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DONDINDAC.

C'est qu'il est juste d'adorer l'Être suprême de qui

nous tenons tout.

LOGOMACOS.

Pas mal pour un barbare! Et que lui demandes-tu?

DONDINDAC.

Je le remercie des biens dont je jouis, et même des maux dans lesquels il m'éprouve; mais je me garde bien de lui rien demander; il sait mieux que nous ce qu'il nous faut, et je craindrais d'ailleurs de demander du beau temps quand mon voisin demanderait de la pluie.

LOGOMA COS.

Ah! je me doutais bien qu'il allait dire quelque sottise. Reprenons les choses de plus haut. Barbare, qui t'a dit qu'il y a un Dieu ?

DONDINDAC.

La nature entière.

LOGOMA COS.

Cela ne suffit pas. Quelle idée as-tu de Dieu ?

DON DINDAC.

L'idée de mon créateur, de mon maître, qui me récompensera si je fais bien, et qui me punira si je fais mal.

LOGOMACOS.

Bagatelles, pauvretés que cela! Venons à l'essentiel. Dieu est-il infini secundum quid, ou selon l'essence?

DONDINDAC.

Je ne vous entends pas.

LOGOMA COS.

Bête brute! Dieu est-il en un lieu, ou hors de tout lieu, ou en tout lieu?

DONDINDA C.

Je n'en sais rien... tout comme il vous plaira.

LOGOMACOS.

Ignorant! Peut-il faire que ce qui a été n'ait point été, et qu'un bâton n'ait pas deux bouts? voit-il le futur comme futur ou comme présent? comment fait-il pour tirer l'être du néant, et pour anéantir l'être?

DONDINDA C.

Je n'ai jamais examiné ces choses.

LOGOMA COS.

Quel lourdaud! Allons, il faut s'abaisser, se proportionner. Dis-moi, mon ami, crois-tu que la matière puisse être éternelle?

DONDINDAC.

Que m'importe qu'elle existe de toute éternité, ou non? je n'existe pas, moi, de toute éternité. Dieu est toujours mon maître; il m'a donné la notion de la justice, je dois la suivre; je ne veux point être philosophe, je veux être homme.

LOGOMA COS.

On a bien de la peine avec ces têtes dures. Allons pied à pied : qu'est-ce que Dieu ?

DONDINDA C.

Mon souverain, mon juge, mon père.

LOGOMACOS.

Ce n'est pas là ce que je demande. Quelle est sa nature?

DONDINDA C.

D'être puissant et bon.

LOGOMACOS.

Mais, est-il corporel ou spirituel?

DONDINDA C.

Comment voulez-vous que je le sache?

LOGOM A COS.

Quoi! tu ne sais pas ce que c'est qu'un esprit?

DONDINDAC.

Pas le moindre mot: à quoi cela me servirait-il? en serais-je plus juste? serais-je meilleur mari, meilleur père, meilleur maître, meilleur citoyen?

LOGOMACOS.

Il faut absolument t'apprendre ce que c'est qu'un esprit; c'est, c'est, c'est..... Je te dirai cela une autre fois.

DONDINDAC.

J'ai bien peur que vous ne me disiez moins ce qu'il est que ce qu'il n'est pas. Permettez-moi de vous faire à mon tour une question. J'ai vu autrefois un de vos temples: pourquoi peignez-vous Dieu avec une grande barbe?

LOGOMACOS.

C'est une question très difficile, et qui demande des instructions préliminaires.

DONDINDAC.

Avant de recevoir vos instructions, il faut que je vous conte ce qui m'est arrivé un jour. Je venais de faire bâtir un cabinet au bout de mon jardin; j'entendis une taupe qui raisonnait avec un hanneton: Voilà une belle fabrique, disait la taupe; il faut que ce soit

une taupe bien puissante qui ait fait cet ouvrage. Vous vous moquez, dit le hanneton; c'est un hanneton tout plein de génie qui est l'architecte de ce bâtiment. Depuis ce temps-là j'ai résolu de ne jamais disputer.

DIOCLÉTIEN'.

Après plusieurs règnes faibles ou tyranniques, l'empire romain eut un bon empereur dans Probus, et les légions le massacrèrent. Elles élurent Carus, qui fut tué d'un coup de tonnerre vers le Tigre, lorsqu'il fesait la guerre aux Perses. Son fils Numérien fut proclamé par les soldats. Les historiens nous disent sérieusement qu'à force de pleurer la mort de son père, il en perdit presque la vue, et qu'il fut obligé, en fesant la en fesant la guerre, de demeurer toujours entre quatre rideaux. Son beau-père, nommé Aper, le tua dans son lit pour se mettre sur le trône: mais un druide avait prédit dans les Gaules à Dioclétien, l'un des généraux de l'armée, qu'il serait immédiatement empereur après avoir tué un sanglier; or, un sanglier se nomme en latin aper. Dioclétien assembla l'armée, tua de sa main Aper en présence des soldats, et accomplit ainsi la prédiction du druide. Les historiens qui rapportent cet oracle, méritaient de se nourrir du fruit de l'arbre que les druides révéraient. Il est certain que Dioclétien tua le beau-père de son empereur; ce fut là son premier droit au trône : le

1 Ce morceau, imprimé en 1 756 dans la Suite des Mélanges (4 partie), y était placé entre les deux morceaux qui forment les première et seconde sections de l'article CONSTANTIN. B.

second, c'est que Numérien avait un frère nommé Carin, qui était aussi empereur, et qui, s'étant opposé à l'élévation de Dioclétien, fut tué par un des tribuns de son armée. Voilà les droits de Dioclétien à l'empire. Depuis long-temps il n'y en avait guère

d'autres.

Il était originaire de Dalmatie, de la petite ville de Dioclée, dont il avait pris le nom. S'il est vrai que son père ait été laboureur, et que lui-même dans sa jeunesse ait été esclave d'un sénateur nommé Anulinus, c'est là son plus bel éloge: il ne pouvait devoir son élévation qu'à lui-même : il est bien clair qu'il s'était concilié l'estime de son armée, puisqu'on oublia sa naissance pour lui donner le diadême. Lactance, auteur chrétien, mais un peu partial, prétend que Dioclétien était le plus grand poltron de l'empire. Il n'y a guère d'apparence que des soldats romains aient choisi un poltron pour les gouverner, et que ce poltron eût passé par tous les degrés de la milice. Le zèle de Lactance contre un empereur païen est très louable, mais adroit.

il n'est pas

Dioclétien contint en maître, pendant vingt années, ces fières légions qui défesaient leurs empereurs avec autant de facilité qu'elles les fesaient : c'est encore une preuve, malgré Lactance, qu'il fut aussi grand prince que brave soldat. L'empire reprit bientôt sous lui sa première splendeur. Les Gaulois, les Africains, les Égyptiens, les Anglais, soulevés en divers temps, furent tous remis sous l'obéissance de l'empire; les Perses mêmes furent vaincus. Tant de succès au-dehors, une administration encore plus heureuse au-de

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