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de décalogue N'adorer qu'un seul Dieu, ne point tuer, si ce n'est par arrêt de justice, engagement qui s'appliquait expressément à l'infanticide, les Arabes ayant coutume d'enterrer vivantes les filles qu'ils ne voulaient pas élever, ne point dérober, ne point commettre d'adultère, ne point calomnier, - obéir au Prophète en tout ce qu'il ordonnerait de juste. La promesse faite aux fidèles était le paradis. Ce serment (premier serment d'Acaba) reçut le nom de serment des femmes, quand, plus tard, Mahomet en exigea des hommes un second de genre bien différent par lequel ils s'obligeaient à prendre les armes pour sa cause. Alors fut posé le principe de l'obéissance passive.

Il suffit de rappeler ici les préceptes diététiques ou moraux qui prirent place dans le Coran : Renoncer au vin et aux jeux de hasard, l'ivrognerie et le jeu étaient les vices dominants des Arabes et les causes les plus ordinaires de leurs querelles, prier et faire l'aumône, jeûner aux temps marqués et pendant la lune du Ramadan, s'abstenir de certaines viandes (1). La circoncision était déjà la coutume ancienne de la nation.

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Les préceptes de justice du Coran relèvent de la loi du talion, mais on ne peut pas dire que la loi d'amour soit étrangère à Mahomet; car en autorisant le mal rendu pour le mal, il recommande le pardon, cette « sagesse de la vie » et promet une récompense divine à celui qui pardonne et se réconcilie (2).

Le mythe biblique du péché originel est connu de Mahomet; il le mêle à celui de la rébellion d'Eblis, l'ange orgueilleux qui refusa son adoration à Adam, premier homme et premier prophète. De la désobéissance d'Adam à Dieu, sous l'impulsion de Satan, il ne tire pas d'autre conséquence que la perte du paradis et la relégation des hommes sur la terre. Dieu les exilant leur recommande la prière et le repentir ; il promet de leur envoyer un livre pour les diriger, et menace du feu éternel ceux qui traiteront de mensonge les signes de la vérité (3). Au reste, l'auteur du Coran suppose, selon les endroits et les besoins de son enseignement, l'action de Dieu sur les cœurs, soit pour les toucher, dans sa miséricorde, soit pour les endurcir dans sa colère. Il admet tout ensemble la prédestination des méchants, quoique sans aucune trace de métaphysique (le simple C'est écrit), la séduction par Sa

(1) Al-Coran, 11, passim; v, 92-94; IX, 60; xxx, 16-18.

(2) Al-Coran, xlii, 34-41.

(3) Al-Coran, 11, 28-34.

tan, et la liberté de l'arbitre en présence de l'appel des révéla tions divines des Écritures (Bible, Évangile et Coran) (1). Jamais livre ne fut à la fois plus absolu dans ses prescriptions et moins systématique, moins raisonné, moins composé que celui-là. Les philosophes arabes du moyen âge, instruits, comme les philosophes juifs et chrétiens, dans le syncrétisme de l'antiquité, ne trouvèrent dans le Coran ni secours, ni obstacle pour une théodicée, non plus que les Juifs dans la Bible. La question de la justification du mal dans l'œuvre de Dieu n'est pas posée formellement, dans la pure tradition juive avant saint Paul (2), ni discutée avant saint Augustin et Pélage, auteurs dont il n'y a nul indice que Mahomet ait eu connaissance.

(1) Al-Coran, II. III, IV, VII, XVII, etc, passim.

(2) La théorie de Philon est hellénique, greffée sur le tronc juif. Voyez le livre suivant, chap. II.

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LIVRE SIXIÈME

DÉVELOPPEMENT DU JUDAÏSME

CHAPITRE PREMIER

L'idée juive, de la Restauration à la guerre des Macchabées.

Nous avons anticipé de tout un millénaire sur l'histoire, afin de marquer la place morale d'un fait double, de révélation religieuse et d'impulsion donnée à une longue suite d'actes de conquête et d'établissements militaires dans le monde. Un tel événement était possible dans la partie du monde sémitique où existaient des tendances monothéistes, à toute époque où l'homme de génie se serait rencontré pour l'œuvre, et où le point de départ du mouvement, le lieu de l'initiative n'aurait été entouré que par des États politiques affaiblis, incapables d'arrêter l'expansion d'une puissance nouvelle. C'est dire que l'islamisme, considéré sous le second aspect, violent et fanatique, entreprise de propagande armée, aurait pour ainsi dire manqué sa destinée, s'il fût survenu à un autre moment que celui de l'extrême décadence des empires. Venu beaucoup plus tôt, comme fait de religion, il pouvait conduire à l'unité politique, avec plus ou moins de stabilité, un certain nombre de tribus, rayonner à travers certaines autres, placées à un état normal inférieur son action dans le monde aurait été infiniment plus limitée partout et probablement nulle en Occident, assez semblable en somme à ce que nous pouvons imaginer qu'elle serait maintenant sans l'existence historique et prolongée jusqu'à nos jours des grands empires musulmans.

L'islamisme conquérant fut donc, comme tel, un événement es

sentiellement politique, produit à la faveur de circonstances politiques. Cet événement a été, dans ses suites, le concomitant historique du régime d'inquisition et de persécution au nom de la foi, que le sacerdoce catholique a étendu sur les nations converties au christianisme. Ce dernier système est l'intolérance, la violence faite aux consciences, un despotisme spirituel; l'autre est la propagande par la force avouée, le choix donné aux populations entre la foi et l'esclavage; tous deux pèchent par la confusion de la religion et de la contrainte sociale, de la politique et de la conscience: fatal héritage du fanatisme sémitique.

L'islamisme, en tant que religion, n'est pas, comme on l'a dit avec une apparence de profondeur, une hérésie chrétienne, une sorte d'arianisme, attendu que, pour les ariens comme pour les autres communions, Jésus est non pas le Prophète, mais le Christ, le principe et la fin du salut. L'islamisme est une variante parallèle du judaïsme, quoique tard venu, qui se recommande à un certain état élémentaire et brutal des âmes par sa simplicité théologique et morale. La différence essentielle du judaïsme, surtout vu dans l'histoire, consiste en ce qu'il a possédé en propre les croyances messianiques, desquelles a procédé le christianisme.

Nous avons à remonter au temps où le peuple juif, assujetti, comme il le fut constamment, à l'un de ces puissants empires qui ne laissèrent à grand'peine à son indomptable énergie que l'existence, sortait des mains des rois chaldéens qui avaient manqué l'anéantir par la transportation, et jouissait de la tolérance et même d'une certaine faveur, sous l'empire persan des Achéménides qui autorisèrent son rétablissement dans la Palestine.

Si l'on reconnaît avec nous en Moïse le législateur, in abstracto, sans doute, mais réel auteur d'une constitution destinée à un peuple qui n'était encore qu'une multitude campée au jour le jour, et qu'il ne lui fut pas donné de voir établi, en état de recevoir l'organisation et d'appliquer la plus grande partie des lois qu'il lui destinait; et si l'on songe à l'oubli où tombèrent sa révélation et ses règlements civils et religieux, à l'âge d'anarchie des Juges d'Israël, aux vicissitudes de l'âge des rois, aux catastrophes qui le terminèrent, on trouvera qu'il n'y a peut-être pas dans le cours entier de l'histoire un fait aussi extraordinaire que l'établissement, encore a priori cette fois, mais effectif, au bout de huit ou neuf siècles, de la vieille constitution revenue au jour (1). Nous avons (1) Voyez ci-dessus, 1. V, chap. 1-ш11.

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