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Une autre. Il venait révéler aux enfans des Hébreux
De ses préceptes saints la lumière immortelle.
Il venait à ce peuple heureux

Ordonner de l'aimer d'une amour éternelle.
Tout le Chœur. O divine, ô charmante loi !
O justice! O bonté suprême !

Que de raisons, quelle douceur extrême,

D'engager à ce Dieu son amour et sa foi !

Une voix seule. D'un joug cruel il sauva nos aïeux: Les nourrit au désert d'un pain délicieux.

Il nous donne ses loix, il se donne lui-même.

Pour tant de biens, il commande qu'on l'aime.

Le Chœur. O justice! O bonté suprême!

La même voix. Des mers pour eux il entr'ouvrit les eaux; D'un aride rocher fit sortir des ruisseaux.

Il nous donne ses loix, il se donne lui-même.

Pour tant de biens, il commande qu'on l'aime.

Le Chœur. O divine, ô charmante loi !

Que de raisons, quelle douceur extrême,

D'engager à ce Dieu son amour et sa foi!

Une autre voix seule. Vous qui ne connaissez qu'une crainte servile,

Ingrats, un Dieu si bon ne peut-il vous charmer?
Est-il donc à vos cœurs, est-il si difficile

Et si pénible de l'aimer ?

L'esclave craint le tyran qui l'outrage;
Mais des enfans l'amour est le partage.

Vous voulez que ce Dieu vous comble de bienfaits,
Et ne l'aimer jamais.

Tout le Chour. O divine, ô charmante loi!
O justice, ô bonté suprême!

Que de raisons, quelle douceur extrême,

D'engager à ce Dieu son amour et sa foi?

Chœur, chorus; luire, to shine; joug, yoke.

ACTE SECOND.
SCÈNE V.

Mathan, Athalie, Abner,3 suite d'Athalie.

Mat. Grande Reine, est-ce ici votre place? Quel trouble vous agite, et quel effroi vous glace?

(1) Pron. Mátan.

(2) Pron. Atali.

(3) Pron. Abnerre.

Parmi vos ennemis que venez-vous chercher?
De ce temple profane osez-vous approcher?
Avez-vous dépouillé cette haine si vive? . . .

Ath. Prêtez-moi l'un et l'autre une oreille attentive. Je ne veux point ici rappeler le passé,

Ni vous rendre raison du sang que j'ai versé.
Ce que j'ai fait, Abner, j'ai cru le devoir faire,
Je ne prends point pour juge un peuple téméraire.
Quoi que son insolence ait osé publier,

Le Ciel même a pris soin de me justifier.
Sur d'éclatans succès ma puissance établie,
A fait jusqu'aux deux mers respecter Athalie.
Par moi Jérusalem goûte un calme profond;
Le Jourdain ne voit plus l'Arabe vagabond,
Ni l'altier Philistin, par d'éternels ravages,
Comme aux temps de vos rois désoler ses rivages.
Le Syrien me traite et de reine et de sœur.
Enfin de ma maison le perfide oppresseur,
Qui devait jusqu'à moi pousser sa barbarie,
Jéhu, le fier Jéhu tremble dans Samarie.
De toutes parts pressé par un puissant voisin,
Que j'ai su soulever contre cet assassin,

Il me laisse en ces lieux souveraine maîtresse.
Je jouissais en paix du fruit de ma sagesse.

Mais un trouble importun vient depuis quelques jours
De mes prospérités interrompre le cours.

Un songe (me devrais-je inquiéter d'un songe?)
Entretient dans mon cœur un chagrin qui le ronge.
Je l'évite partout, partout il me poursuit.
C'était pendant l'horreur, d'une profonde nuit;
Ma mère Jézabel devant moi s'est montrée,
Comme au jour de sa mort pompeusement parée;
Ses malheurs n'avaient point abattu sa fierté,
Même elle avait encor cet éclat emprunté,
Dont elle eut soin de peindre et d'orner son visage,
Pour réparer des ans l'irréparable outrage.
Tremble, m'a-t-elle dit, fille digne de moi.
Le cruel Dieu des Juifs l'emporte aussi sur toi.
Je te plains de tomber dans ses mains redoutables,
Ma fille. En achevant ces mots épouvantables,
Son ombre vers mon lit a paru se baisser;
Et moi, je lui tendais les mains pour l'embrasser.
Mais je n'ai plus trouvé qu'un horrible mélange
D'os et de chair meurtris, et traînés dans la fange;

Des lambeaux pleins de sang et des membres affreux,
Que des chiens dévorans se disputaient entre eux.
Abn. Grand Dieu!

Ath.
Dans ce désordre à mes yeux se présente
Un jeune enfant couvert d'une robe éclatante,
Tel qu'on voit des Hébreux les prêtres revêtus.
Sa vue a ranimé mes esprits abattus.

Mais lorsque revenant de mon trouble funeste,
J'admirais sa douceur, son air noble et modeste,
J'ai senti tout à coup un homicide acier,
Que le traître en mon sein a plongé tout entier.
De tant d'objets divers le bizarre assemblage
Peut-être du hasard vous paraît un ouvrage;
Moi-même, quelque temps honteuse de ma peur,
Je l'ai pris pour l'effet d'une sombre vapeur.
Mais de ce souvenir mon âme possédée,
A deux fois, en dormant, revu la même idée ;
Deux fois mes tristes yeux se sont vus retracer
Ce même enfant toujours tout prêt à me percer.
Lasse enfin des horreurs, dont j'étais poursuivie,
J'allais prier Baal de veiller sur ma vie,
Et chercher du repos aux pieds de ses autels:
Que ne peut la frayeur sur l'esprit des mortels!
Dans le temple des Juifs un instinct m'a poussée,
Et d'appaiser leur Dieu j'ai conçu la pensée.
J'ai cru que des présens calmeraient son courroux;
Que ce Dieu, quel qu'il soit, en deviendrait plus doux.
Pontife de Baal, excusez ma faiblesse.

J'entre. Le peuple fuit. Le sacrifice cesse.
Le Grand-Prêtre vers moi s'avance avec fureur.
Pendant qu'il me parlait, ô surprise! ô terreur!
J'ai vu ce même enfant, dont je suis ménacée,
Tel qu'un songe effrayant l'a peint à ma pensé.
Je l'ai vu. Son même air, son même habit de lin,
Sa démarche, ses yeux, et tous ses traits enfin.
C'est lui-même. Il marchait à côté du Grand-Prêtre ;
Mais bientôt à ma vue on l'a fait disparaître.
Voilà quel trouble ici m'oblige à m'arrêter,

Et sur quoi j'ai voulu tous deux vous consulter.
Que présage, Mathan, ce prodige incroyable?

Mat. Ce songe et ce rapport, tout me semble effroy

able.

Ath. Mais cet enfant fatal, Abner, vous l'avez vu.

Quel est-il? De quel sang? Et de quelle tribu?

Abn. Deux enfans à l'autel prêtaient leur ministère, L'un est fils de Joad, Josabet est sa mère.

L'autre m'est inconnu.

Mat.
Pourquoi délibérer ?
De tous les deux, madame, il se faut assurer.
Vous savez pour Joad mes égards, mes mesures;
Que je ne cherche point à venger mes injures;
Que la seule équité règne en tous mes avis.
Mais lui-même, après tout, fût-ce son propre fils,
Voudrait-il un moment laisser vivre un coupable?

Abn. De quel crime un enfant peut-il être capable?
Mat. Le Ciel nous le fait voir un poignard à la main.
Le Ciel est juste et sage, et ne fait rien en vain.
Que cherchez-vous de plus ?

Abn.

Mais sur la foi d'un songe,
Dans le sang d'un enfant voulez-vous qu'on se plonge?
Vous ne savez encor de quel père il est né,
Quel il est

Mat. On le craint, tout est examiné. A d'illustres parens s'il doit son origine, La splendeur de son sort doit hâter sa ruine. Dans le vulgaire obscur si le sort l'a placé, Qu'importe qu'au hasard un sang vil soit versé? Est-ce aux rois à garder cette lente justice? Leur sûreté souvent dépend d'un prompt supplice. N'allons point les gêner d'un soin embarrassant. Dès qu'on leur est suspect, on n'est plus innocent. Abn. Hé quoi, Mathan! d'un prêtre est-ce là le langage? Moi, nourri dans la guerre aux horreurs du carnage, Des vengeances des rois ministre rigoureux, C'est moi qui prête ici ma voix aux malheureux! Et vous, qui leur devez des entrailles de père; Vous ministre de paix dans les temps de colère, Couvrant d'un zèle faux votre ressentiment, Le sang, à votre gré, coule trop lentement! Vous m'avez commandé de vous parler sans feinte, Madame. Quel est donc ce grand sujet de crainte ? Un songe, un faible enfant, que votre œil prévenu Peut-être sans raison croit avoir reconnu.

Ath. Je le veux croire, Abner, je puis m'être trompée, Peut-être un songe vain m'a trop préoccupée.

Hé bien! il faut revoir cet enfant de plus près;
Il en faut à loisir examiner les traits.

Qu'on les fasse tous deux paraître en ma présence.
Abn. Je crains

Ath.

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Manquerait-on pour moi de complaisance?

De ce refus bizarre où seraient les raisons?
Il pourrait me jeter en d'étranges soupçons.
Que Josabet, vous dis-je, ou Joad les amène.
Je puis, quand je voudrai, parler en souveraine.
Vos prêtres, je veux bien, Abner, vous l'avouer,
Des bontés d'Athalie ont lieu de se louer.
Je sais, sur ma conduite et contre ma puissance,
Jusqu'où de leurs discours ils portent la licence.
Ils vivent cependant, et leur temple est debout.
Mais je sens que bientôt ma douceur est à bout.
Que Joad mette un frein à son zèle sauvage,
Et ne m'irrite point par un second outrage.
Allez.

SCÈNE VI.

Athalie, Mathan, suite d'Athalie.

Mat. Enfin je puis parler en liberté.
Je puis dans tout son jour mettre la vérité.
Quelque monstre naissant dans ce temple s'élève,
Reine, n'attendez pas que le nuage crève.
Abner chez le Grand-Prêtre a dévancé le jour.
Pour le sang de ses rois vous savez son amour.
Et qui sait, si Joad ne veut point en leur place
Substituer l'enfant, dont le Ciel vous menace,
Soit son fils, soit quelqu'autre?

Ath.
Oui, vous m'ouvrez les yeux.
Je commence à voir clair dans cet avis des cieux.

Mais je veux de mon doute être débarrassée.
Un enfant est peu propre à trahir sa pensée;
Souvent d'un grand dessein un mot nous fait juger.
Laissez-moi, cher Mathan, le voir, l'interroger.
Vous cependant, allez; et sans jeter d'alarmes,
A tous mes Tyriens faites prendre les armes.

SCÈNE VII.

Joas, Josabeth, Athalie, Zacharie, Abner, Salomith, deux Lévites, le Chour, suite d'Athalie.

Jos. (aux deux Lévites.) O vous, sur ces enfans si chers, si précieux,

(1) Pron. Joásse.

(2) Pron. Zacari.

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