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dissipant et renversant tout en un moment, sans que personne ose ouvrir la bouche pour se plaindre et empêcher l'exécution étonnante de ce zèle brûlant du Fils de Dieu. « On se souviendra éternellement, dit Jésus-Christ, de la première et de la dernière Pâque de mon ministère public: et les deux signalées actions que j'ai faites dans l'une et dans l'autre, en chassant les profanateurs du Temple, apprendront à tous les hommes que je suis le véritable Fils du Vrai et Unique Dieu, qui y est adoré; et que je suis tellement son Fils, que je lui suis égal en toutes choses (1). »

Le Crucifiement est encore une preuve de la force divine de Jésus-Christ. Du Guet fait tenir ce langage à la grande Victime : « Je veux réconcilier le Ciel et la Terre, étant placé comme Médiateur entre l'un et l'autre. Je veux être montré à tous les peuples, à ceux qui sont proches, et à ceux qui sont éloignés ; et je veux marquer par ma situation et par l'étendue de mes mains, les extrémités du monde que j'appelle à moi et dont je fais la conquête (2). » En effet le Christ apparaît dans sa Passion encore plus Dieu que durant sa vie. Il s'est rendu caution des pécheurs, et il tient leur place: il les représente tous, non comme une simple image et comme une figure, mais comme ayant réellement contracté leurs obligations, comme chargé de leurs dettes. En assurant un tel poids, il

(1) Expl., t. I, 2o part., p. 466.

(2) Ibid., p. 632.

s'oblige à tout ce que les hommes prévaricateurs auraient dû faire, s'ils avaient connu leur état, et s'ils avaient été touchés de repentir. Aussi paraît-il devant son Père avec crainte, saisissement, et n'oppose-t-il à sa colère que ses gémissements et des paroles qui attestent de sa complète obéissance aux décrets les plus terribles de la Justice irritée.

Du Christ en qui elle réside hypostatiquement, la Divinité passe aux Écritures: Or il est vraiment étonnant que les Évangélistes parmi lesquels se trouvent des Apôtres, rapportent les faits sans passion ni commentaires, sans atténuation aucune par rapport aux actes dont l'odieux les peut eux-mêmes couvrir de honte. C'est ainsi qu'ils appellent le traître Judas : un des douze. Du Guet, en cette occasion ne fait que répéter le mot de saint Chrysostôme « Non pudet Matthæum ista conscribere, ut discas eum in omnibus servare veritatem (1). » Dans l'ordre que Jésus-Christ donne à ses disciples de suivre, sans lui adresser aucune question, l'hôtellier qu'ils rencontreront se rendant à la fontaine, il faut voir selon l'Interprête, une preuve de la Providence de l'Homme-Dieu, qui préside à tout et fait servir les choses qui paraissent petites et arbitraires, à l'exécution de ses plus augustes desseins. « Le Maître vous envoie dire: Mon temps est proche; je viens faire la Pâque chez vous avec mes disciples;

(1) Sermon sur la trahison de Judas, t. V,

où est le lieu où je dois la manger (1)?» Pas une explication de plus. Ainsi se révèle le Christ comme souverain arbitre des volontés humaines, qu'il plie à ses desseins, et conduit en dépit de toutes leurs agitations.

Fidèle à sa méthode dont un des procédés habituels consiste à rapprocher les symboles des actes qu'ils figurent ou auxquels ils ont immédiatement rapport, Du Guet aperçoit dans le renvoi des Juifs chassés du Temple, l'image d'un autre peuple et d'un autre sanctuaire. Il lui semble que le nom de Judas et les trente pièces d'argent auraient dû faire souvenir les prêtres de Joseph, vendu aux Ismaélites par Juda (2). SaintPierre s'écriant après la dernière cène : Quoi! vous me laveriez les pieds! lui rappelle ces fidèles qui voient au commencement, d'une vue générale, les mystères de Jésus-Christ, mais qui sont saisis d'étonnement et de frayeur, lorsqu'ils découvrent que c'est pour eux-mêmes que ces mystères se sont accomplis. L'Echelle mystérieuse de Jacob est l'union du Ciel et de la Terre par Jésus-Christ, 'qui nous a fait passer de la mort à la vie. Jésus portant la Croix est figuré par Isaac, et le Père Céleste par Abraham. Samson à qui l'on bande les yeux, représente quoique très-imparfaitement le Messie insulté et couvert d'un bandeau dans le prétoire. Le renoncement de Pierre, un

(1) Expl. t. II, p. 121.
(2) Ibid., c. t. I, p. 693.

instant abandonné de Dieu, rappelle celui du saint Roi Ézéchias. Du Guet rapproche enfin le Christ en croix à côté du bon larron, de Joseph dans les fers : « Il n'y a, dit-il, entre la figure et la vérité, que cette différence, que Joseph demande à Celui dont il prédit le rétablissement, qu'il se souvienne de lui quand il sera auprès de Pharaon, et que c'est au contraire Celui à qui Jésus-Christ rend la liberté, qui le supplie de se souvenir de lui dans son royaume (1)! Tout cela est fin et ingénieux, trop fin parfois et trop ingénieux peut-être. Du Guet en ne se tenant pas aux grandes analogies, charge sa matière de réflexions plus propres à exciter la curiosité qu'à éclairer l'intelligence. Mon observation ne porte néanmoins que sur de minimes détails, et n'infirme en rien la véritable. admiration que l'on doit professer, à mon avis, pour un traité où se rencontrent de si profondes pensées, des pages si éloquentes.

Le Christ entretient ses disciples de son Ascension prochaine; c'est un récit du futur prodige; mais la simplicité même qui le distingue dans la bouche de l'Homme-Dieu, lui donne un caractère de véritable grandeur. « Je vous entretiendrai avant que de me séparer de vous, des plus secrets mystères du -Royaume de Dieu; je m'éleverai insensiblement dans le Ciel en vous bénissant; un tourbillon de feu ne

(1) Explic., t. VIII p. 536.

me fera pas disparaître subitement à vos yeux : vous me suivrez longtemps par vos regards, dans le lieu. où je dois régner. J'enleverai avec moi vos cœurs et vos désirs; et je vous attacherai si fortement et si tendrement à moi, que si une nuée ne venait enfin se placer entre vous et moi; si mes anges ne venaient vous avertir qu'il n'est pas encore temps de me suivre, et que vous devez penser au ministère dont je vous ai chargés, vous demeureriez immobiles sur la montagne d'où je serai parti, sans autre sentiment que celui de l'admiration, et de la joie dont vous serez alors pénétrés (1).

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Du Guet n'a pas prétendu faire de son Traité une œuvre de controverse en faveur de l'Augustinus et de ses principes. Mais il est bien difficile que l'opinion personnelle ne se montre pas dans une dissertation aussi étendue, et il est certains passages dans lesquels il expose sans détour sa manière de voir.

Disons pourtant à la louange du doux écrivain qu'il le fait avec mesure, délicatesse, parfaite convenance. Il gémit tout en déversant le blâme: c'est le bon moyen d'empêcher qu'on ne rie ou qu'on ne s'irrite. La gratuité de la Grâce est nettement affirmée. C'est au choix purement gratuit du Père, en vue des mérites de Jésus-Christ, qu'on doit attribuer toute la sainteté et toute la justice des Élus. Nous no

(1) Explic., t. IV, p. 292.

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