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pirent les billets des banques locales. Naguère encore, les billets des banques de Nantes, de Bordeaux, n'étaient pas reçus sans une certaine appréhension; et cependant nous n'approchions point encore des États-Unis au point de vue de l'établissement des banques locales. Ce rapport donnait naissance à une discussion dans l'Académie. Léon Faucher et Cousin se prononçaient dans le même sens que Blanqui, Dunoyer et de La Farelle (1), partisans de la liberté des banques indépendantes, repoussaient l'argument tiré de la récente expérience, laquelle, suivant eux, ne pouvait être concluante, à raison de la brièveté du temps écoulé et des circonstances dans lesquelles elle s'était produite. Gustave du Puynode, dans le Journal des Économistes, faisait remarquer que l'extension de la circulation des billets de banque était due avant tout au cours forcé et que Léon Faucher avait lui-même reconnu à la Chambre (22 novembre 1849) que cette mesure extraordinaire avait accru l'émission. Il ajoutait qu'il en aurait été de même avec les banques départementales, lesquelles, du reste, avant le 24 février, « s'abritaient derrière un privilège profitable. Non seulement elles n'avaient pas de concurrence à craindre dans les circonscriptions qu'elles exploitaient, mais elles n'avaient entre elles, non plus qu'avec

(1) Correspondant de l'Académie des sciences morales et politiques pour la section d'économie politique. Magistrat démissionnaire en 1830, avocat à la Cour de Nimes, député du Gard de 1842 à 1848, F. de La Farelle a publié quelques articles dans le Journal des Économistes. Son ouvrage : Du progrès social au profit des classes populaires non indigentes, remporta à l'Académie française le prix Montyon. Il a également publié Coup d'œil sur le régime répressif et pénitentiaire des principaux États de l'ancien et du nouveau monde et : Plan d'une réorganisation disciplinaire des classes industrielles de la France, ouvrage dans lequel il proposait l'établissement d'un régime analogue à celui des maîtrises et des jurandes. Félix de la Farelle a été l'un des premiers membres de la Société d'Économie politique. Il est mort en 1892, âgé de

70 ans.

la Banque de France, nulle relation, aucun lien, aucune attache... C'était le régime des anciennes douanes provinciales appliqué au crédit ». On pourrait remarquer encore que, même sans le cours forcé, la création de coupures de 100 francs et la suppression de ces douanes provinciales, en donnant au billet de banque la faculté de circuler sur tout le territoire, étaient de nature à développer la circulation.

Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que, malgré le succès qu'il obtint auprès des économistes, le volume de Coquelin n'ait pas eu le retentissement auquel il avait le droit de prétendre. Il n'est cependant pas tombé dans l'oubli. Les idées qui y étaient défendues ont fait du chemin. Même sous le régime du monopole, des barrières sont tombées et il n'est que juste de reporter l'honneur de la réalisation de ces progrès à celui qui soutint la cause de la liberté aux heures où la liberté était le plus étouffée.

Georges DE NOUVION.

Séance du 17 août 1907.

RAPPORT SUR LE CONCOURS

POUR LE

PRIX CORBAY

A DÉCERNER EN 1907

Le prix Corbay doit, d'après les intentions de son fondateur, récompenser « celui qui aura produit l'œuvre la plus utile dans l'ordre des sciences, des arts, des lois, de l'agriculture, de l'industrie ou du commerce ».

Conformément à la procédure instituée pour ce prix, votre Commission n'avait pas à attendre, moins encore à provoquer, des candidatures: elle devait spontanément distinguer et évoquer devant elle l'œuvre qu'elle jugeait << la plus utile » et, par suite, la plus digne de la haute récompense qu'elle était chargée de décerner.

Aussi bien n'a-t-elle pas longtemps hésité pour arrêter son choix, et c'est avec une ferme confiance qu'elle vient en demander la ratification à vos suffrages.

Son attention s'est fixée dès l'ouverture de ses délibérations sur un nom qui, depuis dix-sept ans, a été maintes fois prononcé devant vous.

C'est en effet dès 1890 que l'un de nos plus regrettés confrères, Arthur Desjardins, portait pour la première fois devant l'Académie une publication de M. Maurice Bellom : l'auteur y exposait l'état de la Réglementation du travail des adultes, des femmes et des enfants dans les divers

pays et présentait sous une forme synoptique l'ensemble comparé de cette vaste législation. Deux ans plus tard paraissait le premier volume des Lois d'Assurance ou rière à l'étranger, dont le neuvième vous a été présenté, il y a quelques mois, par notre confrère M. Levasseur. Entre temps, Arthur Desjardins ne négligea aucune occasion de faire valoir les nombreuses et savantes publications de M. Maurice Bellom dont il fut le perpétuel rapporteur devant l'Académie : il suivait pas à pas, avec un intérêt croissant, les progrès de cette vaste encyclopédie dont l'auteur a recueilli depuis 1889 les matériaux épars, tant au cours de voyages à l'étranger que grâce à de précieuses relations internationales; cette encyclopedie fait honneur non seulement à M. Maurice Bellom, mais encore à la science française. Elle constitue un monument unique en son genre par le caractère objectif des appréciations qu'elle formule. La sûreté de la documentation y rivalise avec la précision des textes que l'auteur, polyglotte émérite a tous traduits lui-même. Aussi, devenu classique au delà de nos frontières, ce monumental ouvrage a-t-il fait dire à l'un des membres étrangers dont s'enorguelit notre Compagnie, M. Luzzatti, que la législation allemande, dont vous connaissez la savante mais complexe économie, s'était améliorée sous la plume de M. Maurice Bellom. Tous ceux. en effet, et ils sont nombreux à cette heure, qui sont sous le coup de préoccupations sociales, et qui ont consulté les volumes de cette immense collection, ont pu apprécier ce que la langue française, maniée avec art et sobriete, confère d'élégante précision aux matières les plus ardues et aux plus épineuses controverses. Les étrangers ont d'ailleurs puisé à la fois dans cette collection des enseignements pour l'interprétation de leurs propres lois, et des legons pour l'élaboration de leurs textes législatifs; c'est ainsi que, lors de la rédaction des projets de lois suisses, touchant l'assurance contre les accidents et la maladie, la

terminologie de M. Maurice Bellom fut adoptée pour la traduction officielle par les collaborateurs du Conseil Fédéral. La critique scientifique, dont l'habituelle sévérité rehausse la valeur des éloges, n'a pas non plus ménagé à l'auteur ses manifestations de flatteuse sympathie. M. le professeur Menzel en Autriche, M. le professeur Manes en Allemagne, pour ne citer que les plus récents, ont témoigné à M. Maurice Bellom, dans les organes les plus autorisés, leur haute estime et même leur reconnaissance.

Vous aviez, Messieurs, devancé le verdict de ces savants étrangers lorsqu'en 1901, dès l'apparition des quatre premiers volumes, vous décerniez à l'auteur l'une de vos plus hautes récompenses, une médaille d'or du prix Audéoud.

Ce que nous proposons aujourd'hui à vos suffrages, c'est de récompenser non seulement la continuation de l'ouvrage commencé en 1901, mais encore l'œuvre tout entière de M. Maurice Bellom; car, si puissant que soit l'effort accompli pour mener à bien ce livre magistral, il n'est qu'une partie, nous pourrions dire une faible partie de l'activité économique et sociale de l'auteur. On y trouve sans doute les qualités d'un travail, qui, selon l'expression de notre confrère M. Levasseur dans son rapport sur le concours Audéoud en 1901, est «< certainement de nature à éclairer un des problèmes de notre temps qui intéressent l'amélioration des classes ouvrières »; mais on aurait pu redouter d'une part qu'une abondance aussi touffue de textes et de chiffres n'absorbât toutes les préoccupations de l'auteur et, d'autre part, que l'importance exceptionnelle de la législation allemande dans le domaine de l'assurance ouvrière ne séduisît par l'ordonnance de son ossature et l'harmonie de ses contours un esprit jaloux de précision et de symétrie.

Sur ce dernier point, l'illusion était d'autant plus facile que l'impartialité de l'exposé laissait au lecteur le soin de

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