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Salut attendrissant, naïf et solennel!
Cet humble cœur comprend les spectacles du ciel.
A l'éternel concert, sous la voûte infinie,
Pour sa part il assiste, et rend une harmonie.
Ainsi Nature aimée, aux simples plus qu'aux grands,
Souvent aux plus chétifs, souvent aux plus errants,
Tu livres sans replis ta splendeur ou ta grâce.
L'opulent, l'orgueilleux a perdu loin ta trace;
Le petit te retrouve: un beau soir, un couchant,
Quelque écho de refrain sous la lune en marchant;
Le tailli matinal que le rayon essuie;

Le champ de blés mouvants, rayés d'or et de pluie ;
Un vieux pont, un moulin au tomber d'un flot clair,
Bruits et bonheurs sans noms, qu'on respire avec l'air,
Souvent on les sent mieux dans sa route indigente,
Et, même sous le faix, l'âme s'éveille et chante.

LES HIRONDELLES.

(BÉRANGER.)

Captif au rivage du Maure,
Un guerrier courbé dans les fers,
Disait: Je vous revois encore,
Oiseaux ennemis des hivers ;
Hirondelles, que l'espérance

Suit jusqu'en ces brûlants climats,
Sans doute vous quittez la France:
De mon pays ne me parlez-vous pas ?

Depuis trois ans je vous conjure
De m'apporter un souvenir
Du vallon où ma vie obscure
Se berçait d'un doux avenir.
Au détour d'une eau qui chemine
A flots purs sous de frais lilas,
Vous avez vu notre chaumine :
De ce vallon ne me parlez-vous pas ?

L'une de vous peut-être est née
Au toit où j'ai reçu le jour;
Là, d'une mère infortunée
Vous avez dû plaindre l'amour.

Mourante, elle croit à toute heure
Entendre le bruit de mes pas :
Elle écoute, et puis elle pleure.
De son amour ne me parlez-vous pas ?

Ma sœur est-elle mariée ?
Avez-vous vu de nos garçons
La foule aux noces conviée,
La célébrer dans leurs chansons?
Et ces compagnons de jeune âge
Qui m'ont suivi dans les combats,
Ont-ils revu tous le village?
De tant d'amis ne me parlez-vous pas ?

Sur leurs corps l'étranger, peut-être,
Du vallon reprend le chemin,

Sous mon chaume il commande en maître;
De ma sœur il trouble l'hymen.

Pour moi plus de mère qui prie,

Et partout des fers ici-bas!

Hirondelles de ma patrie,

De ses malheurs ne me parlez-vous pas ?

SOUVENIRS D'ENFANCE.
(LE MÊME.)

Lieux où jadis m'a bercé l'espérance,
Je vous revois à plus de cinquante ans.
On rajeunit aux souvenirs d'enfance,
Comme on renaît au souffle du printemps.

Salut! à vous, amis de mon jeune âge,.
Salut! parents que mon amour bénit.
Grâce à vos soins, ici pendant l'orage,
Pauvre oiselet, j'ai pu trouver un nid.

Je veux revoir jusqu'à l'étroite geôle,
Où, près de nièce aux frais et doux appas,
Régnait sur nous le vieux maître d'école,
Fier d'enseigner ce qu'il ne savait pas.

J'ai fait ici plus d'un apprentissage,
A la paresse, hélas! toujours enclin.
Mais je me crus des droits au nom de sage,
Lorsqu'on m'apprit le métier de Franklin.

C'était à l'âge où naît l'amitié franche,
Sol que fleurit un matin plein d'espoir.
Un arbre y croît dont souvent une branche
Nous sert d'appui pour marcher jusqu'au soir.

Lieux où jadis m'a bercé l'espérance,
Je vous revois à plus de cinquante ans.
On rajeunit aux souvenirs d'enfance,
Comme on renaît au souffle du printemps.

C'est dans ces murs qu'en des jours de défaites
De l'ennemi j'écoutais le canon.

Ici ma voix, mêlée aux chants des fêtes,
De la patrie a bégayé le nom.

Ame rêveuse, aux ailes de colombe,
De mes sabots, là j'oubliai le poids.
Du ciel, ici, sur moi la foudre tombe,
Et m'apprivoise avec celle des rois.

Contre le sort ma raison s'est armée
Sous l'humble toit, et vient aux mêmes lieux
Narguer la gloire, inconstante fumée
Qui tire aussi des larmes de nos yeux.

Amis, parents, témoins de mon aurore,
Objets d'un culte avec le temps accru,
Oui, mon berceau me semble doux encore,
Et la berceuse a pourtant disparu.

Lieux où jadis m'a bercé l'espérance,
Je vous revois à plus de cinquante ans.
On rajeunit aux souvenirs d'enfance,
Comme on renaît au souffle du printemps.

VOL. II.

L'HYMNE DE LA NUIT.

(LAMARTINE.)

Le jour s'éteint sur les collines,
O terre où languissent mes pas

!

Quand pourrez-vous mes yeux, quand pourrez-vous, hélas! Saluer les splendeurs divines

Du jour qui ne s'éteindra pas?

Sont-ils ouverts pour les ténèbres
Ces regards altérés du jour ?

De son éclat, ô nuit! á tes ombres funèbres
Pourquoi passent-ils tour-à-tour?

Mon âme n'est point lasse encore
D'admirer l'œuvre du Seigneur;

Les élans enflammés de ce sein qui l'adore
N'avaient pas épuisé mon cœur!

Dieu du jour! Dieu des nuits! Dieu de toutes les heures!
Laisse-moi m'envoler sur les feux du soleil !
Où va vers l'occident ce nuage vermeil ?

Il va voiler le seuil de tes saintes demeures,
Où l'œil ne connaît plus la nuit ni le sommeil!
Cependant ils sont beaux à l'œil de l'espérance
Ces champs du firmament ombragés par la nuit ;
Mon Dieu! dans ces déserts mon œil retrouve et suit
Les miracles de ta presence!

Ces chœurs étincelants que ton doigt seul conduit,
Ces océans d'azur où leur foule s'élance,

Ces fanaux allumés de distance en distance,

Cet astre qui paraît, cet astre qui s'enfuit,

Je les comprends, Seigneur! tout chante, tout m'instruit Que l'abîme est comblé par ta magnificence,

Que les cieux sont vivants, et que ta providence

Remplit de sa vertu tout ce qu'elle a produit!

Ces flots d'or, d'azur, de lumière,

Ces mondes nébuleux que l'œil ne compte pas,
O mon Dieu! c'est la poussière

Qui s'élève sous tes pas!

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Réunit en vain ses cent voix,
L'étoile à l'étoile murmure:
Quel Dieu nous imposa nos lois?
La vague à la vague demande
Quel est celui qui nous gourmande?
La foudre dit à l'aquilon:

Sais-tu comment ton Dieu se nomme?
Mais les astres, la terre et l'homme
Ne peuvent achever son nom.

Que tes temples, Seigneur, sont étroits pour mon âme!
Tombez, murs impuissants, tombez!

Laissez-moi voir ce ciel que vous me dérobez!
Architecte divin, les dômes sont de flamme!
Que tes temples, Seigneur, sont étroits pour mon âme!
Tombez, murs impuissants, tombez!

Voilà le temple où tu résides!
Sous la voûte du firmament
Tu ranimes ces feux rapides
Par leur éternel mouvement!
Tous ces enfants de ta parole,
Balancés sur leur double pôle,
Nagent au sein de tes clartés,
Et des cieux où leurs feux palissent
Sur notre globe ils réfléchissent
Des feux à toi-même empruntés.

L'océan se joue

Aux pieds de son roi;
L'aquilon secoue
Ses ailes d'effroi ;

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