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vrage important sur les doctrines du premier et du second siècle, ouvrage qu'on croyait perdu et qui vient de se retrouver. [Miller, piyevous piλosopoupéva. Oxford, 1851. Bunsen, Hippolytus und seine Zeit. 3 vol. Leipzig, 1852.] La troisième école du groupe égyptien, les Ophites, s'emparèrent du système de Valentin et le modifièrent avec la même liberté que celui-ci avait mise à modifier la doctrine des Basilidiens. L'Eon Ophis y jouait un grand rôle. Ils développèrent surtout le dogme de la création par le démiurge et celui de la migration des âmes à travers les régions planétaires, qu'ils représentaient sur un tableau appelé Diagramme, et qui sont figurées sur les plus belles d'entre les pierres gnostiques. [Voir la description de ce diagramme dans l'ouvrage d'Origène contre Celse, le dessin qu'en donne notre Histoire du Gnosticisme, et comparer notre Excursion gnostique en Italie.]

LE GNOSTICISME ASIATIQUE.

Ce groupe n'embrasse que les Cerdonites et les Marcionites, sectes fondées, l'une par Cerdon, né en Syrie, l'autre par Marcion, né à Sinope, qui éclipsa complétement son précurseur et dont les disciples fort nombreux se répandirent, vers le milieu du deuxième siècle, en Italie, en Perse, dans les îles, en Asie Mineure et en Egypte, sé distinguant par des mœurs austères et une forte organisation. De tous les systèmes gnostiques c'est celui de Marcion qui est le moins antichrétien, qui s'éloigne le plus du judaïsme et du polythéisme. Il a, plus que nul autre, la prétention d'enseigner le christianisme pur, sans aucune alliance de judaïsme, soit celui qui règne exclusivement dans l'ancien code, soit celui qui, suivant

lui, défigure encore le Nouveau Testament contrairement à la pensée et à l'œuvre de Jésus-Christ. En effet, Marcion se distingue par la ligne de démarcation absolue qu'il trace entre le christianisme et le judaïsme. Pour faire prévaloir son système il composa, à Rome sans doute, ses trois ouvrages principaux, le Traité des antithèses [entre les doctrines de l'Ancien Testament et celles du Nouveau], son Evangile [pour l'épuration de celui-ci] et son Apostolos [pour l'épuration des Epitres.] [Schwegler, Das nachapostolische Zeitalter. Tubing. 1846. Ritschl, Das Ev. Marcions u. das kanon. Ev. des Lucas. Tubing. 1846. Baur, Krit. Unters. über die kanon. Evang. Tubing. 1847.-Volkmar, Das Evangelium Marcions. Text u. Kritik. Leipz. 1852.]

LE GNOSTICISME SPORADIQUE,

On embrasse sous ce titre toute une série de petites sectes, sans résidence fixe.

Les Carpocratiens, partisans de Carpocrates d'Alexandrie, professèrent dans la Cyrénaïque une sorte d'éclectisme spéculatif, où entraient Zoroastre, Platen, Aristote et le christianisme, et une sorte de morale très frivole, digne de la patrie d'Aristippe.

Les Prodiciens, disciples de Prodicus, furent peu nombreux et ne présentèrent de groupe remarquable nulle part, mais se firent détester partout pour leurs principes d'Ethique et leurs mœurs, qui sont dépeintes comme fort libres.

Les Ephiphaniens avaient leur siége principal dans l'île de Samé.

Les Antitactes, adversaires systématiques de toutes les

lois et institutions établies, proclamèrent la communauté de tout ce que la nature offre à l'homme.

Les Borboniens, les Phibionites, les Adamites, les Gnostiques proprement dits et plusieurs autres petites sectes, professèrent également des principes contraires à la morale universelle et se livrèrent systématiquement à des actions révoltantes, s'il n'y a pas dans les récits de leurs accusateurs une exagération extrême.

En résumé, on voit que le Gnosticisme, loin d'être un éclectisme ordinaire, a de grandes prétentions à l'originalité. S'il n'ignore aucune des doctrines du temps, et s'il les consulte toutes, il n'en suit aucune et les rejette dans leur ensemble, au nom d'une science puisée à des sources supérieures, et afin d'amener dans le dogme et la morale ainsi que dans toute la destinée de l'homme une révolution complète. Le rôle qu'il prétendit jouer dans le christianisme est celui que le Bouddhisme joue dans le Brahmisme. Son vaste ensemble et sa haute ambition excitèrent de vifs débats, surtout dans Alexandrie où il se trouva face à face avec saint Clément d'Alexandrie, Origène, Sexte l'Empirique, Ammonius Saccas et Plotin. Il agita l'Orient et l'Occident. A côté du mal qu'il fit, se place le bien qu'il provoqua et qui fut grand. Aidé du Manichéisme, il obligea les docteurs chrétiens à s'engager dans les débats de la spéculation orientale, en même temps que les philosophes les entrainèrent dans la spéculation grecque. Ce fut là sa mission providentielle. Du moins, dès qu'elle fut remplie, ses efforts succombèrent sous l'autorité de la loi et ses erreurs s'évanouirent devant l'enseignement de l'Eglise. Plus les docteurs chrétiens tenaient à ne pas être confondus avec les Gnostiques, comme ils le furent quelquefois par leurs adver- . saires et par Celse lui-même, plus ils furent obligés d'en étudier les doctrines et d'y opposer les leurs avec précision. Sous le point de vue éthique, le grand vice du

gnosticisme c'est d'avoir enfanté deux aberrations également désastreuses, un ascétisme extrême et un libertinisme sans mesure. Il n'est pas de plus forte sentence à prononcer contre un système que celle qu'il prononce lui-même en professant des doctrines qui dénaturent les mœurs et révoltent le sentiment éthique.

LE MANICHÉISME.

Fondé en Perse, au troisième siècle de notre ère, au moment où le Gnosticisme déclinait déjà, ce système, mélange d'idées gnostiques, zoroastriennes et chrétiennes, excita singulièrement le génie de la spéculation sans pourtant l'enrichir en aucune façon.

Manès admettait en apparence trois sources d'idées : 1° Quelques-uns des textes chrétiens, à l'exclusion de la totalité de l'Ancien Testament et de la majeure partie du Nouveau; 2o son évangile Er-Tenki-Mani, qu'il disait venu du ciel, et qu'à l'imitation des Gnostiques, il avait rédigé et orné avec soin de peintures allégoriques; 3o une révélation universelle, non limitée. Mais le fait est qu'à l'exemple de Philon, de Basilide et de Valentin, il puisa tout dans les doctrines existantes et dans sa pensée personnelle, se disant le αρázλnos promis par Jésus-Christ, et donnant pour base à toute sa doctrine la théorie persane ou chaldéenne de deux principes, de deux empires où rien n'est plus dans sa condition primitive, et celle d'une lutte à laquelle participent toutes les existences animées. L'homme est appelé à y prendre part en vertu du rayonnement de lumière ou du germe de vie supérieure qui est en lui, et que la rédemption est venue ranimer afin de le ramener dans le sein de Dieu.

Le système de Manès [qui fut mis à mort sur l'ordre de Varades Ier à l'âge de trente-sept ans, l'an 277, pour avoir enseigné l'erreur des Saducéens] est exposé dans son Epistola fundamenti, conservée par saint Augustin, dans une autre lettre de lui conservée par saint Epiphane, et dans quelques fragments réunis par Fabricius. [Biblioth. Græca. V, 284.] Mais ce n'est pas un système nouveau ; ce n'est pas non plus l'enseignement imaginaire de deux principes absolus et éternels, ce n'est qu'un syncrétisme dénué de toute originalité et impropre à faire faire un pas à la philosophie, pour laquelle il a peu d'importance, puisqu'il n'est qu'une répétition, sous une forme symbolique, de l'ancienne doctrine de l'éternité de la matière. Toutefois il atteste l'entrée très ouverte des opinions ortentales dans ce mouvement éclectique de la pensée humaine qui devint général à l'avénement du christianisme, et qui se prolongea jusqu'au commencement de l'ère musulmane, avec une grande prédilection pour l'Orient.

En effet, la spéculation orientale entra également dans la philosophie grecque, et cela sous deux formes distinctes, celle qu'on appelle l'éclectisme grec, et celle qu'on appelle l'éclectisme gréco-oriental. [V. sur le Manichéisme, Bayle, au mot Manès; Beausobre, Hist. du Manichéisme, et Baur, Das Manich. Religions System.]

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