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SUITE DE LA PRODUCTION.

III Section.

Des différentes espèces de production, ou des diverses sortes d'industrie.

CHAPITRE V.

CLASSIFICATION DES INDUSTRIES.

On divise le plus souvent les industries en trois grandes classes l'industrie agricole, l'industrie manufacturière, l'industrie commerciale. Cette nomenclature a plusieurs défauts graves. Un économiste a proposé d'y obvier en réduisant ces trois classes à deux. Selon Destutt de Tracy, l'industrie agricole doit être ramenée à l'industrie fabricante ou manufacturière, par cette raison, « qu'une ferme est une véritable manufacture, que tout s'y opère de même, par les mêmes principes et pour le même but, et qu'un champ peut être assimilé à un véritable outil, ou, si l'on veut, à un amas de matières premières; » de telle sorte que tout travail ayant pour objet de façonner et de modifier les êtres ou les objets pour les convertir à notre usage rentrera dans cette unique catégorie de l'industrie fabricante, tandis que l'emploi du travail humain, qui consiste non plus à en changer la forme, mais à les changer de lieu, formera l'industrie commerçante. Cette classification, qui réduit à deux les industries principales, est fort critiquable à son tour. Elle oublie que l'agriculture crée des produits d'un ordre tout particulier, que la production des végétaux et des animaux constitue une classe de travaux complétement distincte de celle qui produit des outils ou des étoffes. La manière dont l'agriculture emploie

et distribue ses agents ne diffère pas moins. Comment aussi donner à la chasse, à la pêche, à l'industrie du bûcheron, à celle du carrier, à celle du mineur, le nom d'industrie fabricante? Il ne leur convient pas mieux assurément que celui d'agriculture qu'on leur attribue fréquemment. Toutes les industries de cette dernière classe ne semblentelles pas exercer une fonction qui leur est propre? Elles extraient, du sein des eaux, des bois, de l'air, de la terre, sans leur faire subir d'ailleurs aucune façon déterminée, des matériaux innombrables. Aussi a-t-on proposé, avec beaucoup de raison selon nous', d'en former, sous le nom d'industrie extractive, une classe tout à fait séparée.

De même, on a observé avec non moins de vérité, au sujet de l'industrie commerciale, que faire le commerce c'est effectuer des échanges, et non pas opérer des transports. L'art qui fait l'office de déplacer, de transporter, de distribuer dans le monde les choses nécessaires à la satisfaction de tous les besoins et à l'exécution de tous les travaux, peut se trouver ordinairement uni à l'acte d'échanger, mais il en diffère par son essence. On aurait pu ajouter que le changement de lieu n'est nullement, ainsi que l'ont dit D. de Tracy et d'autres économistes, et comme on parait se l'imaginer généralement, inhérent à la nature même du commerce : la vente des moissons sur pied, celle des terres mêmes, celle des maisons, en sont la preuve évidente. Ce genre de commerce fait passer des valeurs d'une main à une autre sans déplacer en rien les objets eux-mêmes; au contraire, une lettre à la poste peut effectuer les déplacements les plus considérables sans être le sujet ou l'instrument d'aucun échange, sans donner aucunement lieu à la création d'une plus-value. A dire vrai, le service affecté au transport des hommes et des marchandises est une industrie qui ne se confond pas plus

'De la liberté du travail, par M. Dunoyer. La classification que présente l'auteur est la plus complète, et les motifs sur lesquels il la fonde nous ont paru très-solides.

avec le commerce qu'avec l'industrie agricole ou avec toute autre. Pourquoi ne pas y reconnaître une classe à part, l'industrie voiturière, ou le voiturage, qu'on peut nommer encore industrie locomotive ou des transports?

Quant à l'ordre dans lequel on doit ranger ces industries, nous commencerons, selon l'usage, par l'industrie agricole, sans nous dissimuler la force des objections qui lui refusent la première place dans l'ordre de développement. Il est clair, en effet, aux yeux du bon sens, en même temps qu'il est expérimentalement démontré, qu'elle a été et qu'elle a dû être précédée par les autres industries, existant au moins à l'état élémentaire. C'est un fait reconnu que généralement du moins les hommes ont été chasseurs, pêcheurs et nomades, avant de se livrer à l'art agricole, le plus difficile de tous, celui qui exige le plus de progrès déjà accomplis. L'invention de la bêche et plus tard celle de la charrue, instruments qui en sont une condition nécessaire, appartenaient à l'industrie manufacturière. De même, il a été opéré des déplacements fort nombreux avant qu'on soumit la terre aux transformations savantes que lui fait subir la mise en culture. Cependant, nous ne croirons pas être infidèle à la logique en débutant par l'agriculture. La terre n'est-elle pas la source première de tous les produits utiles? N'est-elle pas le théâtre comme la condition de tout travail? N'est-ce pas elle qui occupe le plus grand nombre d'hommes? N'est-ce pas elle enfin qui nourrit les populations, et qui, par cela même, en règle le nombre?

CHAPITRE VI.

DE L'INDUSTRIE AGRICOLE ET DE LA PROPRIÉTÉ territoriale.

Nous avons traité précédemment de la propriété foncière envisagée au point de vue du droit et de l'utilité générale. Il ne nous reste donc plus à revenir sur cette condition préalable de toute culture perfectionnée. Il n'en est pas de même de ce qui regarde l'étendue que doivent avoir la propriété et les exploitations agricoles afin qu'on obtienne de la terre le meilleur rendement. L'économiste n'ayant point à s'occuper, comme l'agriculteur, des divers procédés techniques qui doivent être employés pour l'amélioration du sol, il nous suffira de rappeler que les travaux si nombreux qui s'y rapportent ont été partagés en quatre branches distinctes, ainsi qu'il suit :

1. Travaux affectés à la préparation du sol avant les ensemencements;

2o Travaux d'ensemencement, de culture et de récolte des divers produits;

3o Travaux de conservation et de mise en état pour la vente des produits récoltés;

4° Travaux nécessaires à l'élève et à la multiplication des animaux, ainsi qu'à l'apprêt des produits qu'ils fournissent.

Les travaux appartenant à la première de ces catégories comprennent les défrichements, opérations à l'aide desquelles on débarrasse les terres encore incultes des arbres et des plantes sauvages qui les couvrent;

Les amendements, opérations ayant pour but de modifier la composition du sol arable par le mélange à ses couches supérieures des espèces de terre et des substances minérales qu'il ne contient pas en quantité suffisante;

Les fumures, opérations qui consistent à recueillir, à préparer, à transporter et à mêler au sol des détritus organiques ou engrais propres à lui communiquer les propriétés productives qui lui manquent naturellement, ou que les récoltes qu'il vient de nourrir lui ont retirées;

Les ameublissements, labours, servant à rompre, à diviser, à émietter le sol de telle sorte que les racines des plantes puissent s'y enfoncer, y cheminer sans obstacle, et y puiser tous les sucs nutritifs dont elles ont besoin. C'est à l'économie rurale qu'il appartient d'entrer dans le détail de ces travaux destinés à l'amélioration du sol et à la fécondité de ses produits. Pour l'économie politique, sa tâche se borne à indiquer quelles sont les conditions générales qui permettent au travail et au capital de s'y employer avec le plus de puissance. Est-ce avec la grande ou avec la petite propriété, avec la grande ou avec la petite culture? Est-ce avec la culture directe par le propriétaire, ou faire-valoir, avec le bail à ferme ou avec le métayage? Voilà des questions qui sont essentiellement du domaine de l'économie politique, et que nous nous proposons d'examiner. Mais essayons d'abord de marquer quelques autres conditions plus générales encore de la production agricole.

Au nombre des causes qui influent sensiblement sur les développements de l'art agricole, figurent les lois qui régissent la propriété territoriale, et dont le double caractère doit être 1° de garantir la sécurité de la possession; 2o de ne pas mettre obstacle à la liberté des transmissions. Nous avons parlé déjà de la première des conditions; quant au second point, son importance est presque aussi grande. Les lois qui portent atteinte à la liberté des transmissions ont infailliblement pour effet d'empêcher la pro

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