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On ne laisse pas d'être fort en peine pour décider formellement dans quel cas il faut révéler la confession; car si on décide que c'est pour le crime de lèse-majesté humaine, il est aisé d'étendre bien loin ce crime de lèse-majesté, et de le porter jusqu'à la contrebande du sel et des mousselines, attendu que ce délit offense précisément les majestés. A plus forte raison faudrat-il révéler les crimes de lèse-majesté divine; et cela peut aller jusqu'aux moindres fautes, comme d'avoir manqué vêpres et le salut.

Il serait donc très important de bien convenir des confessions qu'on doit révéler, et de celles qu'on doit taire; mais une telle décision serait encore très dangereuse. Que de choses il ne faut pas approfondir!

Pontas, qui décide en trois volumes in-folio de tous les cas possibles de la conscience des Français, et qui est ignoré dans le reste de la terre, dit qu'en aucune occasion on ne doit révéler la confession. Les parlements ont décidé le contraire. A qui croire de Pontas ou des gardiens des lois du royaume, qui veillent sur la vie des rois et sur le salut de l'état ?

SI LES LAÏQUES ET LES FEMMES ONT ÉTÉ CONFESSEURS ET CONFESSEUSES.

De même que dans l'ancienne loi les laïques se confessaient les uns aux autres, les laïques dans la nouvelle loi eurent long-temps ce droit par l'usage. Il suffit, le prouver, de citer le célèbre Joinville, qui dit expressément, « que le connétable de Chypre se con

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a Voyez Pontas, à l'article CONFesseur.

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« fessa à lui, et qu'il lui donna l'absolution suivant le « droit qu'il en avait, »

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Saint Thomas s'exprime ainsi dans sa Somme": « Confessio ex defectu sacerdotis laïco facta sacramen<< talis est quodam modo.» « La confession faite à un laïque au défaut d'un prêtre est sacramentale en quelque façon. » On voit dans la Vie de Saint Burgundofare", et dans la Règle d'un inconnu, que les religieuses se confessaient à leur abbesse des péchés les plus graves. La Règle de Saint Donat ordonne que les religieuses découvriront trois fois chaque jour leurs fautes à la supérieure. Les Capitulaires de nos rois disent qu'il faut interdire aux abbesses le droit qu'elles se sont arrogé, contre la coutume de la sainte Église, de donner des bénédictions et d'imposer les mains; ce qui paraît signifier donner l'absolution, et suppose la confession des péchés. Marc, patriarche d'Alexandrie, demande à Balzamon, célèbre canoniste grec de son temps, si on doit accorder aux abbesses la permission d'entendre les confessions; à quoi Balzamon répond négativement. Nous avons dans le droit canonique un décret du pape Innocent III qui enjoint aux évêques de Valence et de Burgos en Espagne d'empêcher certaines abbesses de bénir leurs religieuses, de les confesser, et de prêcher publiquement. « Quoique, dit-il, la bienheureuse Vierge Marie ait été supé<«< rieure à tous les apôtres en dignité et en mérite, ce

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a Troisième partie, page 255, édition de Lyon, 1738.— ↳ Mabil., ch. vIII et XIII.— Chap. xxI.—d Liv. I, ch. LXXVI. C. Nova X. Extra de pœnit.

et remiss.

DICTIONN. PHILOS. III.

II

<«< n'est pas néanmoins à elle, mais aux apôtres, que le Seigneur a confié les clefs du royaume des cieux. >>

Ce droit était si ancien, qu'on le trouve établi dans les Règles de saint Basile". Il permet aux abbesses de confesser leurs religieuses conjointement avec un prêtre.

Le P. Martène, dans ses Rites de l'Église”, convient que les abbesses confessèrent long-temps leurs nonnes; mais il ajoute qu'elles étaient si curieuses, qu'on fut obligé de leur ôter ce droit.

L'ex-jésuite nommé Nonotte doit se confesser et faire pénitence, non pas d'avoir été un des plus grands ignorants qui aient jamais barbouillé du papier, car ce n'est pas un péché; non pas d'avoir appelé du nom d'erreurs1 des vérités qu'il ne connaissait pas; mais d'avoir calomnié avec la plus stupide insolence l'auteur de cet article, et d'avoir appelé son frère raca, en niant tous ces faits et beaucoup d'autres dont il ne savait pas un mot. Il s'est rendu coupable de la géhenne du feu; il faut espérer qu'il demandera pardon à Dieu de ses énormes sottises: nous ne demandons point la mort du pécheur, mais sa conversion.

On a long-temps agité pourquoi trois hommes assez fameux dans cette petite partie du monde où la confession est en usage, sont morts sans ce sacrement. Ce sont le pape Léon X, Pellisson, et le cardinal Dubois.

a Tome II, page 453.- Tome II, page 39.

1 Allusion à l'ouvrage de Nonotte, intitulé: Les Erreurs de M. de Voltaire. B.

Ce cardinal se fit ouvrir le périnée par le bistouri de La Peyronie; mais il pouvait se confesser et communier avant l'opération.

Pellisson, protestant jusqu'à l'âge de quarante ans, s'était converti pour être maître des requêtes, et pour avoir des bénéfices.

À l'égard du pape Léon X, il était si occupé des affaires temporelles quand il fut surpris par la mort, qu'il n'eut pas le temps de songer aux spirituelles.

DES BILLETS DE CONFESSION.

Dans les pays protestants on se confesse à Dieu, et dans les pays catholiques aux hommes. Les protestants disent qu'on ne peut tromper Dieu, au lieu qu'on ne dit aux hommes que ce qu'on veut. Comme nous ne traitons jamais la controverse, nous n'entrons point dans cette ancienne dispute. Notre société littéraire est composée de catholiques et de protestants réunis par l'amour des lettres. Il ne faut pas que les querelles ecclésiastiques y sèment la zizanie.

1 Contentons-nous de la belle réponse de ce Grec dont nous avons déjà parlé2, et qu'un prêtre voulait confesser aux mystères de Cérès: Est-ce à Dieu ou à toi que je dois parler? C'est à Dieu. Retire-toi donc, ô homme!

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En Italie, et dans les pays d'obédience, il faut que tout le monde, sans distinction, se confesse et communie. Si vous avez par-devers vous des péchés énor

1 Cet alinéa n'existait pas en 1771; il fut ajouté en 1774. B.

a Ci-dessus, page 154, ligne 5. B.

mes, vous avez aussi les grands-pénitenciers pour vous absoudre. Si votre confession ne vaut rien, tant pis pour vous. On vous donne à bon compte un reçu imprimé moyennant quoi vous communiez, et on jette tous les reçus dans un ciboire; c'est la règle.

On ne connaissait point à Paris ces billets au porteur, lorsque, vers l'an 1750, un archevêque de Paris imagina d'introduire une espèce de banque spirituelle pour extirper le jansénisme, et pour faire triompher la bulle Unigenitus1. Il voulut qu'on refusât l'extrêmeonction et le viatique à tout malade qui ne remettait pas un billet de confession signé d'un prêtre constitutionnaire.

C'était refuser les sacrements aux neuf dixièmes de Paris. On lui disait en vain : Songez à ce que vous faites ou ces sacrements sont nécessaires pour n'être point damné, ou l'on peut être sauvé sans eux avec la foi, l'espérance, la charité, les bonnes œuvres, et les mérites de notre Sauveur. Si l'on peut être sauvé sans ce viatique, vos billets sont inutiles. Si les sacrements sont absolument nécessaires, vous damnez tous ceux que vous en privez; vous faites brûler pendant toute l'éternité six à sept cent mille ames, supposé que vous viviez assez long-temps pour les enterrer: cela est violent; calmez-vous, et laissez mourir chacun comme il peut.

Il ne répondit point à ce dilemme; mais il persista. C'est une chose horrible d'employer pour tourmenter les hommes la religion qui les doit consoler. Le par

I

Voyez le chap. xxxvi du Précis du Siècle de Louis XV, et le chap. LXV de l'Histoire du Parlement. B.

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