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tiennent à la religion et à l'Église; ils viennent de Dieu, et non des hommes.

D'abord, ils ne sauraient appartenir, ces biens terrestres, à la religion, qui n'a rien de temporel. Ils ne sont pas à l'Église, qui est le corps universel de tous les fidèles; à l'Église qui renferme les rois, les magistrats, les soldats, tous les sujets; car nous ne devons jamais oublier que les ecclésiastiques ne sont pas plus l'Église que les magistrats ne sont l'état.

Enfin, ces biens ne viennent de Dieu que comme tous les autres biens en dérivent, parceque tout est soumis à sa providence.

Ainsi tout ecclésiastique possesseur d'un bien ou d'une rente en jouit comme sujet et citoyen de l'état, sous la protection unique de la loi civile.

Un bien qui est quelque chose de matériel et de temporel ne saurait être sacré ni saint dans aucun sens, ni au propre ni au figuré. Si l'on dit qu'une personne, un édifice, sont sacrés, cela signifie qu'ils sont consacrés, employés à des usages spirituels.

Abuser d'une métaphore pour autoriser des droits et des prétentions destructives de toute société, c'est une entreprise dont l'histoire de la religion fournit plus d'un exemple, et même des exemples bien singuliers qui ne sont pas ici de mon ressort.

SECTION III1.

Des assemblées ecclésiastiques ou religieuses.

Il est certain qu'aucun corps ne peut former dans

I

Voyez ma note, page 466. B.

l'état aucune assemblée publique et régulière que du consentement du souverain.

Les assemblées religieuses pour le culte doivent être autorisées par le souverain dans l'ordre civil, afin qu'elles soient légitimes.

En Hollande, où le souverain accorde à cet égard la plus grande liberté, de même à peu près qu'en Russie, en Angleterre, en Prusse, ceux qui veulent former une Église doivent en obtenir la permission: dèslors cette Église est dans l'état, quoiqu'elle ne soit pas la religion de l'état. En général, dès qu'il y a un nombre suffisant de personnes ou de familles qui veulent avoir un certain culte et des assemblées, elles peuvent, sans doute, en demander la permission au magistrat souverain; et c'est à ce magistrat à en juger. Ce culte une fois autorisé, on ne peut le troubler sans pécher contre l'ordre public. La facilité que le souverain a eue en Hollande d'accorder ces permissions n'entraîne aucun désordre; et il en serait ainsi partout, si le magistrat seul examinait, jugeait, et protégeait.

Le souverain a le droit en tout temps de savoir ce qui se passe dans les assemblées, de les diriger selon l'ordre public, d'en réformer les abus, et d'abroger les assemblées s'il en naissait des désordres. Cette inspection perpétuelle est une portion essentielle de l'administration souveraine que toute religion doit reconnaître.

S'il y a dans le culte des formulaires de prières, des cantiques, des cérémonies, tout doit être soumis de même à l'inspection du magistrat. Les ecclésiastiques peuvent composer ces formulaires; mais c'est au sou

verain à les examiner, à les approuver, à les réformer au besoin. On a vu des guerres sanglantes pour des formulaires, et elles n'auraient pas eu lieu si les souverains avaient mieux connu leurs droits.

Les jours de fêtes ne peuvent pas non plus être établis sans le concours et le consentement du souverain, qui en tout temps peut les réformer, les abolir, les réunir, en régler la célébration, selon que le bien public le demande. La multiplication de ces jours de fêtes fera toujours la dépravation des mœurs et l'appauvrissement d'une nation.

L'inspection sur l'instruction publique de vive voix, ou par des livres de dévotion, appartient de droit au souverain. Ce n'est pas lui qui enseigne, mais c'est à lui à voir comment sont enseignés ses sujets. Il doit faire enseigner surtout la morale, qui est aussi nécessaire que les disputes sur le dogme ont été souvent dangereuses.

S'il y a quelques disputes entre les ecclésiastiques sur la manière d'enseigner, ou sur certains points de doctrine, le souverain peut imposer silence aux deux partis, et punir ceux qui désobéissent.

Comme les assemblées religieuses ne sont point établies sous l'autorité souveraine pour y traiter des matières politiques, les magistrats doivent réprimer les prédicateurs séditieux qui échauffent la multitude par des déclamations punissables; ils sont la peste des

états.

Tout culte suppose une discipline pour y conserver l'ordre, l'uniformité, et la décence. C'est au magis

trat à maintenir cette discipline, et à y porter les changements que le temps et les circonstances peuvent exiger.

Pendant près de huit siècles les empereurs d'Orient assemblèrent des conciles pour apaiser des troubles qui ne firent qu'augmenter, par la trop grande attention qu'on y apporta : le mépris aurait plus sûrement fait tomber de vaines disputes que les passions avaient allumées. Depuis le partage des états d'Occident en divers royaumes, les princes ont laissé aux papes la convocation de ces assemblées. Les droits du pontife de Rome ne sont à cet égard que conventionnels, et tous les souverains réunis peuvent en tout temps en décider autrement. Aucun d'eux en particulier n'est obligé de soumettre ses états à aucun canon sans l'avoir examiné et approuvé. Mais comme le concile de Trente sera apparemment le dernier, il est très inutile d'agiter toutes les questions qui pourraient regarder un concile futur et général.

Quant aux assemblées, ou synodes, ou conciles nationaux, ils ne peuvent sans contredit être convoqués que quand le souverain les juge nécessaires : ses commissaires doivent y présider et en diriger toutes les délibérations, et c'est à lui à donner la sanction aux décrets.

Il peut y avoir des assemblées périodiques du clergé pour le maintien de l'ordre, et sous l'autorité du souverain; mais la puissance civile doit toujours en déterminer les vues, en diriger les délibérations, et en faire exécuter les décisions. L'assemblée pério

dique du clergé de France n'est autre chose qu'une assemblée de commissaires économiques pour tout le clergé du royaume.

Les vœux par lesquels s'obligent quelques ecclésiastiques de vivre en corps selon une certaine règle, sous le nom de moines ou de religieux, si prodigieusement multipliés dans l'Europe, ces vœux doivent aussi être toujours soumis à l'examen et à l'inspection des magistrats souverains. Ces couvents qui renferment tant de gens inutiles à la société, et tant de victimes qui regrettent la liberté qu'ils ont perdue, ces ordres qui portent tant de noms si bizarres, ne peuvent être établis dans un pays, et tous leurs vœux ne peuvent être valables ou obligatoires que quand ils ont été examinés et approuvés au nom du souverain.

En tout temps le prince est donc en droit de prendre connaissance des règles de ces maisons religieuses, de leur conduite; il peut réformer ces maisons et les abolir, s'il les juge incompatibles avec les circonstances présentes et le bien actuel de la société.

Les biens et les acquisitions de ces corps religieux sont de même soumis à l'inspection des magistrats pour en connaître la valeur et l'emploi. Si la masse de ces richesses qui ne circulent plus était trop forte; si les revenus excédaient trop les besoins raisonnables de ces réguliers; si l'emploi de ces rentes était contraire au bien général; si cette accumulation appauvrissait les autres citoyens; dans tous ces cas il serait du devoir des magistrats, pères communs de la patrie, de diminuer ces richesses, de les partager, de les faire rentrer dans la circulation qui fait la vie d'un état, de

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