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Ecoute aussi la voix de mon humble raison,
Qui contemple sa gloire et murmure en son nom.
Salut, principe et fin de toi-même et du monde,
Toi qui rends d'un regard l'immensité féconde;
Ame de l'univers, Dieu, Père, Créateur,

Sous tous ces noms divers, je crois en toi, Seigneur;
Et sans avoir besoin d'entendre ta parole,
Je lis au fond des cieux mon glorieux symbole.
L'étendue à mes yeux revèle ta grandeur;
La terre ta bonté, les astres, ta splendeur.

C'est peu de croire en toi, bonté, beauté suprême,
Je te cherche partout, j'aspire à toi, je t'aime!
Mon âme est un rayon de lumière et d'amour,
Qui, du foyer divin détaché pour un jour,
De désirs dévorants loin de toi consumée,
Brûle de remonter à sa source enflammée
Je respire, je sens, je pense, j'aime en toi!
Ce monde qui te cache est transparent pour
moi;
C'est toi que je découvre au fond de la nature,
C'est toi que je bénis en toute créature.

D'un jour intérieur je me sens éclairer,
Et j'entends une voix qui me dit d'espérer.

Oui, j'espère, Seigneur, en ta magnificence:
Partout à pleines mains prodiguant l'existence,
Tu n'auras pas borné le nombre de mes jours
A ces jours d'ici-bas, si troublés et si courts

Témoin de ta puissance et sûr de ta bonté,
J'attends le jour sans fin de l'immortalité.

L'AUTOMNE.
(LE MÊME.)

Salut, bois couronnés d'un reste de verdure!
Feuillages jaunissans sur les gazons épars!
Salut, derniers beaux jours! le deuil de la nature
Convient à la douleur, et plait à mes regards.

Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire,
J'aime à revoir encore, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois.

Oui, dans ces jours d'Automne où la nature expire,
A ses regards voilés je trouve plus d'attraits:
C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais.

Ainsi prêt à quitter l'horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d'un regard d'envie,
Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui.

Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme au bord de mon tombeau,
L'air est si parfumé! la lumière est si pure!
Aux regards d'un mourant le soleil est si beau!

Je voudrais maintenant vider jusqu'à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel:

Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel !

Peut-être l'avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu!
Peut-être dans la foule, une âme que j'ignore
Aurait compris mon âme et m'aurait répondu !

La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire;
A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux;

Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu'elle expire, S'exhale comme un son triste et mélodieux.

LE MASSACRE DES FRANÇAIS À PALERME. (CASIMIR DELAVIGNE, LES VÊPRES SICILIENNES.)

Du lieu saint, à pas lents, je montais les degrés,
Encor jonchés de fleurs et de rameaux sacrés.
Le peuple prosterné sous ces voûtes antiques,
Avait du Roi-Prophète entonné les cantiques;

D'un formidable bruit le temple est ébranlé.
Tout à coup sur l'airain ses portes ont roulé.
Il s'ouvre; des vieillards, des femmes éperdues,
Des prêtres, des soldats, assiégeant les issues,
Poursuivis, menaçants, l'un par l'autre heurtés,
S'élancent loin du seuil à flots précipités,

Ces mots: Guerre aux tyrans! volent de bouche en bouche;
Le prêtre les répète avec un œil farouche;

L'enfant même y répond. Je veux fuir, et soudain
Ce torrent qui grossit me ferme le chemin.

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Nos vainqueurs, qu'un amour profane et téméraire
Rassemblait pour leur perte au pied du sanctuaire,
Calmes, quoique surpris, entendent sans terreur
Les cris tumultueux d'une foule en fureur.
Le fer brille, le nombre accablait leur courage
Un chevalier s'élance, il se fraie un passage;
Il marche, il court; tout cède à l'effort de son bras,
Et les rangs dispersés s'ouvrent devant ses pas.
Il affrontait leurs coups sans casque, sans armure
C'est Montfort! à ce cri succède un long murmure.
"Oui, traîtres, ce nom seul est un arrêt pour vous!
Fuyez !" dit-il superbe et pâle de courroux :
Il balance dans l'air sa redoutable épée,

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Fumante encor du sang dont il l'avait trempée.
Il frappe
un envoyé de la Divinité
Eût semblé moins terrible au peuple épouvanté.
Mais Procida paraît, et la foule interdite

Se rassuré à sa voix, roule et se précipite;
Elle entoure Montfort; par son père entraîné,
Lorédan le suivait, muet et consterné.

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Du vainqueur, du vaincu, les clameurs se confondent;
Des tombeaux souterrains les échos leur répondent.
Le destin des combats flottait encor douteux;
La nuit répand sur nous ses voiles ténébreux.
Parmi les assassins, je m'égare; incertaine,
Je cherche le palais, je marche, je me traîne.

Que de morts, de mourants! Faut-il qu'un jour nouveau
Eclaire de ses feux cet horrible tableau ?

Puisse le soleil fuir, et cette nuit sanglante

Cacher au monde entier les forfaits qu'elle enfante !

LE DERNIER JOUR DE L'ANNÉE.

(MADAME A. TASTU.)

Déjà la rapide journée

Fait place aux heures du sommeil,

Et du dernier fils de l'année
S'est enfui le dernier soleil.
Près du foyer, seule, inactive,
Livrée aux souvenirs puissants,
Ma pensée erre fugitive,

Des jours passés aux jours présents
Ma vue au hasard arrêtée,
Longtemps de la flamme agitée
Suit les caprices éclatants,
Ou s'attache à l'acier mobile,
Qui compte sur l'émail fragile
Les
pas silencieux du temps.
Un pas encore, encore une heure,
Et l'année aura, sans retour,
Atteint sa dernière demeure;
L'aiguille aura fini son tour.
Pourquoi de mon regard avide,
La poursuivre ainsi tristement,
Quand je ne puis d'un seul moment
Retarder se marche rapide?
Du temps qui vient de s'écouler
Si quelques jours pouvaient renaître,
Il n'en est pas un seul peut-être,
Que ma voix daignât rappeler!
Mais des ans la fuite m'étonne;
Leurs adieux oppressent mon cœur ;
Je dis c'est encore une fleur
Que l'âge enlève à ma couronne,
Et livre au torrent destructeur;
C'est une ombre ajoutée à l'ombre
Qui déjà s'étend sur mes jours;
Un printemps retranché du nombre
De ceux dont je verrai le cours !

Ecoutons! . . . Le timbre sonore
Lentement frémit douze fois;

Il se tait . . . Je l'écoute encore,
Et l'année expire à sa voix.

C'en est fait; en vain je l'appelle,
Adieu! . Salut, sa sœur nouvelle,
Salut; quels dons chargent ta main?
Quel bien nous apporte ton aile?
Quels beaux jours dorment dans ton sein?
Que dis-je! à mon âme tremblante
Ne révèle point tes secrets.
D'espoir, de jeunesse, d'attraits,
Aujourd'hui tu parais brillante,
Et ta course insensible et lente
Peut-être amène les regrets.
Ainsi chaque soleil se lève
Témoin de nos vœux insensés;
Ainsi toujours son cours s'achève,
En entraînant, comme un vain rêve,
Nos vœux déçus et dispersés.
Mais l'espérance fantastique,
Répandant sa clarté magique
Dans la nuit du sombre avenir,
Nous guide d'année en année
Jusqu'à l'aurore fortunée
Du jour qui ne doit pas finir.

L'HISTOIRE.

(VICTOR HUGO.)

I.

Le sort des nations, comme une mer profonde,
A ses écueils cachés et ses gouffres mouvants.
Aveugle qui ne voit dans les destins du monde
Que le combat des flots sous la lutte des vents!

Un souffle immense et fort domine ces tempêtes.
Un rayon du ciel plonge à travers cette nuit.
Quand l'homme aux cris de mort mêle le cri des fêtes,
Une secrète voix parle dans ce vain bruit.

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