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sont racontés avec détail. L'auteur insiste sur les actes du chancelier, examine avec soin la portée de ses arguments et nous conduit jusqu'à l'enregistrement forcé.

Dans une série de chapitres, il étudie le caractère des premières nominations royales, et des évêques concordataires; il montre les abus commis par la royauté accumulant les bénéfices sur les mêmes têtes. Il examine les obstacles que le Concordat opposa à la Réforme, en mettant les intérêts de la royauté en plein accord avec les intérêts du clergé.

L'auteur, comme toujours, est médiocrement informé quand il s'occupe des détails de la politique royale et sa compétence se retrouve lorsqu'il nous expose soit les travaux du Concile de Trente, soit les délibérations des Assemblées du Clergé. En résumé, ce mémoire contient quelques bons fragments qui ne rachètent pas les défauts de l'ensemble.

Le mémoire numéro 2 forme un volume in-4° de 398 pages: la plus grande partie est dactylographiée; quelques cahiers sont manuscrits. Il porte pour devise:

Après avoir constaté que la papauté des XI et XII° siècles a été beaucoup trop préoccupée de ses intérêts particuliers et pas assez de la réforme toujours plus urgente, on s'aperçoit que si l'influence politique de l'Église est allée toujours baissant, le pouvoir spirituel du pape est allé toujours augmentant.

Alfred Loisy: L'Évangile et l'Église

page 109.

L'auteur a divisé son sujet en trois parties: les origines du Concordat, la négociation, la réception en France.

92 pages sont consacrées aux origines, Dès la seconde page, nous nous trouvons à l'Assemblée de Bourges,

en 1438 et nous assistons à la naissance de la Pragmatique Sanction L'auteur nous présente une analyse minutieuse du texte, rapporte les détails des articles, explique les difficultés, sans se rendre compte qu'il a omis de faire connaître au lecteur la scène au centre de laquelle il l'a placé. Un livre ne peut débuter par l'étude d'un texte. Une introduction largement conçue aurait dù nous introduire dans ce siècle troublé, nous montrer la situation de l'église de France au lendemain du grand schisme, le pape en lutte avec le concile et, en présence de ces forces diverses, la politique royale essayant de ressaisir dans les affaires ecclésiastiques, comme dans les affaires publiques, l'autorité qui, en faisant renaître partout la discipline, devait ramener l'ordre dans le royaume. Ce qui se passe après la Pragmatique est indiqué plus nettement. L'auteur nous explique la situation équivoque du Parlement; il discerne ses embarras; habitués à défendre les droits du roi, à favoriser par leurs arrêts la conquête monarchique, les magistrats prennent parti pour le droit d'élection des chapitres; au cours de sa défense de la Pragmatique, le Parlement se trouve dans une situation fausse puisqu'en combattant le pouvoir de Rome, il s'aperçoit qu'il entre en lutte avec le pouvoir royal.

La politique de Charles VII et de Louis XI est exposée brièvement, ainsi que celle de Charles VIII et de Louis XII. Les oscillations qui ont successivement porté les rois vers le Parlement pour menacer le pape, vers Rome pour obtenir du pontife un accord avantageux, sont indiquées au cours d'un dépouillement des textes; on aurait voulu trouver après les précisions nécessaires des conclusions qui auraient tout résumé. L'auteur aurait dù observer avec plus d'exactitude les tendances de chaque règne, donner à tous les textes cités leur date et terminer ses chapitres par un jugement qui aurait fixé le caractère de chaque période; nous sommes en présence de matériaux amenés

à pied d'œuvre, de pierres heureusement choisies et bien taillées, mais la construction a besoin d'être achevée.

La seconde partie du mémoire consacrée aux négociations présente une tout autre valeur. L'auteur a fait des recherches considérables dans les dépôts de France et d'Italie. Il a mis la main sur des documents qui lui ont permis de jeter une lumière nouvelle sur ce qui s'est passé entre les représentants du pape et du roi.

Grâce aux «< Articles originaux conclus à Bologne » (1) qui donnent un caractère précis aux stipulations arrêtées du 12 au 15 décembre 1516 entre Duprat et le cardinal Lucci, grâce aux instructions données au nonce, Louis de Canossa (2) pour la rédaction du texte du Concordat, l'auteur du mémoire numéro 2 donne sur les négociations, des indications originales que l'histoire ne connaissait pas.

La troisième partie présente avec clarté le débat entre le Parlement et le chancelier. L'auteur en analyse avec soin les détails, puis s'élevant au-dessus des minuties de texte, montre comment les magistrats semblent n'avoir pas aperçu la portée du Concordat, l'autorité qu'il allait conférer au prince, les avantages qu'en retirerait cette autorité royale dont le Parlement fidèle à une politique héréditaire s'était montré de tous temps si jaloux. Dans ce débat entre les porteurs de Remontrances et Duprat, c'est le chancelier qui se montre vraiment politique : il cherche à faire sentir aux magistrats quelle faute commet le Parlement; il ne cesse de lui montrer, en rapprochant les textes, que le Concordat et la Pragmatique se ressemblent, que tout l'essentiel de l'acte proclamé à Bourges en 1438 est passé dans le texte arrêté entre François Ier et le pape; il

(1) Le document original a été retrouvé aux Archives Nationales, avec la signature de Duprat. (V. Mémoire, page 108.)

(2) C'est aux Archives de Florence, dans les papiers Torrigiani que ce document, constituant, semble-t-il, la minute a été découvert (V. Mémoire, p. 101.)

leur rappelle que le pape avait pu, avec quelque apparence de raison, soutenir pendant trois quarts de siècle que la Pragmatique entraînait la France vers le schisme, tandis que, le Concordat signé par le pape, le roi pouvait y puiser les mêmes droits, y trouver les mêmes armes contre les ingérences abusives, en invoquant auprès du pape devenu son allié, la discipline reconnue de l'Église universelle.

La quatrième partie est consacrée à l'enregistrement du Concordat au Parlement et la cinquième à l'opposition de l'Université; on sent que si les recherches de l'auteur ont été aussi consciencieuses, le temps a commencé à lui manquer pour les mettre en œuvre; il y a des longueurs et des répétitions qui trahissent la hâte.

:

Lorsque s'ouvre la seconde question mise au concours : l'exécution du Concordat au xvr siècle, l'auteur reconnaît qu'il lui est impossible de terminer la tâche. Arrêté aux deux tiers de sa course, il trace avec soin l'itinéraire qu'il s'était fixé il expose en demeurant fidèle à sa méthode les sources auquelles il a puisé, indique les principaux documents qu'il a pu réunir et pousse l'exactitude jusqu'à donner les divisions du sujet avec les têtes de chapitre. Ce procédé ne permet pas à votre section de déclarer l'œuvre tout à fait incomplète. Si le travail de rédaction n'est pas terminé, si le mémoire n'est pas achevé, il n'en présente pas moins un ensemble de recherches dignes de fixer l'attention.

En conséquence, la section propose à l'Académie de ne pas décerner le prix, mais d'accorder :

1° A l'auteur du mémoire n° 2 une récompense de 1.500 francs;

2o A l'auteur du mémoire n° 3 une récompense de 500 francs.

Séance du 19 octobre 1907.

Le Rapporteur,
Georges PICOT.

SUPPRESSION DE LA MISÈRE

La suppression de la misère! Voilà un titre qui va faire sourire, tristement peut-être, la plupart des lecteurs. Et c'est un économiste, un membre de l'Académie des sciences morales et politiques qui ose parler de la solution de cet insoluble problème ! Voici quelque chose comme trois quarts de siècle que cette Académie, respectant les généreuses dispositions de deux de ses anciens membres, le baron Bigot de Morogues et le baron Félix de Beaujour, met périodiquement au concours l'étude des moyens de combattre le paupérisme. Et, bien qu'assurément parmi les nombreux travaux suscités par ses appels, il s'en trouve de fort distingués, tels notamment que le Mémoire d'Ambroise Clément, sur les Causes de l'indigence, et le beau livre de Victor Modeste, sur le Paupérisme, on ne peut pas dire que le mal ait été sérieusement diminué; quelquesuns même soutiennent qu'il n'a cessé d'augmenter. Aucun des savants concurrents, en tout cas, n'a encore fourni une formule qui permette d'espérer la prochaine ouverture d'une ère d'aisance et de satisfaction universelle.

Et cette formule, je le déclare, personne ne la fournira jamais. Jamais, quelles que puissent être les bonnes intentions des faiseurs de systèmes et des fournisseurs de panacées, on ne trouvera un procédé pour changer, du jour au lendemain, le sort de l'humanité et faire disparaître, comme d'un coup de baguette, le triste lot des souffrances humaines.

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