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De mille êtres souffrants prévenant les besoins,
Surmontent les dégoûts des plus pénibles soins;
Du chanvre salutaire entourent leurs blessures,
Et réparent ce lit, témoin de leurs tortures,
Ce déplorable lit dont l'avare pitié
Ne prête à la douleur qu'une étroite moitié.
De l'humanité même elles semblent l'image;
Et les infortunés que leur bonté soulage
Sentent avec bonheur, peut-être avec amour,
Qu'une femme est l'amie qui les ramène au jour.
O femmes, c'est à tort qu'on vous nomme timides;
A la voix de vos cœurs vous êtes intrépides.
Pourquoi de vils bourreaux, dans l'empire Thébain,
Dévouant Antigone aux horreurs de la faim,
La plongent-ils vivante en une grotte obscure?
C'est qu'à son frère mort donnant la sépulture,
Sa main religieuse à la tombe a remis

Ces restes qu'aux vautours la haine avait promis.
Elle savait la loi qui la mène au supplice;
Mais elle n'a rien vu que son chère Polynice,
Qui, privé du tombeau, réclamait son appui;
Et, pour l'ensevelir, elle meurt avec lui.
Qu'a fait cette Eponine à l'échafaud conduite?
Dans un obscur réduit, où, dérobant sa fuite,
Sabinus d'un vainqueur trompa dix ans les coups,
Elle vint partager les périls d'un époux.
De l'amour conjugal, ô mémorable exemple!
Par elle un souterrain du bonheur fut le temple.
Aux yeux de Sabinus elle sut chaque jour
Embellir par ses soins le plus affreux séjour.
Que ne peut le devoir sur ces âmes fidèles!

Eh! pourquoi loin de nous en chercher des modèles
Naguère en nos climats, lorsque de tout côté
Pesait des Décemvirs le sceptre ensanglanté,
N'ont-elles pas prouvé, par mille traits sublimes,
Combien leurs sentiments les rendent magnanimes?
La peur régnait partout: plus de cœur, plus d'ami;
Le Français du Français paraissait l'ennemi :
Chacun savait mourir, nul ne savait défendre.
Elles seules, d'un zèle ingénieux et tendre,
Pour détourner la mort qui nous menaçait tous,
Osèrent des tyrans aborder le courroux.

Celle-ci, dès l'aurore, au repos arrachée,
Attendait leur présence, à leur porte attachée;
Celle-là d'un geôlier insensible à ses pleurs,
Désarmant par son or les avares fureurs,
Dans un sombre cachot, d'un époux ou d'un père
Accourait chaque jour consoler la misère.
L'une d'un objet cher, qui marchait à la mort,
Demandait avec joie à partager le sort.

Toutes enfin, l'appui des Français malheureux,
Parlaient, priaient, pleuraient, ou s'immolaient pour eux.
Leur âme en nos dangers fut toujours secourable.
Remontons au moment où d'un règne exécrable
Septembre ouvrit le long et vaste assassinat.
Dans le sommeil des lois, dans l'effroi du sénat,
Des monstres qu'irritaient Bacchus et les Furies,
Aux prisons en hurlant portent leurs barbaries.
Ils mêlent sous leurs coups les sexes et les rangs;
Ils jettent morts sur morts, et mourants sur mourants:
Tout frémit. . . . Une fille, au printemps de son âge,
Sombreuil, vient éperdue affronter le carnage.
C'est mon père, dit-elle; arrêtez, inhumains!
Elle tombe à leurs pieds, elle baise leurs mains,
Leurs mains teintes de sang! C'est peu: doublant d'audace,
Tantôt elle retient un bras qui le menace,

Et tantôt, s'offrant seule à l'homicide acier,
De son corps étendu le couvre tout entier.
Elle dispute aux coups ce vieillard qu'elle adore;
Elle le prend, le perd, et le reprend encore.
A ses pleurs, à ses cris, à ce grand dévouement,
Les meurtriers émus s'arrêtent un moment:
Elle voit leur pitié, saisit l'instant prospère;
Du milieu des bourreaux elle enlève son père,
Et traverse les murs ensanglantés par eux,
Portant ce poids chéri dans ses bras généreux,
Jouis de ton triomphe, ô moderne Antigone!
Quel que
soit le débat et du peuple et du trône,
Tes saints efforts vivront d'âge en âge bénis;
Pour admirer ton cœur, tous les cœurs sont unis;
Et ton zèle à jamais, cher aux partis contraires,
Est des enfants l'exemple, et la gloire des pères.
Faut-il qu'au meurtre en vain son père ait échappé ?
Des brigands l'ont absous, des juges l'ont frappé!

DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

POETES ILLUSTRES.

VERS le COMMENCEMENT de ce siècle, sous les règnes de Napoléon, Louis XVIII., et Charles X., florissaient,

BERCHOUX-NÉ EN 1765.

Poète. Il y a beaucoup d'esprit dans son Elégie sur les Grecs et les Romains; mais le poème de la Gastronomie, qui suivit cette pièce, est une œuvre fort médiocre. Le Philosophe de Charenton, et La Danse, ou les Dieux de l'Opéra, valent encore moins.-Mourut en 1838.

MADAME DUFRÉNOY-NÉE EN 1765.

La force et la vérité de sentiment qui règnent dans ses Elégies, en font oublier les défauts de l'expression, quelquefois rude et embarrassée. L'Epitre à Suzane, qui valut à l'auteur une lyre d'argent de l'Académie de Cambrai, son Ode à Dieu, La Convalescence, Le Bonheur de l'Etude, La Délivrance d'Argos, offrent de grandes beautés, sans presque aucune tache.-Mourut en 1825.

ARNAULT-NÉ EN 1766.

Poète dramatique: il s'exerça dans la tragédie, l'opéra, et la comédie. C'est dans les deux premiers genres qu'il se fit le plus applaudir, en donnant Marius à Minturne,

Germanicus, Cincinnatus, Oscar, Lucrèce, Phrosine et Mélidor, etc. On a de lui aussi des fables ingénieuses, et des mémoires intéressants intitulés Souvenirs d'un Sexagénaire.-Mourut en 1834.

DUVAL (ALEXANDRE)-NÉ EN 1767.

Poète dramatique. Une connaissance parfaite de la scène, un art merveilleux dans le nœud de l'intrigue, beaucoup de raison et de comique dans le dialogue, un style facile, mais parfois négligé; voilà ce qui caractérise ses œuvres, qui sont nombreuses, et dont les meilleures, à en juger par le succès qu'elles eurent à la scène, sont, Henri V., drame; La Fille d'Honneur, comédie; La Jeunesse de Richelieu, drame; Le Tyran Domestique, comédie; Le Prisonnier, opéra comique; Maison à vendre, opéra comique; Le Menuisier de Livonie, comédie; La Manie des Grandeurs, comédie; Le Complot de Famille, comédie; Le Faux Bonhomme, comédie, etc.

Mourut en 1842.

PICARD-NÉ EN 1769.

Poète dramatique, célèbre pour le naturel de ses peintures variées. Il est auteur du joli opéra des Visitandines, et de plusieurs comédies piquantes, telles que La Petite Ville, Les Ricochets, Les Amis de College, Les Provinciaux à Paris, La Maison en Loterie, Les Deux Philibert, etc. Mourut en 1828.

DE JOUY-Voyez Vol. I.

MICHAUD-Voyez Vol. I.

DESAUGIERS-NÉ EN 1772.

Chansonnier et vaudevilliste, célèbre pour son esprit enjoué. L'Hôtel Garni ou la Leçon Singulière, La Chatte

Merveilleuse, Monsieur sans Gêne, et Le Dîner de Madelon, pièces qu'on a vu jouer tant de fois, sont de lui.

Mourut en 1827.

LEMERCIER-NÉ EN 1772

Poète et prosateur. Il s'est acquis autant de réputation par la diversité que par le mérite de ses œuvres, qui en général portent l'empreinte du génie et du goût. Elles sont trop nombreuses pour être détaillées ici, mais voici les titres des plus remarquables: Le Lévite d'Ephraïm, tragédie; Agamemnon, tragédie; La Prude, comédie; Les Quatre Métamorphoses, poème; Pinto, comédie; Ismaël au Désert, ou l'Origine du Peuple Arabe, scène orientale; Un de mes Songes, ou Quelques Vers sur Paris; Christophe Colomb, comédie; Charlemagne, tragédie; La Panhipocrisiade, poème; Cours Analytique de Littérature Générale ; Saint Louis, tragédie; La Démence de Charles VI., tragédie; Frédégonde et Brunehaut, tragédie; Les Voyages de Scaramantade, comédie.-Mourut en 1840.

ÉTIENNE-NÉ EN 1778.

Poète dramatique. Il a donné trois comédies fort spirituelles, Bruéis et Palaprat, Les Deux Gendres, L'Intrigante, et plusieurs jolis opéras, La Lampe Merveilleuse, Une Heure de Mariage, Un Jour à Paris, Gulistan, Cendrillon, Joconde, etc. Nous avons aussi de lui quelques ouvrages en prose, entr'autres une Histoire du Théâtre Français depuis la Révolution, et des Lettres sur Paris, relations piquantes des agitations de la cour dans les années 1818 et 1819.-Mourut en 1845.

BÉRANGER-NÉ EN 1780.

Le plus spirituel et le plus gracieux de nos chansonniers. Quand un noble sentiment l'inspire, c'est lui aussi qui a le plus d'enthousiasme; dans ses chansons patriotiques, il s'élève quelquefois jusqu'au ton sublime de l'ode.

Mourut en 1857.

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