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DIVINITÉ DE JÉSUS'.

Les sociniens, qui sont regardés comme des blasphémateurs, ne reconnaissent point la divinité de Jésus-Christ. Ils osent prétendre, avec les philosophes de l'antiquité, avec les Juifs, les mahométans, et tant d'autres nations, que l'idée d'un Dieu homme est monstrueuse, que la distance d'un Dieu à l'homme est infinie, et qu'il est impossible que l'Être infini, immense, éternel, ait été contenu dans un corps périssable.

Ils ont la confiance de citer en leur faveur Eusèbe, évêque de Césarée, qui, dans son Histoire ecclésiastique, livre I, chap. x1, déclare qu'il est absurde que la nature non engendrée, immuable, du Dieu tout puissant, prenne la forme d'un homme. Ils citent les pères de l'Église Justin et Tertullien, qui ont dit la même chose Justin dans son Dialogue avec Tryphon, et Tertullien dans son Discours contre Praxéas.

Ils citent saint Paul, qui n'appelle jamais JésusChrist Dieu, et qui l'appelle homme très souvent. Ils poussent l'audace jusqu'au point d'affirmer que les chrétiens passèrent trois siècles entiers à former peuà-peu l'apothéose de Jésus, et qu'ils n'élevaient cet étonnant édifice qu'à l'exemple des païens, qui avaient divinisé des mortels. D'abord, selon eux, on ne regarda Jésus que comme un homme inspiré de Dieu; ensuite comme une créature plus parfaite que les autres. On lui donna quelque temps après une place * Dictionnaire philosophique, 1767. B.

au-dessus des anges, comme le dit saint Paul'. Chaque jour ajoutait à sa grandeur. Il devint une émanation de Dieu produite dans le temps. Ce ne fut pas assez; on le fit naître avant le temps même. Enfin on le fit Dieu consubstantiel à Dieu. Crellius, Voquelsius, Natalis Alexander, Hornebeck, ont appuyé tous ces blasphèmes par des arguments qui étonnent les sages et qui pervertissent les faibles. Ce fut surtout Fauste Socin qui répandit les semences de cette doctrine dans l'Europe; et sur la fin du seizième siècle il s'en est peu fallu qu'il n'établît une nouvelle espèce de christianisme: il y en avait déjà eu plus de trois cents espèces.

DIVORCE.

SECTION PREMIÈRE 2.

Il est dit dans l'Encyclopédie, à l'article DIVORCE, que « l'usage du divorce ayant été porté dans les Gaules << par les Romains, ce fut ainsi que Bissine ou Bazine

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que

quitta le roi de Thuringe, son mari, pour suivre « Childeric, qui l'épousa. » C'est comme si on disait les Troyens ayant établi le divorce à Sparte, Hélène répudia Ménélas, suivant la loi, pour s'en aller avec Pâris en Phrygie.

La fable agréable de Pâris, et la fable ridicule de Childéric, qui n'a jamais été roi de France, et qu'on prétend avoir enlevé Bazine, femme de Bazin, n'ont rien de commun avec la loi du divorce.

1 Hebr., 1, 4. B.

2 Cette première section formait tout l'article dans les Questions sur l'Encyclopédie, quatrième partie, 1771. B.

On cite encore Cherebert, régule de la petite ville de Lutèce près d'Issi, Lutetia Parisiorum, qui répudia sa femme. L'abbé Velli, dans son Histoire de France, dit que ce Cherebert, ou Caribert, répudia sa femme Ingoberge pour épouser Mirefleur, fille d'un artisan, et ensuite Theudegilde, fille d'un berger, qui « fut élevée sur le premier trône de l'empire << français. >>

Il n'y avait alors ni premier ni second trône chez ces barbares, que l'empire romain ne reconnut jamais pour rois. Il n'y avait point d'empire français.

L'empire des Francs ne commença que par Charlemagne. Il est fort douteux que le mot Mirefleur fût en usage dans la langue welche ou gauloise, qui était un patois du jargon celte : ce patois n'avait pas des expressions si douces.

Il est dit encore que le réga ou régule Chilpéric, seigneur de la province du Soissonnais, et qu'on appelle roi de France, fit un divorce avec la reine Andove ou Andovère; et voici la raison de ce divorce.

Cette Andovère, après avoir donné au seigneur de Soissons trois enfants mâles, accoucha d'une fille. Les Francs étaient en quelque façon chrétiens depuis Clovis. Andovère, étant relevée de couche, présenta sa fille au baptême. Chilpéric de Soissons, qui apparemment était fort las d'elle, lui déclara que c'était un crime irrémissible d'être marraine de son enfant, qu'elle ne pouvait plus être sa femme par les lois de l'Église, et il épousa Frédégonde; après quoi il chassa Frédégonde, épousa une Visigothe, et puis reprit Frédégonde.

Tout cela n'a rien de bien légal, et ne doit pas plus être cité que ce qui se passait en Irlande et dans les îles Orcades.

Le code Justinien, que nous avons adopté en plusieurs points, autorise le divorce; mais le droit canonique, que les catholiques ont encore plus adopté, ne le permet pas.

L'auteur de l'article dit que « le divorce se pratique << dans les états d'Allemagne de la confession d'Augsbourg. >>

On peut ajouter que cet usage est établi dans tous les pays du Nord, chez tous les réformés de toutes les confessions possibles, et dans toute l'Église

grecque.

Le divorce est probablement de la même date à peu près que le mariage. Je crois pourtant que le mariage est de quelques semaines plus ancien; c'est-à-dire qu'on se querella avec sa femme au bout de quinze jours, qu'on la battit au bout d'un mois, et qu'on s'en sépara après six semaines de cohabitation.

Justinien, qui rassembla toutes les lois faites avant lui, auxquelles il ajouta les siennes, non seulement confirme celle du divorce, mais il lui donne encore plus d'étendue; au point que toute femme dont le mari était, non pas esclave, mais simplement prisonnier de guerre pendant cinq ans, pouvait, après les cinq ans révolus, contracter un autre mariage.

Justinien était chrétien, et même théologien : comment donc arriva-t-il que l'Église dérogeât à ses lois? Ce fut quand l'Église devint souveraine et législatrice. Les papes n'eurent pas de peine à substituer leurs dé

crétales au code dans l'Occident, plongé dans l'ignorance et dans la barbarie. Ils profitèrent tellement de la stupidité des hommes, qu'Honorius III, Grégoire IX, Innocent III, défendirent par leurs bulles qu'on enseignât le droit civil. On peut dire de cette hardiesse: Cela n'est pas croyable, mais cela est vrai.

Comme l'Église jugea seule du mariage, elle jugea seule du divorce. Point de prince qui ait fait un divorce et qui ait épousé une seconde femme sans l'ordre du pape avant Henri VIII, roi d'Angleterre, qui ne se passa du pape qu'après avoir long-temps sollicité son procès en cour de Rome.

Cette coutume, établie dans des temps d'ignorance, se perpétua dans les temps.éclairés, par la seule raison qu'elle existait. Tout abus s'éternise de lui-même; c'est l'écurie d'Augias, il faut un Hercule pour la nettoyer.

Henri IV ne put être père d'un roi de France que par une sentence du pape : encore fallut-il, comme on l'a déja remarqué1, non pas prononcer un divorce, mais mentir en prononçant qu'il n'y avait point eu de mariage.

SECTION II 2.

DOGMES 3.

On sait que toute croyance enseignée par l'Église

Voyez l'article ADULTÈRE, tome XXVI, page 107, et l'Histoire du Parlement, ch. XLI. B.

Cette seconde section se composait du Mémoire d'un magistrat écrit vers l'an 1764, qui fait partie de l'article ADULTÈRE, tome XXVI, page 104. B.

3 Article ajouté dans l'édition de 1765 du Dictionnaire philosophique. Il

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