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FABRE D'ÉGLANTINE-NÉ EN 1755.

Ce poète, dont le nom rappelle une époque déplorable de notre histoire, a laissé au théâtre trois comédies, Le Philinte de Molière, (qui, selon la remarque de La Harpe, serait mieux intitulé L'Egoïsme,) L'Intrigue Epistolaire, et Les Précepteurs. Ces trois pièces toutes mal écrites qu'elles soient, se sont soutenues, la première parce qu'elle intéresse, et les deux autres parce qu'elles font rire.-Mourut en 1794.

FLORIAN-NÉ EN 1755.

Poète et romancier. Il débuta par une pièce de vers en l'honneur de Voltaire. Cette première production de son talent, intitulé Voltaire et le Serf du Mont Jura, fut couronnée par l'académie, et suivie bientôt de la jolie églogue de Ruth; à laquelle succédèrent quelques pièces de théâtre, où le principal mérite de l'auteur a été de savoir répandre de l'intérêt sur le personnage d'Arlequin, dont le sens droit, la bonhomie, et la franchise gagnent les cœurs. Florian donna ensuite ses deux pastorales d'Estelle et Galatée, d'un fond si pur, d'un coloris si frais! mais hors de la nature. Ses Nouvelles, où dominent tour à tour la morale, le sentiment, et la gaîté; Numa Pompilius, Gonzalve de Cordoue, romans historiques, dont le dernier est précédé d'un précis historique très-curieux et très-bien écrit sur Les Maures d'Espagne. N'oublions pas ses Fables, où il y a quelque chose de naturel et de gracieux qui rappelle celles de La Fontaine.-Mourut en 1794.

COLLIN D'HARLEVILLE-NÉ EN 1755.

Poète comique. Ce qu'on admire chez lui c'est le naturel, la pureté et la douceur du dialogue, la vérité et la finesse des portraits. Ses meilleures pièces sont L' Inconstant et Le Vieux Célibataire. Plus faibles sous le rapport de l'intrigue et des caractères, L'Optimiste et Les Châteaux en Espagne offrent, en revanche, une foule de détails charmants et de traits heureux. Dans Les Mœurs du Jour l'auteur est audessous de lui-même.-Mourut en 1806.

DE FONTANES-NÉ EN 1757.

Poète et prosateur. Toutes ses œuvres portent l'empreinte d'une âme noble et d'un goût délicat. Son style est plein de chaleur, sa diction toujours pure, élégante, et son vers d'une douceur exquise dans Le Cloître des Chartreux, Le Verger, Le Jour des Morts, La Violation des Tombeaux de St. Denis. Il s'est trop étudié à suivre l'original dans son Essai sur l'Homme, traduit de Pope: mais le discours qu'il a mis en tête est un chef-d'œuvre; on y admire surtout les portraits de Lucrèce, d'Horace, de Boileau, de Pascal, et de Voltaire.-Mourut en 1821.

ANDRIEUX-NÉ EN 1759.

Poète comique, dont le naturel, l'esprit et la gaîté font le caractère. Entre toutes ses pièces, on distingue Anaximandre, Les Etourdis, Le Trésor, La Comédienne, Helvétius, Molière avec ses amis. Il a composé aussi quelques Contes en vers, fort piquants.-Mourut en 1833.

DEMOUSTIER-NÉ EN 1760.

Puisque l'objet que ce poète eut en vue dans son principal ouvrage fut d'instruire, appelons-le didactique, nonobstant son esprit enjoué et sémillant, et le ton badin de ses aimables leçons. Ses Lettres à Emilie sur la Mythologie, en vers et en prose, sont un des petits ouvrages de notre littérature les plus éblouissants. Bien des personnes disent que l'auteur y prodigue trop l'esprit : nous le dirions aussi s'il faisait quelque effort pour être si spirituel; mais au contraire, avec quelle aisance et quelle grâce il tourne sa pensée, et en fait jaillir l'étincelle? Son petit poème intitulé Le Siége de Cythère n'est qu'un jet brillant de sa vive et riante imagination. Demoustier a aussi composé des comédies; mais il n'y en a guère que deux, Le Conciliateur, et Les Femmes, qui méritent d'être citées.

Mourut en 1801.

M. A. CHÉNIER-NÉ EN 1762.

Marie André Chénier était né pour la poésie: et déjà il avait donné plusieurs marques d'un rare talent, quand il tomba, à la fleur de l'âge, sous la hache révolutionnaire. A la compassion qu'excite son infortune se mêle le regret, quand on lit son poème de L'Invention, ses Elégies, L'Idylle du Malade, et L'Ode de la Jeune Captive. Mourut en 1794.

M. J. CHÉNIER-NÉ EN 1764.

Marie Joseph Chénier était aussi heureusement organisé qu'André son frère pour la poésie. L'amour de la patrie et de la liberté, qui semble avoir prévalu chez lui sur tous les autres sentiments, lui inspira ses belles odes politiques, au-dessus desquelles nous n'avions rien alors. La même passion dominait encore son âme quand il s'éleva jusqu'aux premiers tragiques, et par les pensées et par la vigueur du style, dans Charles IX., Tibère, Philippe II., et Henri VIII.: Gracchus Timoléon, Jean Calas, Fénélon, qu'il donna en suite, n'égalent pas les premières. Il ne se borna pas à l'ode et à la tragédie: on a encore de lui le premier chant d'un poème sur les Principes des Arts, une traduction de L'Art Poétique d'Horace, une Epitre à la Calomnie, une autre à Voltaire, et quelques élégies.-Mourut en 1811.

LÉGOUVÉ NÉ EN 1764.

Les tragédies de ce poète sont à peu près oubliées, quoique La Mort d'Abel ne méritât pas de l'être. Mais on lit toujours avec plaisir ses deux jolis petits poèmes intitulés Le Mérite des Femmes, et Les Souvenirs.-Mourut en 1813.

DIX-HUITIÈME SIÈCLE.

MORCEAUX CHOISIS.

AVEUGLEMENT DES HOMMES.

(J. B. ROUSSEAU.)

Qu'aux accents de ma voix la terre se réveille, Rois, soyez attentifs; peuples, ouvrez l'oreille: Que l'univers se taise, et m'écoute parler! Mes chants vont seconder les accords de ma lyre: L'esprit saint me pénètre, il m'échauffe, il m'inspire Les grandes vérités que je vais révéler.

L'homme en sa propre force a mis sa confiance. Ivre de ses grandeurs et de son opulence,

L'éclat de sa fortune enfle sa vanité.

Mais ô moment terrible! ô jour épouvantable!
Où la mort saisira ce fortune coupable,

Tout chargé des liens de son iniquité!

Que deviendront alors, répondez, grands du monde, Que deviendront ces biens où votre espoir se fonde, Et dont vous étalez l'orgueilleuse moisson? Sujets, amis, parents, tout deviendra stérile, Et, dans ce jour fatal, l'homme, à l'homme inutile, Ne paîra point à Dieu le prix de sa rançon.

Vous avez vu tomber les plus illustres têtes; Et vous pourriez encore, insensés que vous êtes, Ignorer le tribut que l'on doit à la mort!

Non, non: tout doit franchir ce terrible passage,
Le riche et l'indigent, l'imprudent et le sage,
Sujets à même loi, subissent même sort.

D'avides étrangers, transportés d'allégresse,
Engloutissent déjà toute cette richesse,

Ces terres, ces palais, de vos noms ennoblis.
Et que vous reste-t-il en ces moments suprêmes?
Un sépulcre funèbre, où vos noms, où vous-mêmes
Dans l'éternelle nuit serez ensevelis.

Les hommes, éblouis de leurs honneurs frivoles,
Et de leurs vains flatteurs écoutant les paroles,
Ont de ces vérités perdu le souvenir :

Pareils aux animaux farouches et stupides,
Les lois de leur instinct sont leurs uniques guides,
Et pour eux le présent paraît sans avenir.

Un précipice affreux devant eux se présente;
Mais toujours leur raison, soumise et complaisante,
Au devant de leurs yeux met un voile imposteur.
Sous leurs pas cependant s'ouvrent les noirs abîmes,
Où la cruelle mort, les prenant pour victimes,
Frappe ces vils trompeaux dont elle est le pasteur.

Là, s'anéantiront ces titres magnifiques,
Ce pouvoir usurpé, ces ressorts politiques,
Dont le juste autrefois sentit le poids fatal.
Ce qui fit leur bonheur deviendra leur torture,
Et Dieu, de sa justice apaisant le murmure,
Livrera ces méchants au pouvoir infernal.

Justes, ne craignez point le vain pouvoir des hommes; Quelque élevés qu'ils soient, ils sont ce que nous sommes : Si vous êtes mortels, ils le sont comme vous.

Nous avons beau vanter nos grandeurs passagères,
Il faut mêler sa cendre aux cendres de ses pères;
Et c'est le même Dieu qui nous jugera tous.

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