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pour rien : le gouvernement a tout fait. Nous ne considérons ici que les causes secondes, sans lever des yeux profanes vers la Providence qui les dirige. La religion chrétienne, née dans la Syrie, ayant reçu ses principaux accroissements dans Alexandrie, habite aujourd'hui les pays où Teutate, Irminsul, Frida, Odin, étaient adorés.

Il y a des peuples dont ni le climat ni le gouvernement n'ont fait la religion. Quelle cause a détaché le nord de l'Allemagne, le Danemarck, les trois quarts de la Suisse, la Hollande, l'Angleterre, l'Écosse, l'Irlande, de la communion romaine?.... la pauvreté. On vendait trop cher les indulgences et la délivrance du purgatoire à des ames dont les corps avaient alors très peu d'argent. Les prélats, les moines, engloutissaient tout le revenu d'une province. On prit une religion à meilleur marché. Enfin, après vingt guerres civiles, on a cru que la religion du pape était fort bonne pour les grands seigneurs, et la réformée pour les citoyens. Le temps fera voir qui doit l'emporter vers la mer Égée et le Pont-Euxin, de la religion grecque, ou de la religion turque.

CLOU1.

Nous ne nous arrêterons pas à remarquer la barbarie agreste qui fit clou de clavus, et Cloud de Clodoaldus, et clou de girofle, quoique le girofle ressemble fort mal à un clou, et clou, maladie de l'œil, et clou, tumeur de la peau, etc. Ces expressions

1 Questions sur l'Encyclopédie, quatrième partie, 1771. B.

viennent de la négligence, et de la stérilité de l'imagination; c'est la honte d'un langage.

Nous demandons seulement ici aux réviseurs de livres la permission de transcrire ce que le missionnaire Labat, dominicain, provéditeur du saint-office, a écrit sur les clous de la croix, à laquelle il est plus que probable que jamais aucun clou ne fut attaché.

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« Le religieux italien qui nous conduisait eut as<< sez de crédit pour nous faire voir entre autres un des << clous dont notre Seigneur fut attaché à la croix. Il << me parut bien différent de celui que les bénédictins << font voir à Saint-Denys. Peut-être que celui de Saint« Denys avait servi pour les pieds, et qu'il devait être plus grand que celui des mains. Il fallait pourtant « que ceux des mains fussent assez grands et assez << forts pour soutenir tout le poids du corps. Mais il << faut que les Juifs aient employé plus de quatre «< clous, ou que quelques uns de ceux qu'on expose à « la vénération des fidèles ne soient pas bien authentiques; car l'histoire rapporte que sainte Hélène en «< jeta un dans la mer pour apaiser une tempête fu<«<rieuse qui agitait son vaisseau. Constantin se servit <«< d'un autre pour faire le mors de la bride de son ༥ cheval. On en montre un tout entier à Saint-Denys << en France, et un autre aussi tout entier à Sainte« Croix de Jérusalem à Rome. Un auteur romain de «< notre siècle, très célèbre, assure que la couronne « de fer dont on couronne les empereurs en Italie, << est faite d'un de ces clous. On voit à Rome et à

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a Voyages du jacobin Labat, tome VIII, pages 34 et 35.

Carpentras deux mors de bride aussi faits de ces <«< clous, et on en fait voir encore en d'autres endroits. << Il est vrai qu'on a la discrétion de dire de quelques « uns, tantôt que c'est la pointe, et tantôt que c'est << la tête. >>

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Le missionnaire parle sur le même ton de toutes les reliques. Il dit au même endroit que lorsqu'on apporta de Jérusalem à Rome le corps du premier diacre saint Étienne, et qu'on le mit dans le tombeau du diacre saint Laurent, en 557, «saint Laurent se retira de lui<< même pour donner la droite à son hôte; action qui <«<lui acquit le surnom de civil Espagnol *. »

Ne fesons sur ces passages qu'une réflexion, c'est que si quelque philosophe s'était expliqué dans l'En

a Ce même missionnaire Labat, frère prêcheur, provéditeur du saint-office, qui ne manque pas une occasion de tomber rudement sur les reliques et sur les miracles des autres moines, ne parle qu'avec une noble assurance de tous les prodiges et de toutes les prééminences de l'ordre de saint Dominique. Nul écrivain monastique n'a jamais poussé si loin la vigueur de l'amour-propre conventuel. Il faut voir comme il traite les bénédictins et le P. Martène. «*Ingrats bénédictins!... Ah P. Martène !... noire ingratitude, « que toute l'eau du déluge ne peut effacer!... vous enchérissez sur les Lettres « provinciales, et vous retenez le bien des jacobins! Tremblez, révérends bénédictins de la congrégation de Saint-Vannes... Si P. Martène n'est pas con« tent, il n'a qu'à parler. »

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C'est bien pis quand il punit le très judicieux et très plaisant voyageur Misson, de n'avoir pas excepté les jacobins de tous les moines auxquels il accorde beaucoup de ridicule. Labat traite Misson de bouffon ignorant qui ne peut être lu que de la canaille anglaise. Et ce qu'il y a de mieux, c'est que ce moine fait tous ses efforts pour être plus hardi et plus drôle que Misson. Au surplus, c'était un des plus effrontés convertisseurs que nous eussions; mais en qualité de voyageur il ressemble à tous les autres, qui croient que tout l'univers a les yeux ouverts sur tous les cabarets où ils ont couché, et sur leurs querelles avec les commis de la douane.

• Voyages de Labat (en Espagne et en Italie), tome V, depuis la page 303 jusqu'à la page 313.-Cette citation est de Voltaire. B.

cyclopédie comme le missionnaire dominicain Labat, une foule de Patouillets et de Nonottes, de Chiniacs, de Chaumeix, et d'autres polissons, auraient crié au déiste, à l'athée, au géomètre.

Selon ce que l'on peut être

Les choses changent de nom.

AMPHITRYON, Prologue.

COHÉRENCE, COHÉSION, ADHÉSION1.

Force par laquelle les parties des corps tiennent ensemble. C'est le phénomène le plus commun et le plus inconnu. Newton se moque des atomes crochus par lesquels on a voulu expliquer la cohérence; car il resterait à savoir pourquoi ils sont crochus, et pourquoi ils cohèrent.

Il ne traite pas mieux ceux qui ont expliqué la cohésion par le repos : « C'est, dit-il, une qualité occulte.»

Il a recours à une attraction; mais cette attraction qui peut exister, et qui n'est point du tout démontrée, n'est-elle pas une qualité occulte? La grande attraction des globes célestes est démontrée et calculée. Celle des corps adhérents est incalculable: or, comment admettre une force immensurable qui serait de la même nature que celle qu'on mesure?

Néanmoins, il est démontré que la force d'attraction agit sur toutes les planètes et sur tous les corps graves, proportionnellement à leur solidité; donc elle agit sur toutes les particules de la matière; donc il est très vraisemblable qu'en résidant dans chaque

1 Questions sur l'Encyclopédie, quatrième partie, 1771. B.

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COHÉRENCE, COHÉSION, ADHÉSION.

partie par rapport au tout, elle réside aussi dans chaque partie par rapport à la continuité; donc la cohérence peut être l'effet de l'attraction.

Cette opinion paraît admissible jusqu'à ce qu'on trouve mieux; et le mieux n'est pas facile à rencontrer.

COLIMAÇONS.-COMMERCE".

CONCILES 3.

SECTION PREMIÈRE.

Assemblée d'ecclésiastiques convoquée pour résoudre des doutes ou des questions sur les points de foi ou de discipline.

L'usage des conciles n'était pas inconnu aux sectateurs de l'ancienne religion de Zerdusht que nous appelons Zoroastre. Vers l'an 200 de notre ère vulgaire, le roi de Perse Ardeshir-Babęcan assembla quarante mille prêtres pour les consulter sur des doutes qu'il avait touchant le paradis et l'enfer qu'ils nomment la

1 L'article que les Questions sur l'Encyclopédie comprenaient sous ce titre avait deux sections : la première se composait de la première Lettre du R. P. Lescarbotier (voyez Mélanges, année 1768); la seconde, d'un fragment de la Dissertation d'un physicien de Saint-Flour, fesant partie de la troisième Lettre du R. P., et d'un fragment de la Réflexion de l'éditeur. B. 2 Cet article, que les éditeurs de Kehl n'ont donné que dans leur errata, se composait de la dixième des Lettres philosophiques (Mélanges, année 1734). B.

13 Comme le fond de ces trois sections de l'article CONCILES est absolument le même, nous croyons devoir répéter ici que les différentes sections qui composent chaque article, tirées presque toujours d'ouvrages publiés séparément, doivent renfermer quelques répétitions; mais comme le ton de chaque article, les réflexions, ou la manière de les présenter, diffèrent presque toujours, nous avons conservé ces articles dans leur entier. K.

a Hyde, Religion des Persans, chap. xx1.

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