cela est, cela n'est pas 3; tout ce que vous direz de plus sera mal. Les lois humaines, en prescrivant le serment, ne sont-elles pas en opposition directe avec la loi divine? Toutes les lois, il est vrai, ne sont pas paroles d'évangile.

Les quakers s'en tiennent au précepte sacré. L'Évangile, rien que l'Évangile; voilà leur règle de conduite. La raideur de la justice fut obligée de plier devant la fermeté de ces honnêtes gens. Leur parole dans les tribunaux a force de serment. Jamais on n'a rendu un plus bel hommage à une religion; les dispenser de ce qu'on exige des sectateurs de toute autre croyance, n'est-ce

Per nomen illius (Dei) jurabis. Deuter., c. vI, V. 14.

2 Non usurpabis nomen Domini frustra. Id., c. v, V. II. 3 Ev. sec. Matth., c. v, v. 37.

pas mettre la leur au-dessus, et reconnaître leur doctrine pour celle de l'honnête homme par excellence?

Le chancelier qui leur délivra l'acte par lequel cette prérogative leur était assurée leur adressa, il est vrai, l'apologue suivant : « Jupiter ordonna un jour que toutes les bêtes vinssent se faire ferrer. Les ânes représentèrent que leur loi ne le permettait pas. Eh bien! dit Jupiter, on ne vous ferrera pas; mais au premier faux pas que vous ferez, vous aurez cent coups d'étrivière. » Ce chancelier-là ressemble un peu à lord Castlereagh, qui a besoin de jurer pour être cru, et se venge de la vertu par des sarcasmes.

Le serment d'un malhonnête homme n'est pas une garantie de vérité. Un galant homme ayant parié qu'un fait attesté par un personnage de ce genre était faux, Je le soutiens vrai, sur mon honneur, ajouta celui-ci. En ce cas, répliqua l'autre, je parie double.

Le plus beau serment que je connaisse est celui de Cicéron. Les ennemis qu'il devait à sa vigoureuse conduite dans la conspiration de Catilina l'ayant interrompu au moment où, prêtant le serment requis pour entrer dans les fonctions publiques, il disait : Je jure..... je jure, reprit-il d'une voix qui retentit dans Rome entière, je jure que j'ai sauvé la république. M. Fouché ne pourrait pas prêter un pareil serment.

LE VENTRE.

Nous ne promettons pas au lecteur un traité d'anatomie. C'est surtout dans ses rapports avec la morale et la politique que nous envisageons notre sujet. Nous en prévenons les médecins, les apothicaires, les chirurgiens et les sages-femmes. Qu'ils ne s'attendent pas à trouver ici une dissertation scientifique sur les fonctions, les aptitudes et les appétits de cette partie très importante de l'animal.

Nous nous bornerons à dire, à propos du ventre, médicalement parlant, que son état n'est pas indifférent au bien-être de la personne entière; que, de l'aveu des physiologistes, il a des rapports intimes avec celui du cœur et de la tête; aussi Boerhaave, pour toute règle d'hygiène, nous recommande-t-il, par testament, de nous tenir la tête fraîche, les pieds chauds et le ventre libre. Après cela, dit-il, moquez-vous des médecins : c'est ce que d'autres ont fait sans sa permission, mais ce que je ne fais, moi, qu'en vertu de sa permission, sans cesser toutefois de tenir un docteur en médecine pour aussi respectable qu'un docteur en théologie, et même pour plus utile.

Le mot latin uter signifie également ventre et outre. L'analogie, au fait, est grande entre ces deux objets.

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