D. Diègue. L'éclat de mes hauts faits fut mon seul partisan. Le Comte. Parlons-en mieux, le roi fait honneur à votre D. Diègue. Le roi, quand il en fait, le mesure au courage. bras. D. Diègue. Qui n'a pu l'obtenir ne le méritait pas. D. Diègue. Vous. Le Comte. Ton impudence, Téméraire vieillard, aura sa récompense. Il lui donne un soufflet. D. Diègue, (l'épée à la main.) Achève, et prends ma vie après un tel affront, Le premier dont ma race ait vu rougir son front. Le Comte. Et que penses-tu faire avec tant de faiblesse ? D. Diègue. O Dieu! ma force usée en ce besoin me laisse ! Le Comte. Ton épée est à moi: mais tu serais trop vain, Si ce honteux trophée avait chargé ma main. Adieu. Fais lire au prince, en dépit de l'envie, SCÈNE VII. D. Diègue. O rage! ô désespoir! ô vieillesse ennemie! pour voir en un jour flétrir tant de lauriers? Et ton jaloux orgueil, par cet affront insigne, SCÈNE VIII. D. Diègue, D. Rodrigue. D. Diègue. Rodrigue, as-tu de cœur? D. Rod. L'éprouverait sur l'heure. D. Diègue. Tout autre que mon père Agréable colère ! Digne ressentiment à ma douleur bien doux! Je reconnais mon sang à ce noble courroux : Ma jeunesse revit en cette ardeur si prompte. Viens, mons fils, viens, mon sang, viens réparer ma honte ; Viens me venger. D. Rod. D. Diègue. De quoi ? D'un affront si cruel Qu'à l'honneur de tous deux il porte un coup mortel, D'un soufflet. L'insolent en eût perdu la vie, Mais mon âge a trompé ma généreuse envie ; Je l'ai vu tout sanglant, au milieu des batailles, Se faire un beau rempart de mille funérailles. D. Rod. Son nom? c'est perdre temps en propos superflus. D. Diègue. Donc pour te dire encor quelque chose de plus, Plus que brave soldat, plus que grand capitaine, C'est. D. Rod. De grâce, achevez. D. Diègue. Le père, de Chimène. D. Rod. Le. D. Diègue. Ne réplique point, je connais ton amour; Mais qui peut vivre infâme est indigne du jour; Plus l'offenseur est cher, et plus grande est l'offense. Enfin tu sais l'affront, et tu tiens la vengeance, Je ne te dis plus rien; venge-moi, venge-toi; Montre-toi digne fils d'un père tel que moi; Accablé des malheurs où le destin me range, Je m'en vais les pleurer. Va, cours, vole, et nous venge. D. Rod. SCÈNE IX. Percé jusques au fond du cœur Si près de voir mon feu récompensé, En cet affront mon père est l'offensé, Que je sens de rudes combats! Contre mon propre honneur mon amour s'intéresse, Des deux côtés mon mal est infini. Faut-il laisser un affront impuni ? Père, maîtresse, honneur, amour, Mais ensemble amoureuse, Digne ennemi de mon plus grand bonheur, M'es-tu donné pour venger mon honneur? M'es-tu donné pour perdre ma Chimène? Il vaut mieux courir au trépas; Je dois à ma maîtresse aussi bien qu'à mon père; Mon mal augmente à le vouloir guérir, Allons, mon âme, et puisqu'il faut mourir, Mourir sans tirer ma raison ! Rechercher un trépas si mortel à ma gloire! Allons, mon bras, sauvons du moins l'honneur, Oui, mon esprit s'était déçu ; Je dois tout à mon père avant qu'à ma maîtresse : Courons à la vengeance; Et, tout honteux d'avoir tant balancé, ACTE SECOND. SCÈNE II. Le Comte, D. Rodrigue. D. Rod. A moi, comte, deux mots. Le Comte. D. Rod. Connais tu bien Don Diègue? Le Comte. D. Rod. Parle. Ote-moi d'un doute. Oui. Parlons bas, écoute. Sais-tu que ce vieillard fut la même vertu, La vaillance et l'honneur de son temps? Le sais-tu ? Le Comte. Peut-être. D. Rod. Cette ardeur que dans les yeux je porce, Sais-tu que c'est son sang? Le sais-tu ? Le Comte. D. Rod. Parle sans t'émouvoir. Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées La valeur n'attend pas le nombre des années. Le Comte. Te mesurer à moi! Qui t'a rendu si vain, Toi qu'on n'a jamais vu les armes à la main? Et D. Rod. Mes pareils à deux fois ne se font pas connaître, D. Rod. Le Comte. Ce grand cœur qui paraît aux discours que tu tiens, Par tes yeux, chaque jour, se découvrait aux miens; Mon âme avec plaisir te destinait ma fille. Je sais ta passion, et suis ravi de voir Que tous ses mouvements cèdent à ton devoir, Trop peu d'honneur pour moi suivrait cette victoire · |