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qu'on s'en puisse passer (1). » Écoutons les belles paroles du prêtre moraliste: «Au lieu de confier témérairement son salut à un homme peu connu, et de s'en reposer sur ses soins, il ne faut rien mettre en parallèle avec ses intérêts éternels, et ne se décharger sur qui que ce soit de l'âme unique et immortelle qu'on a reçue. Un homme saint et fidèle nous aidera mais quand il serait un Ange du ciel, il ne peut avoir que la moindre part dans la juste sollicitude dont nous sommes nous-mêmes le sujet et la matière (2). »

Cette Étude dans laquelle j'ai suivi pas à pas mon auteur, permet, je l'espère, d'apprécier avec quel soin scrupuleux il a traité sa matière; avec lequel, je dirais même, il l'a épuisée. Cette consciencieuse application, louable à tant d'égards, est, à un certain point de vue, un réel défaut. On se prend à craindre, à mesure qu'on avance dans l'analyse, que Madame de Genlis n'ait eu un peu raison. Cet ennui dont ne triomphe point tant de finesse d'aperçus, tant de bonheur de peinture, tant de facilité de style, résulte peut-être de la trop régulière succession de cette finesse, de ces tableaux, de cette facilité même. Ces divisions et ces articles multipliés outre mesure fatiguent l'attention en la partageant entre mille détails, dont (1) Des Femmes.

(2) 3 partie, III, 192. Ce n'est pas du confesseur, mais du directeur qu'il s'agit dans ce passage.

elle a peine à saisir la liaison avec les idées générales qu'ils tendent à éclaircir. La confusion naît de cette profusion; et l'on souhaiterait pour l'Institution d'un Prince sinon ce que voulait La Harpe : une réduction de deux volumes en dix pages, du moins, ce que demandait Madame de Genlis, la condensation en deux volumes de ce qui, dans l'auteur, fait la matière de quatre. Mais pour juger l'écrivain moraliste d'après les principes d'équité sévère qu'il appliquait lui-même à l'examen des sujets, reconnaissons dans le Traité de Du Guet une œuvre de patiente érudition; et admirons le rayonnement merveilleux d'une intelligence capable de tout entreprendre et de tout achever.

QUATRIEME PARTIE

DU GUET DIRECTEUR

SOMMAIRE

Aptitude particulière de Du Guet pour la Direction.

thode.

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Valeur morale du procédé. Qualité spéciale. dans l'exercice de cette fonction. Conseils aux Novices. Sévérité et indulgence du Directeur.

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Souplesse de son génie spirituel. L'auteur se fait oublier lui-même. - Il n'est point sans quelque souci de la forme littéraire.Jugement d'André.

-

Onction Du Guet opposé à Nicole. supérieure dans le premier. Comment il propose la Consolation. Comment on doit bannir la tristesse. - Forme polie et délicate de ses avis. Lettre à Madame de La Fayette. Ses sentiments respectueux et tendres envers les femmes qu'il dirigeait. Comment Du Guet comprenait le rôle du Directeur à l'égard de la femme. De la Mode. Opinion sur les spectacles, conforme à celle de Conduite des personnes scrupuleuses. De la vraie et de la fausse humilité. · Solidité de ses conseils; son bon ton et sa mesure. - Conclusion.

Bossuet et de Rousseau.

Dans des distiques latins destinés à être mis au bas du portrait de Du Guet, Rollin a dit (1) :

Anxia consiliis corda levare potens (1).

Le mot n'était point une flatterie : il était strictement vrai. Si de l'étude du Moraliste, nous passons à celle du Directeur, nous serons amené à reconnaître en cet érudit des saintes lettres, une supériorité réelle dans l'exercice de l'apostolat de la plume, qui balançait au XVIIe siècle, l'apostolat de la parole. Du Guet avait reçu du Ciel cette influence secrète qui prédispose une âme aux délicates fonctions de guide de la vie intérieure. De nos jours, il n'existe plus de Directeurs comme l'entendaient nos pères : il ne faut donc

(1) Voici les vers de Rollin :

In effigiem D. Du Guet.

Grande olli ingenium, vis fandi blanda, profundum
Doctrinæ flumen, mens pietate flagrans,

Lux fuit ille sui, tenebris licet abditus ævi;

Anxia consiliis corda levare potens ;

Altos scripturæ solers devolvere sensus ;

Christum apprime sciens, divitiasque Crucis. Quid non pro vero ad summam tulit usque senecitam ? Esto robur ei perfugiumque, Deus.

Édit. Letronne, p. 389.

point s'étonner qu'avec le ministère qui l'inspirait, ce genre littéraire ait absolument disparu. L'intérêt qui s'attache aux Lettres spirituelles ne peut être que rétrospectif à une époque « où l'on vit généralement pour soi-même et dans les autres, au lieu de vivre en soi et pour les autres (1), » second point qui constitue la grande loi religieuse.

Du Guet qui, comme Bossuet et Nicole, saint François de Salles et Fénelon, ne cherchait qu'à répandre au dehors les sereines lumières qui brillaient en lui, entreprit, avec autant de zèle, l'œuvre d'illustres devanciers. Les Conférences de saint Magloire avaient commencé une réputation qui s'accrut bientôt du concours de beaucoup de personnes de qualité, de femmes surtout. Cet homme, si spirituel et si bon, comme l'on disait alors, n'était-il pas celui qui répondait de plus près aux besoins de certaines âmes? Ainsi raisonnaiton au faubourg Saint-Jacques et ailleurs. Une exquise politesse, une sollicitude qui s'étendait à tout, et portait jusque sur les détails en apparence les plus insignifiants, une discrétion profonde, et pour couronner tant de qualités recommandables, une vertu sans reproche, mais non sans grâces attractives, le désignaient aux gens du monde, comme le guide le plus éclairé et le plus sûr.

Il nous reste dix volumes de Lettres, dans lesquels

(1) Caro. Nouvelles études morales, p. 152.

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